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THIERRY MATHOU – Portrait (2/2) : "Transformer l’essai", un projet fort pour les relations franco-philippines

Écrit par Lepetitjournal.com aux Philippines
Publié le 7 décembre 2015, mis à jour le 7 décembre 2015

Mardi 24 novembre dernier, trois élèves journalistes du Lycée Français de Manille, Lila BUNOAN, Alban GAUTROT et Pablo MORSIA, ont eu l'honneur de pouvoir interviewer son Excellence Thierry MATHOU, Ambassadeur de France aux Philippines. Second volet de ce portrait, consacré à son projet.

Lepetitjournal.com/Manille : Les enjeux entre la France et les Philippines sont-ils davantage économiques ou politiques ?

Thierry MATHOU : Je suis en train d'écrire mon "plan d'action" (quand un ambassadeur prend ses fonctions, dans les trois mois, il rédige une "feuille de route", ses recommandations pour la France pour les trois ou quatre années à venir). Ce plan d'action, que j'écris au nom de l'ambassade et de tous les acteurs qui contribuent aux relations bilatérales, je lui ai donné un titre court : "Transformer l'essai". Je veux dire par là que les Philippines pendant longtemps sont restées très loin de la France, pour un grand nombre de raisons (son histoire coloniale, sa situation géographique?). Au cours des deux ou trois dernières années, plusieurs visites à haut niveau ont contribué à rapprocher les deux pays. Il faut maintenant, au quotidien, mettre en application l'ensemble des accords conclus ou envisagés lors de ces visites : accords de coopération dans la lutte contre le réchauffement climatique, pour le développement des échanges culturels, universitaires, pour la densification des relations économiques, etc
Le principal enjeu est de faire en sorte que toutes les intentions affichées se mettent en application : "transformer l'essai".
Il est important que la France soit plus présente sur le plan économique aux Philippines. Sa part de marché n'y est aujourd'hui que de 3%. C'est peu. On peut faire beaucoup plus.
Il faut ensuite faire en sorte que la France soit plus visible aux Philippines. La France y est appréciée. Mais elle manque aujourd'hui d'une visibilité forte et cohérente. Une grande campagne sera lancée en ce sens.


Avez-vous un projet particulier pour les territoires associés aux Philippines dans votre ambassade : la Micronésie, les îles Marshall et la République des Palaos ?

Ces territoires sont encore plus "loin de la France" que ne le sont les Philippines, du fait d'un accès parfois compliqué, mais aussi parce qu'il n'y a pas de Français qui y résident.
L'enjeu est double. Ce sont des états insulaires, ceux qui vivent le plus douloureusement le changement climatique. Si rien n'est fait, dans quelques décennies, ces états risquent de ne plus exister, d'être engloutis. Tout ce qu'on peut développer avec eux pour les aider à faire face aux changements climatiques représente le premier enjeu, un enjeu planétaire. Le second enjeu est plus spécifiquement français. La France est le seul pays européen à avoir des territoires dans le Pacifique Sud (la Polynésie et la Nouvelle Calédonie). Il s'agit d'aider ces territoires à être mieux intégrés dans l'ensemble du Pacifique. Quand je vais aller dans ces trois états, je vais travailler à la fois à des projets de coopération bilatérale et aux renforcements des synergies avec nos territoires du Pacifique.

Pourquoi la COP21 semble-t-elle si importante, ici, aux Philippines ?

Les Philippines sont, selon l'O.N.U., le troisième pays au monde le plus vulnérable aux changements climatiques. Haiyan a été le plus important typhon de l'histoire contemporaine.
Dans le cadre de la préparation de la COP21, les Philippines ont pris la présidence du V20, le groupe des pays les plus vulnérables. L'objectif de la France est de maintenir le réchauffement climatique en-dessous de 2°C. Les Philippines, et les pays du V20, souhaitent un maintien au-dessous d'1,5°C.
C'est un pays particulièrement concerné. D'où le choix du président François HOLLANDE de venir lancer, au mois de février dernier,  "l'appel de Manille" avec le président Benigno AQUINO III. Un pays développé et un pays en développement très prometteur ont lancé ensemble le même appel à la planète entière.
Mais au-delà de cet acte important, les Philippines seront très concernées dans la mise en ?uvre de "'agenda des solutions" à l'issue de la COP21. Aux Philippines, beaucoup d'entreprises, notamment françaises, travaillent dans le domaine des énergies renouvelables : fermes solaires, hydroliennes (éoliennes sous-marines), biomasse (transformation par crémation des déchets de la culture du riz en électricité). En l'absence de réseau électrique national sur l'ensemble de l'archipel (qui compte plus de 7000 îles), chaque territoire tend à devenir autonome dans sa production d'énergie. C'est un enjeu important.

Quel rôle la France est-elle justement amenée à jouer ?

La France préside la COP21. Il ne s'agit pas uniquement d'organiser la conférence, mais, dans l'animation des négociations, d'orienter les discussions et de permettre la prise de décisions à l'issue de la conférence. Tout le réseau diplomatique, depuis des mois, prépare la COP21 : lobbying auprès des gouvernements, conférences dans les universités? C'est un important travail de fond.
Un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre est la Chine. Il était important que la Chine, présente à la COP21, s'engage à des réductions, mais aussi accepte le contrôle de la communauté internationale. Le président François HOLLANDE s'est déplacé en Chine et ses négociations ont permis que la Chine accepte des mécanismes contraignants de contrôle tous les cinq ans.

Que pensez-vous de la situation climatique actuelle ?

Elle est très préoccupante. Jacques CHIRAC, au 4ème Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002, avait déclaré : "Notre maison brûle et nous regardons ailleurs."
Aujourd'hui, notre maison brûle toujours, mais nous regardons la maison. Notre dernière chance pour éteindre l'incendie est la COP21.
J'ai rencontré le président AQUINO il y a deux semaines. Il m'a fait part de son inquiétude au sujet du phénomène El Niño. Le retour de ce courant chaud devrait impacter le climat philippin de manière préoccupante : les scientifiques annoncent des sécheresses qui risquent de mettre en danger les récoltes de riz à venir, et les poissons désertent les eaux philippines du fait de l'augmentation de leur température. Ce sont là les deux ressources alimentaires principales des Philippines. Il y a bien urgence. C'est à cette urgence que répond la COP21.

Lila BUNOAN, Alban GAUTROT et Pablo MORSIA (lepetitjournal.com/manille) mardi 08 décembre 2015

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Publié le 7 décembre 2015, mis à jour le 7 décembre 2015

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