La 16e édition d’Americana, le plus grand forum environnemental multisectoriel francophone en Amérique du Nord, s’est achevée après deux jours intenses d’échanges, de découvertes et de réflexions sur les grands défis écologiques. Avec plus de 2 500 visiteurs, des dizaines de conférences et la participation de figures politiques de premier plan, cette édition a une fois de plus démontré la vitalité du secteur environnemental québécois, mais aussi ses défis persistants.


"Nous devons faire de l'eau un enjeu de sécurité nationale" Soula Chronopoulos, présidente de AquaAction, Grand Partenaire d'Americana
Dans le cadre prestigieux du Grand Quai du Port de Montréal, l’événement a offert un espace propice aux discussions stratégiques et aux rencontres entre acteurs de l’industrie, élus et chercheurs. La logistique impeccable a facilité les échanges et permis aux participants de découvrir les dernières innovations en matière de gestion des ressources, de lutte contre les changements climatiques et d’économie circulaire.
Retour sur la première journée du salon
Ministres, distinctions et gestion de l’eau : une deuxième journée clé à Americana 2025
Dès l’ouverture, les discussions ont mis en avant l’urgence d’accélérer la transition écologique. Les intervenants ont insisté sur la nécessité de mobiliser l’ensemble des acteurs – entreprises, municipalités et institutions – pour surmonter les obstacles qui freinent le développement de solutions durables.
L’un des moments marquants a été la prise de parole de Marie-Josée Barrieault directrice de la gestion stratégique de l’eau au MAMH, qui a rappelé les progrès réalisés depuis la mise en place de la politique nationale de l’eau en 2002, tout en soulignant les défis à venir.

« Nous avons réduit la consommation d’eau potable de 37 % en 20 ans, mais la pression reste forte. La gestion des actifs doit devenir une priorité pour les municipalités afin d’éviter des pénuries dans les années à venir », a-t-elle déclaré devant un public attentif.
Ecotime, ou comment réduire l’usage de l’eau potable sans changer ses habitudes
Quelques minutes plus tard, sur le même plateau, le ministre québécois de l’Environnement, Benoit Charette, a réaffirmé l’engagement du gouvernement provincial à soutenir des initiatives structurantes et à encourager les innovations technologiques.
Un cri d’alarme sur la main-d’œuvre
Dans les allées du salon, entre les démonstrations technologiques et les échanges d’expertise, un problème revenait sans cesse : le manque de travailleurs qualifiés. Les exposants des kiosques, qu’ils soient issus du secteur de l’eau, des énergies renouvelables ou de la gestion des matières résiduelles, partageaient tous le même constat : les entreprises peinent à recruter.
« On a des projets, on a la technologie, mais on manque cruellement de personnel formé pour opérer et entretenir ces systèmes », confiait un représentant du secteur du traitement des eaux. « Il y a un écart croissant entre les besoins du marché et la capacité à y répondre. Si on veut réussir la transition écologique, il faut aussi investir dans la formation et l’attractivité de ces métiers. »
Plusieurs experts ont évoqué la nécessité d’un partenariat renforcé entre le gouvernement, les institutions de formation et les entreprises afin de développer des programmes spécialisés et d’inciter davantage de jeunes à choisir ces carrières essentielles.
Des eaux usées sous surveillance : un manque de coordination dans la gestion des contaminants émergents
Parmi les discussions clés de cette édition d'Americana, la question des contaminants émergents dans les eaux usées municipales a suscité un vif intérêt. Modérée par Sarra Besbé, chargée de projet à la direction de l’eau potable de la Ville de Montréal, la conférence a mis en lumière les interventions de Justine Lacombe-Bergeron (MELCCFP) et Dominique Claveau-Mallet (Polytechnique Montréal), qui ont fait le point sur les travaux de la Table de consultation scientifique sur les contaminants nocifs non normés (CNNN).

Créée en 2024, cette Table réunit chercheurs, experts municipaux et représentants du gouvernement afin d’éclairer le MELCCFP sur les stratégies de réduction des CNNN dans les effluents des stations d’épuration québécoises. Ses travaux s’appuient notamment sur les résultats d’une étude de caractérisation initiale, qui vise à identifier et quantifier la présence de ces contaminants dans les eaux usées des grandes villes du Québec.
MELCCFP - Ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.
« Nos stations d’épuration n’ont pas été conçues pour traiter ces polluants modernes, tels que les résidus pharmaceutiques ou les microplastiques. Nous devons moderniser nos infrastructures et envisager des solutions innovantes pour protéger nos ressources en eau », a expliqué Dominique Claveau-Mallet.
Cependant, un constat troublant a émergé des discussions : l’absence de coordination entre cette table de concertation et les initiatives privées ou indépendantes en matière de solutions technologiques. Un participant a notamment regretté que les travaux de la Table ne prennent pas en compte les avancées d’organismes comme AquaAction, qui développe des outils innovants pour la gestion des eaux usées.
Découvrir le Grand Partenaire du salon Americana 2025, AquaAction
Ce manque de synergie entre les efforts institutionnels et les solutions technologiques émergentes soulève une question essentielle : comment assurer une approche plus intégrée et concertée pour accélérer la transition vers une gestion plus efficace des eaux usées ?
Des distinctions pour saluer l’excellence
La cérémonie des Distinctions, moment fort du forum, a mis en lumière des acteurs ayant contribué de manière exemplaire à la protection de l’environnement. Réseau Environnement, organisateur de l’événement, a récompensé des figures inspirantes du secteur.
Un représentant de la Water Environment Federation est venu spécialement pour remettre la “Arthur Sidney Bedell Award” à Carolyne Ky, personnalité respectée dans le domaine de la gestion de l’eau. Caroline a reçu un hommage appuyé pour son parcours exceptionnel et son engagement indéfectible en faveur de l’environnement. Son influence et ses contributions ont profondément marqué le secteur, faisant d’elle une véritable référence.

Le Prix Arthur Sidney Bedell est une distinction prestigieuse décernée par la Water Environment Federation (WEF) pour reconnaître un service exceptionnel dans le domaine du traitement des eaux usées et des ouvrages d'assainissement. Le prix a été établi en 1948. Il porte le nom d'Arthur Sidney Bedell, qui était le deuxième président de la WEF.
Ce prix est un hommage à un.e pionnier.e dans le domaine du traitement des eaux usées et de l'assainissement, et vise à encourager et reconnaître l'excellence dans ce secteur crucial pour l'environnement et la santé publique.

Juste après cet hommage, une autre distinction de prestige a marqué la cérémonie. Martine Lanoue, ingénieure en assainissement et gestion de l'eau à la Ville de Terrebonne, a reçu le prix George Warren Fuller, une reconnaissance décernée par l'American Water Works Association (AWWA) pour son engagement exceptionnel dans le domaine de l'approvisionnement en eau. Ce prix, remis des mains d’Andrew Chastain-Howley, président du Standards Council de l'AWWA, honore les professionnels ayant apporté des contributions majeures au secteur.
Émue, Martine Lanoue a rappelé dans son discours l’importance d’une gestion durable des infrastructures en eau : « L’eau est une ressource précieuse, et nous avons la responsabilité d’assurer un accès à de l’eau de qualité tout en préservant nos écosystèmes. Ce prix reconnaît non seulement mon travail, mais aussi celui de tous les acteurs du secteur qui œuvrent chaque jour à améliorer nos pratiques et à renforcer la résilience de nos infrastructures. »
Cette distinction vient saluer plus de 25 ans d’engagement, au cours desquels Martine Lanoue a œuvré tant en application réglementaire qu’en gestion des eaux pluviales, notamment au sein de la Ville de Laval. Son discours, teinté d’humour et de détermination, a résonné auprès de ses pairs, illustrant à quel point l’innovation et la persévérance sont essentielles pour relever les défis de la gestion de l’eau.
Les distinctions Réseau Environnement
Autre distinction marquante celle du Centre de biométhanisation de l’agglomération de Québec, reconnu pour son approche innovante dans la gestion des matières organiques. « Nous avons pris des risques, mais nous savions que cette technologie allait faire la différence. L’économie circulaire n’est plus une option, c’est une nécessité », a déclaré l’un des représentants du centre.
Parmi les lauréats, Pascale Fortin a également été récompensée pour son engagement dans la gestion de l’eau potable. Elle a tenu à rappeler l’importance du travail collectif : « Rien ne se fait seul. Ce sont les échanges entre chercheurs, opérateurs et décideurs qui nous permettent de progresser et de sortir des sentiers battus. »
Enfin, la distinction Irma Levasseur Relève a été décernée à Nicolas Pinsonneau, soulignant l’importance d’impliquer les jeunes générations dans la transition écologique.

Lauréats des Distinctions 2025
Distinction secteur Eau : Pascale Fortin, coordonnatrice du Comité de suivi de la Stratégie québécoise d'économie d'eau potable, Réseau Environnement
Distinction secteur Matières résiduelles : Marie-Caroline Bourg, présidente et spécialiste en écofiscalité des matières résiduelles, EnviroRcube
Distinction secteur Air, Changements climatiques et Énergie (remise par ECOTECH) : Centre de biométhanisation de l'agglomération de Québec
Distinction secteur Sols et Eaux souterraines : Ghislain Dubuc, planificateur aux travaux publics, Ville de Laval
Distinction secteur Biodiversité : Ville de Salaberry-de-Valleyfield
Distinction Membre de l’année : Maxine Dandois-Fafard,, conseillère en développement durable, Institut national de recherche scientifique (INRS)
Distinction Vecteur Environnement - meilleur article scientifique ou technique : Luc Vescovi, conseiller en développement durable et en changements climatiques, Ministère des Transports du Québec, et Nour Srour, biologiste (Ph. D.)
Distinction Relève – Nicolas Pinsonneault, candidat au doctorat en économie à HEC Montréal
Distinction Cœur Vert - remis par EnviroCompétences : Centre Eau Terre Environnement de l'INRS
Un événement à la hauteur des attentes
L’équipe de Réseau Environnement a réalisé un travail remarquable pour orchestrer cette édition d’Americana, qui restera une référence en matière de rencontres environnementales. La programmation ambitieuse, la qualité des échanges et la fluidité de l’organisation ont été saluées par l’ensemble des participants.
« Cette année plus que jamais, nous avons besoin de modèles de leadership positif qui donnent des résultats en environnement », a rappelé Mathieu Laneuville, président-directeur général de Réseau Environnement. « Plusieurs avancées climatiques et environnementales sont ouvertement remises en question par le changement de cap de l’administration américaine. Nous avons le devoir de reconnaître ce qui se fait de bien en environnement au Québec si nous voulons encourager nos décideurs et nos entreprises à garder le cap sur la transition malgré le contexte politique et économique incertain. »

La journée s’est conclue par la visite du ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, qui a pris le temps d’échanger avec les exposants et de découvrir les innovations présentées. Sa présence a confirmé l’importance de ce type d’événements pour le dialogue entre les différents paliers gouvernementaux et les acteurs du secteur.
Alors que les participants quittaient le Grand Quai du Port de Montréal, une question restait en suspens : comment transformer ces engagements en actions durables et tangibles ?
Americana 2025 a prouvé que le Québec possède le talent, l’expertise et la volonté pour répondre aux défis environnementaux. Il reste maintenant à passer des paroles aux actes.
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