Clouée au sol par la crise sanitaire depuis début avril 2020 et asphyxiée par les dettes, la compagnie aérienne nationale portugaise vient d´être restructurée et l'Etat détient désormais 72,5% de son capital.
En raison de la pandémie mondiale de Covid-19, de nombreux gouvernements européens volent actuellement au secours des compagnies aériennes pour éviter la faillite des plus grands groupes, comme Lufthansa et Air France. L'exécutif portugais a ainsi annoncé, jeudi 2 juillet, qu'il était arrivé à un accord avec l'un des actionnaires privé de la compagnie aérienne nationale (la Tap), l'homme d'affaires américano-brésilien David Neeleman, qui a cédé ses parts pour 55 millions d'euros.
L'histoire de la TAP : entre intérêts privés et publics
La TAP a déjà une longue histoire de restructuration derrière elle. Fondée par l'Etat portugais le 14 mars 1945 sous le nom de Transportes Aéreos Portugueses, SGPD S.A, elle est privatisée pour la première fois en 1953. Elle devient TAP Air Portugal en 1979, change de statut dix ans plus tard pour devenir une société anonyme cotée en Bourse. La compagnie prend alors le nom de TAP Portugal en février 2005, et rejoint la même année Star Alliance aux côtés de 26 autres compagnies aériennes. Après quelques tumultes et des spéculations sans suite, l'homme d'affaires américano-brésilien David Neeleman (déjà propriétaire de la compagnie aérienne brésilienne Azul) acquiert la TAP en juin 2015 ainsi que 61% du capital. L'année suivante, l'Etat regagne du terrain à hauteur de 50% des parts de la société. Depuis 2015 la société est donc contrôlée à 50% par l'Etat, contre 45% par Atlantic Gateway (le consortium privé détenu à 50% par David Neeleman et à 50% par l'homme d'affaires portugais Humberto Pedrosa), les 5% restants étant détenus par les salariés de la Tap. Ce 2 juillet 2020 David Neeleman a choisi de se retirer, laissant ses parts à l'Etat qui contrôle désormais 72,5% du capital.
Une restructuration en attendant...
Dès le départ, le projet de restructuration actionnariale de la TAP a voulu éviter un contrôle à 100% de l'État dans la gestion financière du groupe. L'idée était d'injecter des fonds publics à court terme pour soutenir la société durant la période difficile due à la crise sanitaire comme a eu l´occasion de l´indiquer le Premier-ministre António Costa. Le ministre des Infrastructures et du Logement, Pedro Nuno Santos, a ajouté que si un accord stratégique n'était pas trouvé avec l'actionnaire principal, il faudrait alors nationaliser pour éviter la faillite de la compagnie.
Après de longues négociations avec les actionnaires privés, le gouvernement est parvenu à un accord qui a permis à David Neeleman de se retirer. Son associé portugais Humberto Pedrosa détient désormais 22,5 % des parts et les salariés du groupe conservent leurs 5 %. David Neeleman a empoché 55 millions d'euros en échange de son départ. La TAP, elle, recevra un prêt d'Etat de 1 200 millions d'euros d'ici la fin de l'année, dont 250 millions dans les prochains jours pour payer ses dettes aux fournisseurs et les salaires de juillet. Ce 2 juillet, le ministre Pedro Nuno Santos a annoncé que le PDG de la TAP, Antonoaldo Neves (nommé par David Neeleman) serait relevé de ses fonctions. L´Etat a fait savoir qu´il lancerait un concours international afin de recruter un nouveau PDG. Quant au plan de gestion stratégique de la société, il n'a pas encore été communiqué.
Une santé fragile depuis des années
Les confinements imposés pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ont cloué au sol toutes les compagnies aériennes sans distinction. Elles pourraient subir plus de 84 milliards de dollars de pertes nettes lors de leur exercice 2020, et plus de 15 milliards de pertes encore en 2021, des suites de la pandémie due au coronavirus, selon l'Association internationale du transport aérien (IATA). Cependant, la TAP n'a pas attendu le coronavirus pour essuyer des difficultés financière. Cela fait déjà quelques années que la société flirte dangereusement avec la faillite. En 2015, déjà, la TAP traverse une période difficile et demande à bénéficier d'un prêt d'Etat ou d'une éventuelle nationalisation, ne voyant pas d'issue à ses difficultés financières. A ce moment-là, elle a été privatisée à hauteur de 61% par le consortium emmené par David Neeleman qui n'a pas intégralement appliqué le plan de reprise d´activité qu´il avait initialement proposé, l'Etat reprend alors le contrôle de la moitié du capital en 2016 pour soutenir la compagnie. En 2019, la TAP a enregistré des pertes de 105,6 millions d'euros – une « amélioration » de 12,4 millions d'euros par rapport aux pertes de 118 millions enregistrées en 2018.
Mais face à la pandémie, la compagnie aérienne a réellement touché le fond en enregistrant une perte de 395 millions d'euros au cours des trois premiers mois de 2020. Le ministre Pedro Nuno Santos a eu l'occasion de rappeler l'importance stratégique de la TAP pour le pays, notamment pour le secteur touristique, soulignant que 90% des touristes arrivaient par avion, dont la moitié dans ceux de la TAP. Il a ainsi justifié l'intervention du gouvernement « pour éviter l'effondrement de l'entreprise ». Sans parler de la diaspora portugaise (10 millions d'individus) qui voyage régulièrement au Portugal en privilégiant la compagnie nationale.