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PORTRAIT D’EXPAT - Séverine Savigny, fashion expat’ !

Écrit par Lepetitjournal Montreal
Publié le 1 mars 2015, mis à jour le 2 mars 2015

Lorsqu'elle pose les pieds au Saguenay, une ville isolée au nord-est du Québec, à plus de 18 000 kilomètres de son île, la Réunion, Séverine a 20 ans et vient simplement poursuivre ses études d'éducatrice spécialisée. Elle ne le sait pas encore, mais cette expatriation insolite va, au fil d'un parcours fantastique comme seule la Providence est capable d'en tracer, la remettre sur le chemin de son rêve caché: le mannequinat. Quatre ans plus tard, elle enchaine shootings, articles de magazines, et s'apprête à partir fouler les podiums de la Fashion Week de Toronto ce mois de mars. Le rêve est en marche et ne semble pas prêt de s'arrêter.

@Maxime Boken


Sur le mur de sa page Facebook, Séverine partage cette maxime de Sidney Friedman : «Tu peux tout accomplir dans la vie si tu as le courage de le rêver, l'intelligence d'en faire un projet réaliste, et la Volonté de voir ce projet mené à bien». Une philosophie de vie très spirituelle, inspirée notamment par les livres de Paulo Coelho que la jeune métisse de 24 ans dévore dans les «backstage», entre deux castings. Comme Santiago, héros du roman à succès « L'alchimiste » (qu'elle a lu au moins quatre fois) de l'auteur brésilien, Séverine est partie au bout du monde pour réaliser sa légende personnelle. Sauf que, contrairement au personnage de papier, elle ne s'est pas rendue devant les Pyramides d'Egypte, mais au Saguenay, une ville un peu moins glamour située à plus de 450 kilomètres de route au nord-est de Montréal et qui englobe les arrondissements de Jonquière-Chicoutimi-La Baie.

Dans ce qu'elle décrit comme une région très « forestière » et donc « propice aux études », le contraste des paysages tranche avec ce qu'elle a connu auparavant. Sans parler de la température, dont la chute est vertigineuse. La notion de distance diffère totalement, elle aussi : «A la Réunion, 4 heures suffisent pour faire le tour de l'île, la distance Nord-Sud se parcourt en 45 minutes. Là, depuis ma descente de l'avion à Montréal jusqu'au Saguenay, il y avait 5h30 de route ! C'était interminable, se remémore-t-elle. En chemin, je voyais les kilomètres défiler et je me disais ?mais dans quel trou est-ce que je me suis fourrée? ?». La jeune demoiselle de 20 ans, venue étudier l'éducation spécialisée auprès des personnes en difficultés, n'est pas au bout de ses surprises.

Couleur café et virée à Québec

@Spook magazine by Robin Westfield

Dans sa promo, au Cégep de Jonquière, elle est la seule étudiante internationale. Elle devient très vite l'attraction et suscite la curiosité de sa classe. Le premier jour, une de ses camarades est même surprise de sa couleur de peau : « Elle m'a demandé pourquoi j'étais de cette couleur? Au début, j'étais un peu vexée, mais j'ai compris que c'était juste de l'ignorance. Il faut savoir que certains étudiants n'avaient jamais eu la chance de sortir de leur région. Finalement, l'expérience s'est avérée très enrichissante ». Pendant trois ans, Séverine s'immerge tellement bien dans ce nouvel environnement qu'elle va jusqu'à intégrer des morceaux d'accent québécois, ponctuant régulièrement ses phrases d'un « tsé », d'un « là » ou encore du combo « tsé là ». Ses études lui plaisent et elle compense la nostalgie de sa Réunion natale en partageant ses soirées avec plusieurs amis réunionnais, également étudiants dans son université. L'un d'entre eux va d'ailleurs bousculer son nouveau quotidien.

L'annonce est publiée sur internet au mois de février 2013 alors que l'hiver sévit sur le Saguenay, des candidates sont recrutées pour participer au festival Québec Mode. Malgré une plastique à faire fondre un iceberg, Séverine (1m79 et un style comparable à Naomi Campbell) n'a pas du tout confiance en elle et ne pense pas une seconde à postuler. Hors de question ! Mademoiselle est, semble-t-il, complexée. Son ami et colocataire de l'époque, Christophe, décide de poster lui-même les photos de Séverine à l'agence. Bingo ! L'agence rappelle quelques jours plus tard pour annoncer la bonne nouvelle, la miss est sélectionnée pour les castings.

Direction Québec pour la jeune étudiante qui manque de se dégonfler une fois sur place. « Je pensais que c'était un petit casting. Alors quand je suis arrivée à Place Laurier à Québec, l'endroit grouillait de caméras et de filles canons, j'ai immédiatement fait marche arrière. » Mais après quelques minutes de réflexions, la novice, mal à l'aise, se décide finalement à réaliser un passage sur le podium. Bonne idée, le charme opère. Elle crève l'écran ! «Avec mon teint basané et ma coupe afro, j'étais comme le Pokémon rare au milieu de toutes ses filles magnifiques, mais qui se ressemblaient toutes », raconte-t-elle avec le sourire. Rapidement au centre des regards, elle est repérée par Chantal Nadeau, celle qui va lancer sa carrière et toujours son agent à l'heure actuelle. Séverine termine ses études, obtient son diplôme, déménage à Montréal et s'engage avec l'agence Montage models en août 2014. Le début de la vie de mannequin.

Régime salades et Fashion weeks

Petits contrats, castings, shootings, séances de coiffure et maquillage pendant presque 3h, articles de presse? La jeune réunionnaise, âgée aujourd'hui de 24 ans, se sent comme un poisson dans l'eau. Elle croque à pleines dents « ce que la vie lui donne ». Humble et la tête sur les épaules, elle est consciente du caractère fugace d'une carrière de mannequin. « Après 25 ans, tu commences à être rangée dans la catégorie des ?vieilles' ». Mais pour autant, pas question de passer à côté de cette chance unique, alors elle « joue sa vie à chaque casting » dans cette « jungle » de la mode qu'elle reconnait être un milieu « très fermé ». Pour y arriver, les sacrifices sont importants. Profession précaire lorsque l'on n'est pas « Top model », Séverine travaille à mi-temps, à côté, pour payer son loyer. Mais le plus dur reste d'équilibrer son alimentation, la réduction du nombre de poutines et de donut's est plus que recommandée. Une torture pour cette passionnée de cuisine contrainte au régime soupes, salades, fruits et légumes pour conserver ses gracieuses mensurations (84 ; 60 ; 89).

Le jeu en vaut la chandelle, car après avoir pris part à la Fashion Week de Montréal en août dernier, celle qui défile désormais avec le nom de scène « Paris » (qu'elle a choisi en hommage à son grandpère, parce que les anglophones n'arrivaient pas à prononcer Séverine), sera au mois de mars sur le podium de la Fashion Week de Toronto avec une de ses nouvelles agences, Ciotti Models Toronto. Une enjambée de plus en avant pour la jeune réunionnaise, qui n'est pas retournée chez elle depuis maintenant deux ans. « Je vais essayer de rentrer cette année, mais pas avant d'avoir intégré une agence New-Yorkaise», précise-t-elle avec détermination.

« Ça dans le sang ! »

En attendant, sur l'île, sa maman attend son retour avec impatience, elle qui l'avait déjà poussé sur un podium de mode alors qu'elle était toute jeune. A l'époque, une agence parisienne organise un concours de beauté à Saint-Denis, la chef-lieu. L'événement attire la télévision locale. Séverine s'en fiche. Dans son style garçon manqué, l'adolescente préfèrerait aller jouer au football avec les copains, mais accepte d'y participer pour faire plaisir à sa mère. Lorsque son tour de défiler arrive, comme un signe, elle bluffe la bookeuse. « On dirait que tu as fait ça toute ta vie, tu as ça dans le sang ! », lâche même une juge. Pour l'occasion, la petite beauté fera la couverture d'un magazine local. Naît soudain en elle la flamme du mannequinat.

Et puis plus rien. L'école, les devoirs, et la perspective de s'orienter vers une profession stable effacent doucement, presque complètement, ce désir ardent mais pudique chez Séverine, d'oser une carrière dans la mode. Jusqu'à ce que l'appel du voyage résonne en elle et l'entraine, là-bas très loin, dans cette partie peu fréquentée du Québec. Un départ courageux vers l'inconnu qui se révèlera, en réalité, un retour sur le chemin de son rêve.



Thibault Girardet, (Lepetitjournal.com/Montréal) Lundi 2 mars 2015

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Publié le 1 mars 2015, mis à jour le 2 mars 2015

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