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Le tremblement de terre de Lisbonne du 1er novembre 1755, une tragédie très commentée

Tremblement de Terre LisbonneTremblement de Terre Lisbonne
©Museu de Lisboa
Écrit par Jill Bordellay
Publié le 4 avril 2023, mis à jour le 25 février 2024

La catastrophe survint le jour de la fête catholique de la Toussaint, et détruisit la plupart des églises et édifices religieux les plus importants, la théologie pouvait difficilement expliquer une telle manifestation de colère divine. Au siècle des Lumières, ce séisme réduisit la capitale portugaise en poussière et fit plus de 60 000 victimes. S'ensuivit un débat célèbre entre Voltaire et Jean-Jacques Rousseau sur le rôle de Dieu.

 
Le tremblement de terre de 1755 a détruit la ville de Lisbonne

Ce séisme du 1er novembre 1755 se produit à Lisbonne autour de 9 h 40. L'événement est considéré comme l'un des tremblements de terre les plus destructeurs et les plus meurtriers de l'histoire. Le nombre des victimes  varie selon les sources entre 10 000 à 100 000 victimes. La secousse est suivie par un tsunami et des incendies qui détruisent Lisbonne dans sa quasi-totalité. La première secousse renversa la plupart des églises et un grand nombre d'édifices, de palais et de maisons particulières. Elle fut suivie d'un embrasement universel. Les bâtiments ruinés se répartissent en : 87 % des 40 églises de la ville, 86 % de ses 75 couvents et monastères et 12 000 maisons. L'événement est qualifié de catastrophe.


Ange Goudar : "La catastrophe a amélioré en particulier le sort du Portugal"

Un an après l'événement, l'aventurier et homme de lettres, Ange Goudar (1708-1791) publie une " Relation historique du tremblement de terre  de Lisbonne" qu'il fait précéder d'un "Discours" dans lequel il soutient que la catastrophe, contribuant au destin politique et économique de l'humanité, a amélioré en particulier le sort du Portugal.
La situation du Portugal était claire avant le tremblement de Lisbonne, d'une part, tant sur le plan politique que sur le plan économique, le royaume est asservi à l'Angleterre, et la monarchie portugaise est aux abois. Les Anglais selon Goudar l'ont "insensiblement conquise sans s'être exposés aux inconvénients des conquêtes",et les Portugais demeurent "attachés au char de la politique anglaise". Mais après une grosse perte financière, l'Angleterre se voit contrainte de renoncer à sa domination. C'est l'oeuvre du tremblement de terre qui modifie l'ensemble de l'état des choses. Goudar soutient que les "écarts de la Nature sont quelquefois nécessaires parce qu'ils peuvent, plus que toute autre chose, contribuer à anéantir certains systèmes qui tendaient à envahir l'univers".


Influence du séisme sur la pensée philosophique de l'époque

Tout cela s'est déroulé dans le Portugal du milieu du XVIII è siècle, un portugal médiéval. Ce tremblement de terre n'a pas seulement eu des conséquences sur l'architecture, mais aussi  sur la pensée philosophique de l'époque. Des penseurs comme Voltaire, représentant du courant des Lumières, constitue un modèle et une référence pour la jeune génération d'écrivains et de philosophes qui gravite autour du projet de l'Encyclopédie.  

Le tremblement de terre déclencha un débat entre Voltaire et Rousseau sur l'origine de la Providence, du Mal physique et sur la thèse optimiste du "tout est bien " fondé auparavant par le philosophe allemand Gottfried Leibniz. Le poème sur le désastre de Lisbonne de Voltaire est une réaction immédiate au tremblement de terre, Jean-Jacques Rousseau y répond par une lettre, ouvrant la grande querelle sur le Mal et la Providence.

Voltaire écrit au sujet des victimes : "Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants sur le sein maternel écrasés et sanglants ? Lisbonne, qui n'est plus, eut-elle plus de vices que Londres que Paris plongés dans les délices ; Lisbonne est abîmée , et l'on danse à Paris."
Ce qui veut dire que le monde est fait de peines et de souffrances que rien ne semble justifier et l'explication religieuse consiste à  faire d' une catastrophe naturelle un châtiment divin où les justes et les injustes sont indistinctement touchés.  Une catastrophe naturelle est pour Voltaire, le hasard de la vie, un événement qui aurait pu se produire quelque temps plus tôt ou plus tard. C'est pourquoi Voltaire raille le bel optimisme de Leibniz et sa célèbre formule : "Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles". Pour Voltaire, rien ne peut justifier la souffrance.

Alors que pour Jean-Jacques Rousseau écologiste avant la lettre, répond par une lettre "Que la nature n'avait point rassemblé là vingt mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus légèrement logés, le dégât eût été beaucoup moindre, et peut-être nul. Combien de malheureux ont péri dans ce désastre, pour vouloir prendre l'un ses habits, l'autre ses papiers, l'autre son argent ?"

Pour le philosophe genevois, la mort n'est pas un mal en soi et pour certaines victimes, elle peut être même  considérée  davantage comme une délivrance que comme une malédiction. L'autre objection au poème de Voltaire ;  c'est davantage pour Rousseau l'activité humaine qui est responsable dans la mesure où elle n'a pas pris en compte la possibilité d'une catastrophe. Les maisons ne se sont écroulées et n'ont été ravagées par les flammes que parce qu'elles avaient été construites par l'homme.

Donc cette approche ne retient pas le châtiment divin comme cause de la destruction de Lisbonne mais propose une explication rationnelle : à savoir la nature a ses lois qui ne peuvent être ignorées  et dont il faut tenir compte si on ne veut pas les subir. C'est d'une certaine façon ce qui animera la pensée de celui qui sera le maître d'oeuvre de la reconstruction de Lisbonne, le marquis de Pombal : aux rues étroites et tortueuses de la capitale du Portugal il substituera de larges avenues rectilignes avec des maisons construites de façon à résister aux secousses sismiques. Est-ce un mal pour un bien?

 

Reconstitution du tremblement de terre par le digital

De nos jours cette catastrophe fait partie de l´histoire passée de la ville de Lisbonne. Il existe, cependant, de nos jours deux centres interactifs à Lisbonne qui reproduisent cet épisode tragique et proposent de "revivre"  cette journée. D'une part le tout récent  centre "Lisbon Quake", qui date de 2022 et qui au delà de la reconstitution du tremblement de terre, cherche a sensibiliser le visiteur aux questions sismiques, et d'autre part le "Lisboa Story Centre" qui a ouvert ses portes en 2012, ce dernier propose une expérience immersive parcourant 20 siècles d´histoire de la capitale portugaise.
 
 

 

Jill Bordellay
Publié le 4 avril 2023, mis à jour le 25 février 2024

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