Françoise Conestabile et Mehdi Benlahcen sont respectivement à la tête de deux associations françaises qui représentent les Français établis hors de France : l’Union des Français de l'Etranger (UFE) présidée, à Lisbonne, par Françoise Conestabile et l’Association Démocratique des Français de l’Etranger (ADFE) au Portugal représentée par Mehdi Benlahcen. Tous deux œuvrent quotidiennement pour représenter la communauté de Français établis hors de France. En parallèle, ils occupent également les fonctions d’élus de Conseillers Consulaires. Avant la prochaine rentrée de septembre et alors que les vacances estivales débutent, ils abordent pour Lepetitjournal ce qu’ils considèrent être, dans les mois à venir, des questions importantes pour la communauté française expatriée.
Lepetitjournal: Y a-t-il une population française qui continue à s´installer au Portugal selon les données recueillies par vos associations respectives ?
Françoise Conestabile: Oui, c’est toujours le cas mais le rythme s’est calmé. Des Français viennent toujours s’installer. Il y a également des personnes qui vivent ici depuis 2 ou 3 ans par exemple, et qui s’inscrivent seulement maintenant aux différentes associations.
Mehdi Benlahcen: Généralement, ces personnes-là vivent en France et souhaitent s'installer à Lisbonne ou viennent tout juste de s’installer et désirent avoir quelques informations en provenance des associations. Mais, effectivement, le nombre d’emails demandant des informations semble avoir ralenti. Personnellement, je recevais cinq à six emails quotidiennement. Aujourd’hui, je ne reçois plus de mails tous les jours, je dirais que l’on est à une dizaine par semaine.
Pourquoi cet engouement pour le Portugal depuis 5 ans environ ?
MB: Je dirais que plusieurs Français viennent travailler au Portugal tout simplement car les grosses entreprises françaises, telles que BNP à Porto, continuent de recruter. À travers les informations que je reçois, je constate aussi que désormais il y a davantage de couples de jeunes qui viennent s’installer à Lisbonne, avec le projet de fonder et d’ouvrir leur propre entreprise. Le Portugal a également bénéficié d’une grande exposition médiatique en France.
À combien estimez-vous le nombre de français résidant au Portugal ?
MB: Il est difficile d’établir un nombre précis car entre temps, certains sont repartis mais sur la LEC - Liste Électorale Consulaire, il y a actuellement 12 970 inscrits. Selon les autorités portugaises, il y aurait entre 50 et 60 000. Personnellement, je pense que l’on se situe entre les deux. 30 000 Français cela me paraît raisonnable.
La question de la fiscalité est-elle toujours d´actualité ?
MB: Oui, d’autant plus que les premières vagues de RNH arrivent à échéance en quelque sorte, car c’était en 2009 et cela fait donc maintenant 10 ans et donc les personnes vont, maintenant, être imposées sur les critères portugais qui sont très élevés. Nous verrons donc si elles prennent la décision de se maintenir ici, de rentrer ou de partir ailleurs. Nous allons être très sollicités car il y a des Français qui vont se retrouver avec des taux d’imposition très élevés.
FC: En effet, c’est une thématique très importante et sensible. Nous nous demandons aussi si le gouvernement portugais va agir et faire quelque chose. Les personnes ne s’installent pas uniquement pour des raisons fiscales et certaines sont prêtes à rester même en dehors du statut de RNH.
À l’approche de la rentrée scolaire 2019-2020, l’enseignement devient un sujet sensible. Quelle est votre vision, comme conseillers consulaires, de la situation de l’enseignement du français au Portugal ?
MB: L’éducation reste un véritable problème. Il n’y a plus assez de place au lycée français Charles Lepierre pour les Français souhaitant s’installer à Lisbonne. Nous essayons de mettre en place des partenariats avec des lycées privés. J’ai accompagné la création de Redbridge School, il y a eu l’ouverture de l’école de Seixal (1). Mais, une chose est sûre : l’État n'agrandit pas le lycée français de Lisbonne. Il y a une liste d’attente longue. Elle se rétrécit finalement car les gens renoncent à venir et d’autres n'insistent pas. À Porto, il y a une pression forte également et il commence à y avoir une liste d’attente aussi. En Algarve, malgré le fait qu’il y ait une communauté importante, il y a moins de jeunes actifs donc la question ne se pose pas encore.
FC: C’est un problème sensible et nous ne pouvons pas faire grand chose mais nous pouvons tout de même constater que les rentrées se déroulent relativement bien. Il y a des parents qui décident aussi de mettre leurs enfants dans le système portugais dès le départ. C´est un autre choix.
La question de la santé n’est-elle pas aussi un point sensible pour ceux qui décident de s´installer au Portugal?
FC: Le gouvernement français a décidé de faire passer une nouvelle mesure concernant les cotisations de la sécurité sociale. Il faudra désormais 15 ans de cotisation minimum pour bénéficier de la prise en charge des soins santé en France.
MB: Avec cette nouvelle règle, il y a une pression autour de la santé qui se pose aux Français de l’étranger. Ils ne sont pas certains de pouvoir conserver leur carte vitale, et donc les retraités qui viennent s’installer au Portugal pourraient n’avoir accès qu’au système portugais de santé, ce qui risque d’engendrer d’autres problèmes.
Un dernier mot sur l’avenir du Portugal ?
MB: La croissance économique du Portugal est bien relancée mais je redoute qu’elle soit construite sur une bulle immobilière et touristique. Et, malheureusement le jour où cette bulle viendra à ralentir ou à exploser, je crains que les conséquences et les répercussions ne soient mauvaises. Je ne peux m’empêcher d’établir un parallèle avec l’Espagne des années 2000 de Zapatero…
FC: On peut, en effet, s´interroger sur certains aspects de l´économie portugaise. Je rajouterais, en particulier, que le tourisme de masse devrait être régulé.
Avec la collaboration de Sylvie Ferreira