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EXPATRIATION - Une histoire d’acculturation (1/2)

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Écrit par Carole DUDRAGNE
Publié le 20 mai 2018, mis à jour le 21 mai 2018

Deux ans après son expérience au sein de la fondation Virlanie, Carole Durdagne raconte et tente d’expliquer le cheminement intérieur qu’a représenté sa rencontre avec les enfants des rues de Manille. Premier contact, premières émotions…


 

Arrivée à Manille

 

Manille est une ville qui se vit entre émotions intenses et frustrations, des sentiments confus qui m'ont à la fois tant dépassés et touchés. Maintenant, avec du recul, je pense entrevoir tout ce que Manille a éveillé en moi. Je n'ai jamais vraiment su me détacher de cette ville, perdue entre des sentiments forts d'attirance et d'impuissance.

 

Quinze heures trente de vol et me voilà à Manille. Propulsée dix-huit mille kilomètres plus loin à l'autre bout du monde, seule avec ma valise. C'est tout ce qu’il me restait de ma vie d'avant, cette valise.

 

Choc culturel

 

Brusquement, je me retrouvais ailleurs et j’allais devoir y rester. Soudain cela me paraissait la pire des aventures. Il n'y avait rien autour de moi que je trouvais beau et il faisait bien trop chaud. J'avais peur, je me sentais submergée au milieu du chaos de Manille. J’étais entourée d'émotions que je ne comprenais pas mais qui, très vite, prirent le-dessus. Je cherchais partout des repères auxquels me raccrocher, en vain. J’étais déboussolée et livrée à moi-même.

 

Plus j'avançais en ville et plus je me perdais.

 

Les images, les odeurs, les bruits, tout était si nouveau. Le vacarme semblait ne jamais s’arrêter et je me sentais oppressée par tout ce monde qui m'entourait. Le trafic n'en finissait pas, il faisait bien trop chaud et nous devions parler si fort pour nous entendre au-dessus de tout le bruit de Manille.

 

manille
© Carole DUDRAGNE

Tant de monde…

 

Partout il y avait du monde tant Manille est une ville surpeuplée. Par manque de place dans les petites constructions des bidonvilles prêts à exploser, les habitants faisaient de la rue un véritable espace de vie.

 

Il n'y avait pas vraiment de frontières entre l'espace public et l'espace privé.

 

Les hommes étaient souvent torse-nus, les enfants pieds-nus, les femmes se cherchaient les poux dans les cheveux et les travailleurs faisaient la sieste à même le béton.

 

La ville semblait détachée de toute temporalité, les constructions avaient une vie que je ne saurai définir. Elles ressemblaient à un entassement de ce que chacun avait pu trouver pour se construire un abri.

 

L’étrangère

 

Me voilà donc pour la première fois étrangère, car avant cette expérience je n'avais vu que ce que je connaissais déjà.

 

Il y avait les enfants des rues, partout, qui déchiraient peu à peu nos âmes humanistes.

 

Le choc de Manille fut rude et sans demi-mesure. En quelque jour j'avais déjà vu bien plus de misère qu'en ma vie entière. Il y avait les enfants des rues, partout, qui déchiraient peu à peu nos âmes humanistes. Des enfants d'à peine dix ans qui se défonçaient au solvant. Des petits corps si maigres qui courraient pieds nus et dévêtis. Des visages abîmés de souffrances, des corps lacérés.

 

Et ce petit garçon, dont je ne peux me défaire de l'image, qui m’apparut un matin le cou lacéré dans toute sa largeur d'une énorme cicatrice. Que s'était-il passé cette nuit-là ?

 

manille
© Carole DUDRAGNE

 

Le désespoir dans leurs petits yeux pétillants, l'innocence perdue des enfants de Manille, qui survivaient dans une jungle imprévisible. Des tout-petits livrés à eux-mêmes, qui courraient pieds- nus entre les voitures, pressés par le temps qui semblait pourtant être arrêté pour eux. Ces mêmes tout-petits qui se défonçaient et fumaient des cigarettes dès leur plus jeune âge, dans la misère à attendre que le temps passe.

 

Des petites prostituées bien trop jeunes et d'autres qui s'en remettaient aux pédophiles et aux touristes sexuels. Le destin les avait condamnés et ces enfants me renvoyaient l'oppressante vision des inégalités sociales. Derrières leurs petits yeux rieurs se cachaient souvent de lourds traumatismes, pourtant leurs visages d'anges, leurs sourires, me permettaient de m’enfermer, moi aussi, dans le déni de la violence sociale.

 

 

UN TÉMOIGNAGE À SUIVRE dans notre édition de LUNDI PROCHAIN…

 

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CaroleDudragne
Publié le 20 mai 2018, mis à jour le 21 mai 2018

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