

L'avocat de Charlie Hebdo Richard Malka est passé à Madrid pour présenter son livre "el derecho a cagarse en Dios". Il dénonce que le peuple est en train de renoncer lui-même à la liberté d'expression, au nom d'une pensée unique qui refuse toute critique, que ce soit le wokisme, néofeminisme ou néo-écologie.
Pour des raisons de sécurité, il n'était pas possible de publier cet article tant que Richard Malka était à Madrid. Les mesures prises pour protéger cet homme sont d'ailleurs impressionnantes. Il vit depuis 8 ans "dans un bunker", selon ses propres mots. Son seul crime : être l'avocat de Charlie Hebdo. "C'est le prix qu'il faut payer pour défendre la liberté", reconnait-il, "mais vous ne m'entendrez jamais me plaindre, pas plus que mes amis de Charlie Hebdo. L'un d'entre eux a reçu une balle dans le visage et a subi cinquante opérations, un autre a une balle dans la colonne vertébrale, mais je ne les ai jamais entendus se plaindre. Ils n'ont jamais voulu être des victimes".
La victimisation comme arme
Et c'est précisément ce qu'il dénonce, cette victimisation à outrance. "Je pense qu'il est insupportable de se définir comme une victime, nous devons aspirer à ne plus être des victimes, sinon nous serons toujours en colère contre la vie et contre les autres. Je veux juste qu'on me laisse la liberté d'avoir un esprit critique".
Moins de libertés qu'il y a 20 ans
Ardent plaidoyer de la liberté d'expression, Richard Malka regrette "la parenthèse enchantée" pour la liberté d’expression, des années 70-80. "Dans les années 2000 ça a commencé à se tendre sous l’effet de deux phénomènes. La liberté d’expression a été prise en tenaille entre la poussée de l’islamisme qui interdit toute critique à la religion et l’idéologie woke qui, pour d’autres raisons, interdit le débat".
L'avocat de Charlie Hebdo depuis bientôt 30 ans se souvient qu'au début "il y avait beaucoup de procès d’associations catholiques intégristes, que nous avons tous gagnés, puis cela a été remplacé par des procès d’associations islamiques, et là, on était beaucoup moins soutenu parce que l’idée générale était qu’on s’en prenait à des faibles. Et depuis 2015, et les attentats, plus personne n’ose dire quoi que ce soit".
A ce sujet, Richard Malka affirme que "l'idée d'islamophobie a été inventée pour censurer et interdire la critique de la religion, parce qu'étymologiquement elle signifie peur de l'islam et on a le droit d'en avoir peur et de la critiquer, comme le christianisme, le judaïsme et toutes les religions et leurs millions de morts".
Seul antidote au totalitarisme, la liberté d'expression
Pour Richard Malka, la liberté d'expression est également en danger à cause d'un communautarisme identitaire venu des pays anglo-saxons. Le wokisme empreint de politiquement correct, accuse-t-il, "a remplacé les luttes sociales par des luttes identitaires, une idéologie clé en main, très pauvre intellectuellement, très vide, qui permet aux jeunes de penser qu'ils participent à un monde meilleur, mais qui ne fait que les préparer au totalitarisme et à l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir. Le seul antidote qui nous préserve du monstre du totalitarisme, c'est la liberté d'expression".

Mais est-ce qu'on peut tout dire ou faire au nom de la liberté d'expression? "Quand je critique, je ne parle pas d'une personne -nuance-t-il, on ne peut pas attaquer les gens, mais on peut attaquer leurs croyances. Si Dieu a donné un esprit critique, c'est pour l'utiliser".
C'est le peuple qui a commencé à renoncer à la liberté d'expression
Or, aujourd'hui, Malka dénonce le fait que la liberté d'expression "est attaquée de manière concertée, il y a un grand désenchantement de l'irrévérence, de la joie de pouvoir discuter. Il faut accepter d'être blessé, de débattre, aujourd'hui on n'accepte plus d'opinions en dehors de cette pensée unique et c'est insupportable". Selon l'avocat de Charlie Hebdo, "nous sommes dans une drôle d'époque où ce sont les peuples eux-mêmes, qui se sont battus avec le pouvoir pendant des siècles pour gagner des libertés, qui ont aujourd'hui peur et ne veulent pas déranger ou offenser et qui ont commencé à renoncer à la liberté d'expression".
Surtout, prévient-il, chez les jeunes, "il y a une rupture générationnelle, ils rejettent la liberté d'expression comme si c'était une valeur réactionnaire qui les empêche de faire avancer leurs idéologies qu'ils croient progressistes. Mais en réalité, si la liberté d'expression recule, toutes les libertés suivront".
Le féminisme des années 70 versus le néofeminisme
Il en est de même avec le néofeminisme. Malka se souvient que le féminisme des années 70 était un "mouvement très revendicatif mais pas agressif vis-à-vis des hommes. Il est aujourd’hui disqualifié par les nouvelles générations. Aujourd’hui les mères et les filles ne se comprennent plus avec le néo féminisme". Le désert idéologique a créé ses nouveaux monstres, affirme l'avocat de Charlie Hebdo:"l’idéologie woke mais aussi l’écologie parce que finalement cette nouvelle écologie est très anxiogène pour les jeunes".
Dans ce contexte, explique-t-il, "la France est devenue un petit village gaulois qui tente de résister parce que, depuis la révolution, elle est fondée sur l'universalisme, à l'opposé de l'exaltation des différences. Elle est en première ligne du combat, ce n'est pas un hasard si elle a subi plus d'attaques". Cependant, même s'il y a "plus de motifs d’inquiétude que d’espoir", Richard Malka ne baisse pas les bras et rappelle ces mots de Simón Bolívar: "Un peuple qui aime la liberté finira par être libre".