

Voici certainement le palmier le plus planté au monde pendant ces dernières décennies. Il est originaire des Canaries comme son nom l´indique (Phoenix canariensis), mais aussi de Madeira et se trouve aussi bien sur la Côte d'Azur que sur les rives de l'Algarve, participant activement à l'exotisme de ces paysages. Hélas, un tueur de palmier, le charançon rouge du dattier (Rhynchophorus feruginens), s'est rendu compte de cette omniprésence et sévit depuis l'année 2006.
(Photos : M.J. Sobral)
Le palmier le plus planté au monde pendant ces dernières décennies, ses caractéristiques
Pourtant, il appartient à la très riche famille des Arecaceae, unique en diversité morphologique et d'une si vaste répartition écologique que l'on y recense 2650 espèces différentes, regroupées en 201 genres, comprenant pour la moitié des arbustes ou des plantes grimpantes (raphia).
Carl Linné (1707-1778), le père de la classification des êtres vivants en nomenclature binominale, considérait d'ailleurs les palmiers comme les "Princes du monde végétal". Ces derniers ne sont pas en réalité des arbres, leur tronc n'étant pas un tronc, mais une agglomération fibreuse accumulée au cours de leur croissance (un stipe, en langage botanique) et les branches sont plutôt des feuilles plus ou moins longues, plus ou moins larges et qu'il est plus correcte de nommer des palmes.
Pour finir avec ces généralités, on sait que les palmiers se répartissent essentiellement en région tropicale et subtropicale, mais certains, comme le dattier (Phoenix dactyfera), ont conquis des régions plus arides et d'autres des régions plus froides comme le palmier à balai (Chamaerops humilis).
Celui qui nous intéresse particulièrement est originaire des Canaries, mais aussi de Madeira. La question est de savoir pourquoi on a utilisé presque de manière systématique ce palmier ; d'abord, il s'adapte à tout type de sol et il est de caractère très robuste. Il est aussi reconnu d'une certaine élégance, avec ses palmes si longues. Son stipe garde les traces des feuilles tombées et confère à l'ensemble une allure imposante. Ses fruits, disposés en grappes longues de couleur orangée, murissent en plein été et sont comestibles, bien qu'ayant beaucoup moins de pulpe que ceux de son cousin le dattier. Bien des oiseaux les mangent (endozoochorie) et permettent une large propagation de l'espèce. De sa sève, on fait du miel et un vin de palme.
Ainsi, le palmier des Canaries a été planté à grande échelle aussi bien sur la Côte d'Azur que sur les rives de l'Algarve, participant activement à l'exotisme de ces paysages. Hélas, un tueur de palmier, le charançon rouge du dattier (Rhynchophorus feruginens), s'est rendu compte de cette omniprésence et sévit depuis l'année 2006, ayant commencé ses ravages en Corse, puis dans le Midi de la France avant d'atteindre l'Espagne, l'Algarve et la région de Lisbonne.
Le charançon rouge du dattier fait des ravages
La destruction complète des palmiers touchés peut ainsi se produire en quelques mois. L'arrivée du charançon rouge sous nos latitudes s'est réalisée par l'introduction de palmiers provenant de régions reconnues comme contaminées comme l'Egypte, où l'insecte est présent depuis 1993 et ceci avec l'autorisation des administrations responsables.
Originaire de l'Inde, le charançon rouge aura mis 20 ans à atteindre les Canaries et se trouve présent dans la plupart des pays du Bassin méditerranéen, sauf en Algérie et en Tunisie, du moins jusqu'en 2007. Au niveau communautaire, l'importation des palmiers était pourtant soumise depuis 1993 à une directive européenne, renforcée par celle de 2000, qui rendait obligatoire un certificat phytosanitaire. Devant la progression du parasite, l'Union européenne a pris des décisions d'urgence à partir de 2007, renforçant considérablement la surveillance de l'insecte ravageur, en instaurant la mise en quarantaine pendant un an d'un palmier provenant d'une zone contaminée, même si celui-ci a été déclaré sain. Ces mesures n'ont cependant pas enrayé la progression de l'insecte tueur qui élimine méthodiquement ce que l'homme a diffusé à grande échelle.
Encore une fois, au même titre que pour les platanes menacés par un champignon (le chancre coloré ; Ceratocytis fimbricata, forme platani), la nature nous montre qu'elle n'apprécie pas l'usage immodéré d'une seule espèce végétale, qu'elle préfère à la fois la diversité et les plantes endémiques et non une espèce "passe-partout", qui s'adapte et est adoptée par tous.
A Lisbonne, les palmiers des Canaries sont nombreux autant dans les jardins que le long du Tage jusqu'à Cascais et certains montrent déjà être les victimes du charançon rouge en séchant progressivement. Ceci entraine des frais importants, car il faut compter que la destruction d'un palmier de grande taille coûte environ 1500 euros, puisqu'on doit le détruire en le broyant complètement ou en le brûlant.
Il faut espérer avoir appris la leçon et que l'on choisisse à l'avenir davantage, par exemple, l'unique palmier endémique de l'Algarve et du pourtour méditerranéen, le palmier à balai ou doum (Chamaerops humilis) pour être plus en accord avec le milieu ambiant et se rappeler qu'il y a 150 ans, on trouvait encore ce palmier à l'état sauvage sur la Côte d'Azur, bien qu'il n'ait pas un port aussi imposant que son cousin des Canaries.
André Laurins (www.lepetitjournal.com/lisbonne.html) lundi 10 décembre 2012
Technicien agronome (maria.friesen@sapo.pt)











