

La version finale de la "loi organique pour l'amélioration de la qualité de l'éducation en Espagne" (LOMCE), qui vise à réformer le système éducatif espagnol, a été présentée par le ministre de l'éducation, José Ignacio Wert, en mai dernier. Elle n'a depuis lors cessé d'attiser la polémique, étudiants, parents et professeurs dénonçant une loi qui ouvrirait le système scolaire à la privatisation, et qui éliminerait plusieurs matières jugées non essentielles. Les coupes budgétaires portées à l'éducation sont venues raviver les esprits en cette rentrée scolaire et ont été décisifs pour expliquer les manifestations massives de la semaine dernière. Les principaux syndicats étudiants ont ainsi déclaré que 80% des élèves du secondaire et des universités s'étaient mobilisés jeudi dernier à travers tout le pays. Un chiffre contesté par le gouvernement.
(Photo CC kainita)
Les étudiants se sont mobilisés en masse pour protester contre la réduction des sommes allouées à l'éducation par le gouvernement, et surtout contre le diminution du nombre de bourses accordées pour l'année 2013. Le nombre de boursier a en effet diminué de 3% au cours de l'année écoulée. Les dépenses gouvernementales en faveur de l'éducation représentent aujourd'hui 4% du PIB espagnol, contre 5% en 2008. Le conjecture économique peu favorable, la baisse des dépenses de l'Etat et la hausse des frais de scolarité se sont donc cumulés cette année, rendant l'éducation supérieure beaucoup moins accessible pour les familles. Le monde universitaire s'est crispé autour de ces problèmes économiques, qui appauvrissent les ressources des universités publiques et qui amenuisent la possibilité de proposer une éducation supérieure de qualité.
Au delà des débats propres au monde universitaire, la loi Wert compte réformer le système éducatif dans son ensemble. Ce qu'elle propose a suscité des débats houleux dans la société espagnole. La réforme prévoit par exemple d'imposer des "évaluations extérieures" à la fin de chaque cycle d'étude, pour remplacer progressivement l'évaluation continue. Les syndicats jugent que cette mesure conduirait à une augmentation du nombre d'abandons scolaires. D'autre part la loi souhaite redonner une place de choix à l'enseignement religieux dans les écoles publiques, en faisant une matière à part entière. De quoi offusquer les défenseurs d'un modèle d'école laïque.
Privatisation de l'école publique?
Enfin autre changement notable, la réforme ouvrirait la voix à un système de privatisation de l'enseignement public, en prônant une plus grande "autonomie" en termes de gestion des établissements scolaire. Lors du recrutement du personnel et du choix du programme scolaire, chaque école aurait alors une plus grande marge de man?uvre, au risque d'inciter à une diminution du choix des matières proposées, pour réduire les coûts de fonctionnement. Les syndicats craignent notamment la diminution des matières artistiques et culturelles, avec des écoles qui ne garderaient que les matières ayant une "utilité économique".
Spécificités régionales
En Catalogne, les mobilisations se sont concentrées sur un autre point crucial de la réforme qui exacerbe encore un peu plus les tensions avec le gouvernement central. Le ministre de l'éducation souhaite en effet que la loi impose le castillan comme langue obligatoire et principale dans toutes les écoles, en reléguant les langues "régionales" au rang de matières optionnelles.
Une subvention de l'Etat sera d'ailleurs proposée aux collèges privés catalans qui accueilleront des élèves ne trouvant pas d'écoles leur proposant un enseignement en castillan. Cette mesure vise à inciter les écoles publiques de Catalogne à proposer un enseignement non catalan, alors que le castillan jouit de moins d'heures d'enseignement par semaine que le catalan, dans ces établissements publics. Il s'agit donc d'un texte qui remet en cause la spécificité multilingue de l'Espagne, d'où une importante mobilisation à Barcelone.
| Des Erasmus pour la plupart concernés Alors que les amphithéâtres se vidaient jeudi dernier de leurs étudiants, partis grossir les rangs de la manifestation, peu d'étudiants étrangers, en échange dans le pays, semblaient vraiment au courant des raisons de la grève. Mais nombreux sont ceux qui ont été affectés par des annulations de cours, et malgré leur peu de de connaissance du sujet, tous les Erasmus interrogés disaient avoir envie d'en savoir plus, pour apporter un soutien aux étudiants espagnols et à leurs professeurs. C'est notamment le cas de Luc, Français de 20 ans étudiant à Salamanque, dont tous les cours ont été annulés jeudi dernier, car les étudiants avaient organisé un sit-in de protestation dans les locaux de la faculté. Celui-ci a participé à cette manifestation. L'occasion pour lui d'en apprendre plus sur la situation du système universitaire dans son pays d'accueil : "On n'était pas très au courant de ce qui se passait. Mais voir ce grand rassemblement à l'université m'a permis de me rendre compte à quel point les étudiants espagnols étaient politisés, et à quel point ils en voulaient au gouvernement de ne pas apporter un soutien maximum aux universités. Un ami espagnol m'a dit qu'investir dans l'éducation, c'était investir dans l'avenir du pays. Pour lui le PP joue un jeu dangereux avec l'avenir de l'Espagne". |
Léa SURUGUE (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mardi 29 octobre 2013
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