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PLANTES INVASIVES - Envahissantes ou allochtones

Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 1 novembre 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

 

Tout d'abord, il ne faut pas confondre plantes adventices (mauvaises herbes) intégrée dans un milieu endogène avec plantes invasives (souvent exotiques) venues d'ailleurs. Il faut aussi rappeler qu'au cours de l'évolution; "Toutes les espèces sont, ou ont été, des envahisseurs à un moment de leur histoire", comme le précisait Pierre-Henri Gouyon, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris, en 1989.

Le statut de plante invasive
En général, toute plante qui gagnera le statut d'invasive, passe par une période d'adaptation ou de latence, qui va de 50 à 100 ans après son arrivée ou introduction.
En réalité, très peu d'espèces atteignent ce niveau; il y a une règle de trois qui conduit une plante à être qualifiée de "peste végétale";
-    seulement 10% des espèces introduites s'acclimatent à leur nouveau milieu
-    seulement 10% de ces espèces acclimatées s'établiront durablement en se naturalisant
-    seulement 10% de ces espèces naturalisées deviendront envahissantes
(Photo : Mimosa)

On peut compter dans une liste rouge établie internationalement environ 100 espèces qui répondent à ces trois critères.

Une plante venue d'ailleurs doit donc suivre un véritable parcours du combattant pour franchir des barrières physiques, climatiques, biologiques, temporelles et aléatoires; une adaptation au nouveau type de sol, au climat plus ou moins favorable, aux agents pathogènes en vigueur, aux insectes et herbivores intégrés à son nouveau milieu.

C'est essentiellement le mode de multiplication qui détermine le plus l'efficacité de la propagation des invasives; une grande production de graines, des graines au pouvoir germinatif persistant pendant des années dans le sol, une faculté de multiplication végétative (sans avoir recours à la reproduction sexuelle) par rejets ou drageons qui donnent des clones, enfin certaines pouvant combiner toutes ces particularités.

Leur impact est d'autant plus fort dès qu'elles se retrouvent dans un milieu bouleversé par les activités humaines

(déforestation, zone anthropique proche) ou de perturbations naturelles (incendies, sécheresses, inondations, etc.).
Beaucoup d'invasives sont aussi des plantes pionnières de zones vierges, dotées de la stratégie des trois "vitesses":
-    croissance et reproduction rapide (capter le maximum de lumière, étouffer les autres)
-    durée de vie courte (cycle accéléré)
-    graines à germination rapide et de grosse dispersion
                                                                                                                                                                                                      (Ipomoea-indica)

En somme, les plantes invasives profitent des perturbations d'un milieu qui lui donnera plus de lumière et plus d'eau, alors qu'en milieu pauvre (zones alpines, forêts équatoriales, marécages, déserts ou plages sableuses), elles auront du mal à concurrencer les espèces indigènes, adaptées à leurs habitats depuis des millénaires. Par contre, débarquées sur une île, elles seront confrontées à des espèces endémiques qui n'ont pas appris à se défendre d'agressions "externes", se retrouvant dans des écosystèmes plus fragiles par manque de pression sélective, les insulaires étant alors moins compétitives que les espèces continentales introduites.

La propagation des plantes invasives
Dans la diffusion des plantes invasives, on distingue deux formes bien nettes.
1)    les introductions volontaires réalisées par l'homme au cours des temps
2)    les introductions involontaires
(Agave-Americana)

Dans le premier cas, on trouvera:
- les jardins botaniques, qui amèneront de loin des plantes incontrôlables ensuite.
- des plantes ornementales diffusées à grande échelle, des «beautés fatales»
- des plantes pour assainir des marécages, combattre l'érosion ou servir de haies
- pour l'aménagement du territoire; bord de route, réseaux fluviaux, espaces publics, les paysagistes ne prenant souvent en compte que l'aspect ornemental et économique au niveau de l'entretien.
- des introductions à des fins industrielles (sylviculture surtout).
 
Pour les introductions involontaires, il est impossible d'empêcher le vent d'emporter des graines, un oiseau de consommer des fruits ou un visiteur de prélever des graines ou une bouture venant d'ailleurs. A cela, il faudra ajouter les graines qui se mélangent à des semences importées, dans les pots de plantes ornementales introduites par les pépiniéristes, dans des conteneurs de marchandises, des graines qui font de l'"autostop", collées aux vêtements, aux chaussures, au poils du bétail, aux machines, à la coque des bateaux, etc.

Curieusement, il n'y a pas encore de législation gouvernementale et de mesures réelles contre les plantes envahissantes.

Au Portugal, voici quelques plantes déclarées ou avérées envahissantes provenant de loin:
- le mimosa des fleuristes (Acacia dealbata), envahissant la Serra de Sintra

- le laurier de Victoria ou arbre à encens (Pittosporum ondulata), pour les haies
- le troène du Japon (Ligustrum robustum), pour les haies
- le robinier d'Amérique (Pseudo acacia)
- la canne des bords de route (Arundo donax)
- le myoporum ou mulata (Myoporum laetum), pour les haies
- les griffes de sorcière (Carpobrotas edulis), sur la côte atlantique
                                                                                                                                                                                                 (Carpobrotus-edulis)
A celles-ci, il faudra ajouter des plantes dites exotiques que l'on utilise fréquemment comme les lantanas du Brésil, les bambous d'Asie, les agaves et opuntias du Mexique ou les casuarines de Nouvelle-Zélande.

Les moyens de contrôle dont nous disposons ne seront efficaces que lorsqu'il y aura eu une prise de conscience collective, avec une interdiction de commercialisation pour certaines plantes, des campagnes d'arrachage systématique dans les zones complètement envahies, éviter de les utiliser par effet de mode et diffuser l'information.

N'oublions pas cependant qu'une espèce invasive ne prendra son essor que dans un milieu perturbé, fragilisé par l'homme ou par la nature et que sans ces perturbations elle aura du mal à s'imposer (sauf dans des milieux confinés, avec absence de pression sélective, comme dans le cas des îles ou des lacs).

Un phénomène incontrôlable
Le problème majeur, c'est qu'une fois qu'une espèce envahissante a solidement pris pied, il est quasiment impossible, ou extrêmement coûteux de s'en défaire. C'est pourquoi il est préférable d'appliquer le principe de précaution en agissant au plus tôt quand l'invasion se révèle.

A plus ou moins long terme, la majorité des espèces envahissantes se stabilisent passant à vivre dans ou, au moins, avec ce qui reste des écosystèmes qu'elles ont menacé. Les raisons de régression de certains envahisseurs sont aussi, en grande partie, inconnues. Elles incluent, probablement, une augmentation du nombre et de l'efficacité des parasites, des prédateurs et des espèces compétitives capables de s'ajuster à elles. Combien de temps prend ce processus? Ça dépendra de multiples facteurs spécifiques.

Toutefois, à long terme, les espèces dites envahissantes sont en train d'altérer lentement la qualité biologique de la planète. Puisque nous avons, en général, un succès limité à les contrôler, dans la majorité des cas, il ne nous reste d'autre alternative que d'attendre que leur effet perturbateur s'amoindrisse (bien que pour notre durée de vie limitée, ce processus soit trop lent).
(Cortaderia-selloana)

A long terme aussi, l'effet le plus insidieux de la marée croissante d'espèces exotiques, c'est l'uniformisation des écosystèmes de la terre. Au fur et à mesure que les espèces natives reculent ou disparaissent, pour être remplacées par des concurrents supérieurs provenant d'ailleurs, la biodiversité globale décline et avec elle les différences jusque là existantes entre les formes de vie d'un local à l'autre.

Le phénomène s'accroit avec l'incidence des déplacements générés par les humains, qui englobent quasiment tous les points de la planète et favorisent cette expansion des plantes invasives autrefois cloisonnées dans des espaces limités ou isolés du reste (Australie/Nouvelle-Zélande, surtout, mais aussi forêts tropicales).
Cette déstabilisation s'accompagne de changements climatiques qui peuvent également favoriser l'implantation de plantes de l'hémisphère sud, les différences de climat ayant tendance à s'uniformiser aussi sur l'ensemble de la Terre.

Ce phénomène d'appauvrissement de la diversité des espèces s'est déjà produit par le passé. Il y a 360 millions d'années, au Dévonien de l'ère primaire, la deuxième extinction en masse, qui a eu lieu uniquement dans les océans, puisque la vie sur la terre ferme n'était pas encore apparue, a fait disparaître jusqu'à 75 % des espèces. Des espèces dominantes, ou dites généralistes, ont comblées à elles seules toutes les niches écologiques et empêchèrent ainsi aux espèces spécialisées d'évoluer, les condamnant à plus ou moins long terme. Ce processus étalé sur 25 millions d'années aura instauré une uniformité planétaire et un appauvrissement général de la diversité. Puis, passée cette phase morose, le moteur de la sélection s'est progressivement remis en marche.

Aujourd'hui, la diversité des espèces n'a jamais été aussi importante. D'autant plus que nous sommes conscients de n'avoir à notre connaissance qu'une partie de la vie existante recensée. Il resterait entre un à dix millions d'espèces encore à découvrir, alors que nous n'en connaissons qu'à peine deux millions. De quoi maintenir l'espoir pour le futur.

Pour un complément d'information sur les plantes invasives au Portugal, consulter : http://invasoras.pt

André Laurins (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) lundi 2 novembre 2015
Technicien agronome (laurins.andre@gmail.com)

logofblisbonne
Publié le 1 novembre 2015, mis à jour le 6 janvier 2018

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