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Portugal : la destination phare des Brésiliens

Lisbonne - ChiadoLisbonne - Chiado
©M.J. Sobral
Écrit par Adèle Guilluy
Publié le 25 février 2020, mis à jour le 25 février 2020

Les Brésiliens constituent la première communauté étrangère en situation régulière au Portugal selon le SEF (Service des étrangers et des frontières). Si l'immigration brésilienne est un phénomène qui existe depuis les années 2000, il s'est fortement accentué ces dernières années.
 
Les Français, quant à eux constituent la 7ème communauté la plus importante au Portugal, avec un nombre en forte augmentation depuis ces dernières années. Ils sont passés de 8440 en 2015 à 19771 en 2018, soit une augmentation d'environ 42% en 3 ans(1)

 

Des chiffres en augmentation depuis les années 2000
151 864. C'est le nombre de Brésiliens recensés au Portugal à la fin de l'année 2019, annoncé le 15 janvier par le ministre de l'intérieur portugais Eduardo Cabrita au parlement.
 
Il s'agit de la plus importante communauté étrangère en situation régulière au Portugal, suivie par les Cap-Verdiens (37 396) et les Britanniques (34 340)(2).  Leur nombre a augmenté de 43% en un an, passant de 105 423 en 2018 à 151 864 en 2019. Cette augmentation suit la tendance d'accroissement général du nombre d'immigrants au Portugal. Ils sont passés de 380 000 en 2015 à 580 000 en 2019. D'après le ministre,  il s'agit de la « première fois dans l'histoire du pays » que la barre des 500 000 étrangers résidant au Portugal a été dépassée.
 

Toutefois, l'immigration brésilienne n'est pas un phénomène nouveau.
La première arrivée au Portugal a eu lieu dans les année 2000, le Brésil étant alors touché par un fort taux de chômage.
 
Le Portugal enregistre une seconde vague d'immigration en 2016.  Comme on peut le voir sur le graphique ci-dessus, ils sont passé de 82590 en 2015, à 151 864 en 2019(3)

grafique du mouvement d´immigration des brésileins vers le Portugal


 
Cela fait suite à la crise économique qui dure au Brésil depuis 2015. Avec un recul du PIB de plus de 7%, c'est la pire récession de l'histoire du pays. En 2016, le taux de chômage s'élevait à 11,8 % touchant 12 millions de Brésiliens.
 
Le Portugal est la destination de prédilection des Brésiliens pour différentes raisons comme par exemple le fait de partager la même langue, ou le fait d'avoir des compatriotes sur place qui peuvent les aider à mieux s'insérer.
 

Les Brésiliens témoignent
Plusieurs Brésiliens ont accepté de témoigner pour expliquer les raisons de leur venue au Portugal. Pour la plupart d'entre eux, si c'est au Portugal qu'ils ont choisi d'émigrer, c'est avant tout pour des raisons pratiques.
 
Annye, originaire de Paraiba est arrivée il y a quatre mois et travaille maintenant dans un restaurant brésilien « Je suis venue en vacances, mais j'ai décidé de rester car c'est un pays où il fait bon vivre. Parlant portugais, cela m'a permis de trouver du travail» confie-t-elle.

« Ici, il y a tout ce qu'il n'y a pas au Brésil »
Les Brésiliens quittent leur pays parce qu'ils sont à la recherche d'une meilleure qualité de vie. Rufino, est arrivé à Lisbonne en 2008 « Ici, il y a tout ce qu'il n'y a pas au Brésil, on peut vivre dignement car on n'a pas besoin d'utiliser tout notre temps juste pour s'en sortir financièrement. » dit-il.
 
De plus, les Brésiliens qui arrivent au Portugal savent qu'ils peuvent compter sur une communauté soudée qui s'entraide. « On [la communauté des Brésiliens au Portugal] a un groupe Facebook avec plus de 120 000 personne, où l'on s'aide pour le logement et le travail par exemple » explique Rufino « Comme les lois et les procédures sont différentes ici, je sais que si j'ai un problème administratif, je pourrais être aidé par ce groupe. »
 
« Le Brésil est en train de changer, et certaines parties du pays sont devenues trop dangereuses. »
Pour Wilton, arrivé au Portugal en 2011, les Brésiliens qui viennent au Portugal cherchent avant tout une vie meilleure et plus de sécurité. « Le Brésil est en train de changer, et certaines parties du pays sont devenues trop dangereuses. » Le Portugal est classé parmi les pays les pays les plus sûrs au monde occupant la cinquième place du classement annuel publié par L'Institut pour l'Économie et pour la Paix en 2019(4) Le Brésil, en revanche, est classé en 105ème position, parmi les pays ayant un taux de criminalité élevé.
 
Twahany est arrivée au Portugal en juillet 2017 et travaille maintenant dans un restaurant brésilien. La recherche d'un endroit sûr est la première raison pour laquelle elle a quitté le Brésil, en juillet dernier. « Le Brésil est un pays dangereux, il y a beaucoup de vols et la criminalité est importante. J'ai moi-même été volée, dans ma ville, à Goiânia. C'est pour cela que et j'ai décidé de venir à Lisbonne. »
 
« Ici, je gagne environ 900 euros par mois, c'est le double de ce que je faisais au Brésil »
Pour Rufino, qui fait partie des premiers Brésiliens à avoir immigré au Portugal, il est encore plus facile d'y gagner sa vie maintenant qu'il y a 10 ans.  « Quand je suis arrivé ici, le salaire était de 500/600 euros par mois, maintenant, si on s'organise bien, on peut faire ça en une semaine en faisant Uber Eat par exemple, et gagner jusqu'à 2000 euros par mois » Ce qui représente huit fois le salaire minimum au Brésil qui était de 240 euros en 2018. C'est le cas de Thiago. Il était professeur de rafting au Brésil, et a commencé à travailler pour Uber Eats à Lisbonne en 2017. « Ici, je gagne environ 900 euros par mois, c'est le double que ce que je faisais au Brésil où mon salaire était de 1500 real par mois »  soit environ 320 euros.
 
Gustavo est arrivé à Lisbonne en 2011 et est chauffeur pour différentes applications dont Uber et Bolt. Il gagne entre 1000 et 1200 euros par mois. Mais pour lui, l'argent n'est pas ce qui motive les Brésiliens à venir au Portugal. « Le rêve de venir en Europe et de devenir riche n'existe plus. J'en connais beaucoup qui ont quitté une vie pleine de succès pour venir ici et gagner peu. En fait je pense qu'ils cherchent autre chose. » Selon lui, les Brésiliens viennent au Portugal pour mener une vie différente, et fuir les violences du pays.
 

L'ère Bolsonaro
Plus d'un an après l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, le Brésil reste un pays avec des inégalités sociales importantes. Ces inégalités sont pointées par un rapport(5) publié en janvier 2020 par la Coalition Solidarité Brésil. Cette coalition a été créée après l'élection de Jair Bolsonaro et regroupe des organisations de solidarité internationale françaises dont Emmaüs International, Act Up Paris, le Centre d'étude du développement en Amérique Latine, Autres Brésils et bien d'autres. La coalition dénonce l'augmentation des violences contre les inégalités, la politique climatique du gouvernement ou encore la liberté d'expression en déclin.
 
Le Portugal est également une porte d'entrée vers l´Europe pour un certain nombre de Brésiliens et de membres d'autres communautés qui après avoir acquis la nationalité portugaise se lance à la conquête de l'UE. Cependant, les difficultés dues à l'arrivée massive de réfugiés sur le continent européen ne facilitant pas l'emploi, beaucoup d'entre eux finissent par rester au Portugal. Il sera certainement intéressant de suivre l'évolution de ces communautés dans l'avenir.
 

Sources
1. Ministério da Economia et Ambassade de France au Portugal
2. SEF (Serviço de Estrangeiros e Fronteiras)
3. SEF et Observador (21.04 .2017)
4. Classement annuel de L'Institut pour l'Économie et pour la Paix - 2019
5. Baromètre d'alerte sur la situation des droits humains au Brésil depuis 2016 - Coalition Solidarité Brésil

Publié le 25 février 2020, mis à jour le 25 février 2020

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