Le gouvernement, le PCP, le PSD et le CDS-PP ont soumis à l'approbation de l'Assemblée de la République leurs propositions de révision de la Loi Fondamentale de Santé. Parmi les questions débattues, celle des relations que le SNS entretient avec le privé est sans doute la plus controversée.
Un système à bout de souffle
Le Service National de Santé (SNS) portugais est basé sur un modèle établit en 1979 qui en quarante ans, semble s’être éloigné petit à petit des besoins actuels du pays et de ses habitants.Les technologies médicales ont évoluées, elles sont plus efficaces mais aussi plus coûteuses, de même que les médicaments. La démographie a changé, les gens vivent plus longtemps et ont besoin de soins tout au long de leur vie. Face à ces bouleversements, le SNS peine à s’adapter, et souffre cruellement du manque de moyen. L’augmentation des coûts de la main d’œuvre, les besoins urgents en matière de rénovation, d’équipement, de construction et d’entretien ne permettent pas le développement pérenne de ce service public fondamental. Bien qu’une étude qualitative récente (2017) ait classé le système de santé portugais à la 14e place sur 35 pays européens, il semble nécessaire de rétablir un système de santé public en cohérence avec la réalité du Portugal. Maria de Belém (membre du PS et ancienne Ministre de la santé) a coordonné une commission de révision de la Loi Fondamentale de la Santé, qui a été examinée par le Parlement – l´organe qui légifère dans la République portugaise – le mercredi 23 janvier. Le gouvernement (PS) ainsi que trois autres partis (PCP, PSD et CDS-PP) ont soumis leurs idées à l’Assemblée de la République. Il y a dans ces différentes propositions des éléments de convergences qui témoignent globalement d’une volonté commune de défendre et promouvoir le service public au détriment du secteur privé.
Quand le privé empiète sur le public
Depuis 2002, un certain nombre d’hôpitaux publics portugais ont été transformés en "Entités Commerciales Publiques" (EPE), des établissement hybrides crées par l’Etat mais gérés par des sociétés privées. Ces partenariats ont suscité, dernièrement, de nombreuses questions auprès des parlementaires. L’un des principaux problèmes c’est que l’Etat n’a pas de contrôle direct sur les EPE. Il en assume les charges financières alors même qu’une grande partie des bénéfices financiers revient à la société privée, sans pour autant que l´Etat ait un réel droit de regard sur les services fournis. L’actuelle et fraîchement nommée Ministre de la Santé, Marta Temido voudrait renforcer le rôle du SNS, supprimer le soutien de l'État au développement du secteur privé et diminuer le nombre d’EPE au Portugal. Elle a, d’ailleurs, annoncé que l’hôpital public de Braga (EPE) devrait sous sous peu être géré à nouveau directement par le SNS. Au Portugal, les hôpitaux privés, plus chers et donc moins accessibles pour les Portugais, empiètent peu à peu sur le système public. Selon l’Institut National des Statistiques (INE), les hôpitaux privés (117 hôpitaux privés, sur un total de 225 au Portugal) reçoivent environ 4 millions de Portugais par an et assurent presque un tiers des interventions chirurgicales pratiquées dans le pays. Maria-Faia, auxiliaire médicale à l’hôpital public de São José à Lisbonne, craint que l’Etat laisse le SNS se transformer en "hôpital pour les pauvres". Les manifestations se sont multipliées ces dernières semaines, tant du côté des auxiliaires médicaux que des infirmiers, deux professions particulièrement touchées par le manque de moyen et de perspectives de carrières dans les hôpitaux publics du pays. C’est d’ailleurs à São José que le plus haut pourcentage de grévistes a été enregistré selon le Syndicat des Infirmiers Portugais : 68% des infirmiers étaient en grève vendredi dernier. Pour le personnel médical du service public, la réalité est difficile, "le SNS se meurt" admet Maria-Faia.
Maintenir un système hybride en faveur du SNS
Dans sa proposition de réforme de la Loi Fondamentale de la Santé, le PS voudrait nationaliser davantage le système de santé, tout en maintenant le principe de "coopération" entre les secteurs public et privé. Selon Ana Jorge, membre du PS, ancienne ministre de la Santé (2008-2011) et ancienne médecin elle même, la meilleure proposition possible "est celle qui défend le mieux un service national de santé pour tous les Portugais. Le secteur public et privé doit pour cela être sur un pied d’égalité." Marta Temido a rappelé la primauté constitutionnelle des services de l'Etat en matière de prise en charge. Elle a proposé un système de sous-traitance des entités privées par le SNS qui conditionnerait la prise en charge d’un patient par un établissement privé "à l'évaluation du besoin". Autrement dit, un patient pourrait être pris en charge par un hôpital privé seulement si un hôpital public est dans l’impossibilité de le faire.
Public ou rien
Si le maintient de la coopération entre le secteur public et privé est envisagée au PS, ainsi qu’au PSD et au CDS-PP, pour Jerónimo de Sousa, secrétaire général du Parti Communiste Portugais (PCP), ce n’est pas une option. Ce serait même cette promiscuité qui aurait plongé le SNS dans la crise qu’il traverse aujourd’hui. "Nous proposons que l'Etat soit le financier, le prestataire et le régulateur, et non un Etat qui démissionne de ses fonctions en transférant attributions, compétences et ressources à des tiers, notamment pour les grands groupes privés opérant dans le secteur de la santé", a-t-il déclaré. La proposition du PC oblige l’Etat au respect de l'impératif constitutionnel selon lequel il lui incombe de garantir seul le respect du droit à la protection de la santé, individuelle et collective, et du fait qu´il lui revient de fournir un accès universel, général et gratuit à la santé à tous les Portugais.
Manuel J. Antunes, Professeur en médicine à l’université de Coimbra, a répondu aux questions du Público au lendemain des discussions parlementaires : "Si nous continuons à faire ce que nous avons toujours fait, nous continuerons à atteindre les résultats que nous avons toujours atteints". Autrement dit, le succès de la révision de la Loi Fondamentale de la Santé dépend essentiellement de la volonté politique et de la détermination du gouvernement à la mettre en œuvre.