En voyageant à vélo de la France au Cambodge avec son épouse, en 2008, François Lesage découvre l’ampleur de la pollution plastique qui envahit paysages et océans. Une décennie plus tard, il transforme cette prise de conscience en un projet ambitieux : The Plastic Flamingo. D’abord aux Philippines et depuis quelques mois au Cambodge, l’entrepreneur français s'attaque à la pollution océanique plastique avec créativité, détermination et l’envie de changer les mentalités.
A la sortie de ses études en 2008, François Lesage épouse sa compagne Charlotte et part avec elle faire le tour du monde en vélo. Destination : le Cambodge. Très vite, le couple s’aperçoit que la nature est très polluée, qu’il y a beaucoup de plastique au bord des routes et où qu’il soit sur terre. “En vélo, nous avons eu le temps de nous rendre compte. Nous aurions dû faire ce tour du monde en camion poubelle pour ramasser tous ces déchets” plaisante-t-il. Il confie beaucoup à sa femme qu’il faudra faire quelque chose pour limiter cette pollution plastique qui est partout dans les rizières, dans les déserts du Sinaï, dans les montagnes. La première graine de ce qui deviendra 10 ans plus tard The Plastic Flamingo est plantée.
A la fin de cette année de voyage, le couple rentre en France, trouve un travail - lui dans un cabinet de conseil prestigieux à Paris, elle dans le marketing digital. La routine s’installe sans pour autant faire cesser le projet fou de François, “durant huit années, The Plastic Flamingo a mûri dans ma tête”. Au début, il pense s'associer avec quelqu’un, malheureusement cela n’aboutit pas. Que faire ? Le couple a déjà démissionné et est prêt à se lancer. “Plus rien ne nous retenait, alors nous avons pris nos cinq valises et nos trois enfants - dont un bébé de six mois - et nous sommes partis aux Philippines pour démarrer quelque chose, pour lutter contre la pollution océanique plastique”. A ce moment-là, le projet est encore flou mais “tant que l’on est pas sur le terrain, on ne peut pas savoir précisément comment agir”.
Les Philippines sur le podium des pays d’Asie du Sud-Est les plus polluants
La destination n’est pas le fruit du hasard. La mission première de François et Charlotte est de lutter contre la pollution océanique plastique dans les pays émergents, là où elle est la plus catastrophique, “d’être des urgentistes de l’océan”. Depuis une dizaine d’années, la majorité des études scientifiques pointent les pays d’Asie du Sud-Est. “L’Asie représente 80% de la pollution des pays qui produisent le plus de pollution océanique plastique au monde et 60% émane de 6 pays d’Asie du Sud-Est. Dans le podium, les Philippines sont toujours présentes” explique François. Au-delà de la raison rationnelle d’aller là où il y a un besoin, deux autres raisons font pencher la balance pour l’archipel des 7.641 îles : la forte présence de l’anglais dans le pays et l’attache personnelle de François, qui a vécu six mois pendant ses études.
En six années sur place, après des hauts et des bas, le couple a pu installer plus de 250 points de collectes, recueillir plus de 1.000 tonnes de déchets plastiques et constituer une équipe de 50 employés, avec une vision inclusive visant à employer 50% de femmes et à les former à des métiers techniques “pour briser les stéréotypes et offrir de nouvelles perspectives aux ouvrières dans un secteur où le tri des déchets est souvent l’unique fonction qui leur est confiée”.
Le besoin de se développer ailleurs, d’étendre The Plastic Flamingo
Depuis quelque temps, François nourrissait le rêve de répliquer le projet, ses idées et ses principes créatifs, ailleurs. Il a commencé à réfléchir au pays le plus approprié où développer The Plastic Flamingo. “Il fallait quand même que ce ne soit pas trop loin des Philippines parce que je dois y aller souvent pour piloter la croissance de l'entreprise là-bas, et notamment la nouvelle usine que nous sommes en train d'y construire. Et puis quinze années plus tôt, le pays des Khmers a été le point final de notre tour du monde en vélo. Tout naturellement le Cambodge nous est apparu comme une évidence, un clin d'œil au destin”. Installé depuis septembre 2024, François constate déjà des différences entre les deux pays, notamment sur la question du tri des déchets.
Reprendre de zéro au Cambodge
“Si aux Philippines, la question de la collecte et du recyclage des déchets plastiques était peu développée, au Cambodge, il n’y a aucune solution ou initiative proposée pour y répondre” estime le chef d’entreprise. Tout est à faire dans ce nouveau pays où il est installé depuis quelques mois, et avec The Plastic Flamingo, il se veut pionnier sur la question.
“Le recyclage est un processus concret : il consiste à collecter des déchets, souvent encombrants et sales, qui remplissent des hangars entiers. A l’issue de ce processus, des produits propres sont obtenus. Le plastique recyclé est un exemple tangible de cette transformation : il prend moins de place, peut être mesuré et offre une satisfaction palpable”. Et si François reconnaît que l'impact environnemental est essentiel, il n’en reste pas moins réaliste : “Il est presque un peu sans fin. Nous sommes une goutte d’eau dans l’océan. Néanmoins, il faut le faire.”
Dans dix ans, François espère que The Plastic Flamingo sera installé dans trois pays, “toujours aux Philippines, au Cambodge - parce qu’il faudrait quand même que cela fonctionne, et un troisième pays, pourquoi pas Hong Kong?” Tout en étant conscient que l’entreprenariat est constitué de hauts et bas et qu’il faut perpétuellement s’adapter aux changements. Lui qui a toujours voulu développer une entreprise avec plusieurs filiales, dans plusieurs pays, continue de planter des graines là où personne n’est passé. Une a déjà germé puisque son travail aux Philippines vient d’être récompensé par le Trophée développement durable des Trophées des Français de l’ASEAN 2024, remis par l’International French School de Singapour.