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Caminantes: une exposition photo sur la crise migratoire au Vénézuela

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Cinq millions de Vénézueliens ont fui leur pays / Felipe Jacome
Écrit par Marion Joubert
Publié le 18 septembre 2022, mis à jour le 18 septembre 2022

L’exposition Caminantes dévoile le travail du photographe équatorien Felipe Jacome.  Présenté à la Galeria Nueva du 21 septembre au 02 octobre 2022, son travail traite de la crise migratoire vénézuélienne.

 

 

Le projet Caminantes (marcheurs) est né d’un cadeau en forme de cœur étoilé. Cet origami a été donné par une jeune migrante vénézuélienne à Felipe Jacome. Il suffit de le déplier pour contempler le symbole de la tragédie économique du Vénézuela : un billet de bolivar.

 

le bolivar en forme de coeur donné par la vénézuélienne

 

Entre la baisse du cours du pétrole et ses querelles d’ordre politique, le Vénézuela est en proie à l’inflation la plus élevée du monde. Ce petit origami illustre bien l’ampleur de la dévaluation monétaire qui frappe le pays depuis 2013. Le photographe Felipe Jacome s’est intéressé, avec son projet Caminantes, aux conséquences humaines de ce drame financier.

Felipe Jacome a marché pendant 400 kilomètres avec des hommes, des femmes, et des enfants qui avaient pris la route de l’exode

5 millions de Vénézuéliens ont fui leur pays

D’après l’UNHCR (agence des Nations Unies pour les réfugiés), plus de 5 millions de Vénézuéliens ont quitté le pays. Afin de documenter l'une des situations de déplacement les plus importantes au monde, Felipe Jacome s’est servi du même matériel que celui utilisé par la petite vénézuélienne. Les expressions des portraits imprimés en argentique sur les liasses de bolivars captent tout de suite l’attention. Les visages marqués par le désespoir et l’incertitude se superposent aux fiers portraits de Bolívar, Miranda, Guaicaipuro, Cáceres etc., ces personnalités historiques qui faisaient autrefois honneur à la richesse du Venezuela.

 

Andreina y su hija dans l'expo Caminantes
Andreina y sa fille fuit la misère / Felipe Jacomo

 

Un pays pétrolier où l’on meurt de faim

Ce pays pétrolier dispose de nombreuses ressources, pourtant les Vénézuéliens meurent de faim : le nombre de sous-alimentés n’a fait que croître depuis 2014 d’après la FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture). La pénurie alimentaire est l’une des raisons qui expliquent un exode aussi massif. S’il est aisé de comprendre pourquoi les vénézuéliens fuient un pays dévasté et gravement touché par l’insécurité, les causes de cette crise ne sont, elles, pas évidentes à appréhender. “C’est étrange qu’un pays dégringole de la sorte, sans avoir connu la guerre. J’aimerais  que l’exposition incite les visiteurs à aller creuser la question”, espère Felipe Jacome.

 

expo Caminantes
Felipe Jacome

 

Felipe Jacome, photographe globe-trotter

Ce n'est pas la première crise migratoire que le photographe équatorien documente. Il a ainsi travaillé aux quatre coins du globe pour le National Geographic, The Washington Post, Foreign Policy Magazine, The Guardian… Il sélectionne ses photos en fonction des émotions qu’elles transmettent. Une photographie digne d’être publiée, selon Felipe Jacome, “doit communiquer quelque chose, frapper l’imagination, pousser à divers questionnements. En regardant celles de l’excellent photographe italien Paolo Pellegrin par exemple, tu t’interroges systématiquement : Qu’a-t-il voulu capturer, comment s’est-il retrouvé dans cette situation, que se passe-t-il après et avant le shot ? ”.

 

le journaliste Felipe Jacome
le journaliste Felipe Jacome /Crédit  Walker Vizcarra 

 

Un art qui interpelle… et qui soulage

Si ses photos attisent la curiosité et réveillent les consciences, elles ont également des vertus thérapeutiques. L’exposition se tiendra au cœur de la capitale espagnole et ce n’est pas un hasard. “Beaucoup de Vénézuéliens ont migré à Madrid. Ils pourront s’identifier aux portraits”, indique le photographe.

 

 

Caminantes, lors de sa phase de production, a aussi servi de safe space pour un groupe de vénézuéliennes migrantes. En participant au processus artistique, elles disposaient enfin d’un espace-temps pour partager ce qu’elles avaient vécues. “Pour la plupart d’entre elles, c’était la première fois qu’elles pouvaient se soulager, ressentir, parler, s’exprimer. C’était vraiment merveilleux. Travailler avec des personnes qui avaient traversé cette épreuve, cela avait également beaucoup de sens” confie-t-il

 

Une migrante vénézuélienne
Arlenis Mendez - Felipe Jacome

 

Un investissement émotionnel

Documenter une crise migratoire est un travail sensible, qui nécessite un véritable investissement émotionnel. “Le photographe doit faire preuve d’empathie pour comprendre la situation et gagner la confiance des personnes dont il souhaite tirer le portrait. Il faut donc se rendre sur place", explique posément Felipe Jacome. Pour raconter la crise migratoire vénézuélienne, il a appliqué ses principes et s’est rendu à la frontière du pays. Il a marché pendant 400 kilomètres avec des hommes, des femmes, et des enfants qui avaient pris la route de l’exode.

La migration est un acte de générosité

Ce qui m’a le plus marqué - raconte Felipe Jacome-, c’est de voir les familles avec les enfants. Si la plupart des adultes ont les ressources physiques et émotionnelles pour faire face à cette situation de crise, ce n’est pas le cas des plus jeunes”. Au fil des pas et des discussions, le photographe a ainsi relevé l’existence d’un lien fort qui unissait les enfants et l’acte migratoire.

Marcher, c’est l’histoire de l’humanité

La migration, la plupart du temps, c’est un acte de générosité. Quand je demandais aux marcheurs pourquoi ils étaient partis, la réponse était la même 9 fois sur 10. C’était presque toujours pour quelqu’un d’autre et surtout pour les enfants”, confie-t-il. Dans un pays où, d’après l’agence Reuters, un kilo de pâtes valaient 5 millions de bolivars en 2018, il est aisé de comprendre pourquoi les parents rêvent d’un avenir meilleur pour leurs enfants à l’étranger. “Quand ça ne va plus, on marche. C’est un geste humain de base. En fait, c’est même l’histoire de l’humanité !“, conclut Felipe Jacome avec conviction.

photo cv annecy
Publié le 18 septembre 2022, mis à jour le 18 septembre 2022