Le 3 mai 2023 s'est déroulée, à l´Ambassade de France au Portugal, la délibération de la première édition du « Choix Goncourt » du Portugal présidée par Tahar Ben Jelloun, membre de l'académie Goncourt et Leïla Slimani, Goncourt 2016. Quatre romans étaient en compétition et le prix a été attribué au roman de Giuliano da Empoli Le Mage du Kremlin.
Le « Choix Goncourt », un Prix Goncourt hors de France
L'idée d'un prix Goncourt, en dehors de la France est née en Pologne en 1998 à l´initiative du directeur de l'Institut français de Cracovie, et avec l'accord de l'Académie Goncourt. Depuis, la tradition s'est installée en Pologne et s'est répandue dans 35 pays. On appelle cela le "Choix Goncourt". Le principe est que des étudiants d´universités du pays désignent le « Choix Goncourt » à partir de la sélection faite pour le Goncourt (première ou deuxième liste).
Pour cette première édition au Portugal huit étudiants de huit universités portugaises (Lisboa, Nova de Lisboa, Porto, Coimbra, Minho, Algarve, Aveiro et Madère) se sont réunis à l'Ambassade de France à Lisbonne pour désigner le premier « Choix Goncourt » du Portugal parmi quatre romans en compétition : Le Mage du Kremlin de Giuliano da Empoli (Gallimard), Vivre vite de Brigitte Giraud (Flammarion), Les Presque Sœurs de Cloé Korman (Seuil), et Une somme humaine de Makenzy Orcel (Payot & Rivages).
Délibération et annonce du lauréat à l´Ambassade de France du Portugal
Après une heure de délibération le prix a été annoncé lors d´une cérémonie à l´Ambassade de France du Portugal à Lisbonne. L'Ambassadrice de France au Portugal Hélène Farnaud-Defromont a procédé à l´ouverture de cette cérémonie, puis celle-ci a été suivie d´une présentation du Choix Goncourt par l'écrivain Tahar Ben Jelloun. Ce dernier a souligné l´importance du Prix Goncourt : « le Prix Goncourt c'est un prix prestigieux, mais, de plus, c'est un prix qui n'existe nulle part ailleurs dans le monde, c´est un événement important pour la langue française et chaque prix Goncourt est traduit dans une quarantaine de langues. Cette traduction est maintenant, encouragée par le Choix Goncourt. Ce prix va avoir lieu, désormais chaque année, au Portugal, auprès des étudiants il fait vivre la littérature, fait vivre la langue française à travers la jeunesse portugaise francophone.»
En marge de cette cérémonie Tahar Ben Jelloun et Leïla Slimani ont accordé quelques minutes d'interview au Lepetitjournal.
Lepetitjournal : Quelle est l'importance, selon vous, de ce « Choix Goncourt » à l'étranger ?
Leïla Slimani : Je pense que le Goncourt a vocation de toute façon à s'internationaliser. C'était tout à fait logique dans la mesure où il a une influence et de l'impact partout dans le monde. Partout dans le monde, il y a des francophones passionnés, amoureux de la littérature, qui s'intéressent au Goncourt. Donc pour moi, son impact, c'est de continuer à défendre la littérature et la francophonie.
Quel est l'apport de ce prix pour la littérature française et pour la francophonie ?
Il fait connaître un auteur à l'étranger, d'abord dans sa langue d'écriture, qui est le français, mais ensuite en traduction puisque dès qu'il y a Goncourt dans un pays étranger, ça veut dire qu'il y a automatiquement aussi une traduction. Donc c'est aussi favoriser des éditeurs étrangers, des traducteurs. C'est par conséquent un prix qui a un vrai impact littéraire et donc un impact sur la francophonie.
Pourquoi avez-vous accepté de participer à la délibération sur ce « Choix Goncourt » ?
Parce que, d'abord j'adore discuter avec des étudiants, avec des lecteurs, sur les livres qu'ils ont lus. C'est toujours une expérience très enrichissante. C'est toujours joyeux et c'est rafraîchissant. Et puis ensuite parce que c'était la première fois pour le Portugal. Je viens de m'installer au Portugal, j'ai de très bonnes relations avec l'Institut Français du Portugal, avec l'ambassade et donc quand ils m'ont demandé de participer, c'était tout à fait logique et naturel pour moi d'accepter.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le livre qui a été choisi ?
Je comprends tout à fait le choix. C'est un livre qui est vraiment dans son actualité, il a plu aussi aux jeunes, parce qu'il leur donne un éclairage sur le monde et en particulier sur un monde qui est de plus en plus difficile à comprendre, de plus en plus complexe et dans un contexte de guerre. Donc, c'est un livre qui leur a apporté beaucoup à la fois sur le plan littéraire mais aussi sur le plan plus général, géopolitique, médiatique et autre. Ils ont le sentiment aussi de pouvoir, grâce à ce livre, comprendre comment les Russes voyaient les Occidentaux. Et j'ai l'impression que cela les a beaucoup marqués. Se rendre compte que notre vision du monde n'est pas partagée par tout le monde et que dans d'autres lieux, dans d'autres pays, dans d'autres civilisations, on voyait le monde autrement. Et c'est à cela que sert aussi la littérature à comprendre qu´on ne voit pas partout le monde de la même façon.
Quels sont vos projets actuellement ?
J'écris mon troisième livre de la saga que j´ai entrepris
Lepetitjournal : Quelle est l'importance, selon vous, de ce « Choix Goncourt » à l'étranger ?
Tahar Ben Jelloun : Il y aura 37 pays au mois de septembre 2023 ce qui prouve que le Goncourt couvre la planète. Pour nous, c'est très important parce que c'est le développement de ce que nous faisons pour la France. Nous faisons le Goncourt et ce Choix Goncourt sur lequel travaille d´autres personnes c'est une deuxième vie du Goncourt. Cela se déroule de décembre à septembre. Les ambassades de France et les espaces culturels participent, aident à la mise en place de ce Prix et font les réceptions. Leur participation est importante, si une ambassade, n'est pas motivée, on ne peut rien faire.
Quel est l'apport de ce prix pour la littérature française et pour la francophonie ?
Pour la francophonie, c'est très important. Il est important que des jeunes étudiants portugais plongent dans 4 ou 5 livres, qu´ils discutent et échangent.
Pourquoi avez-vous accepté de participer à la délibération sur ce « Choix Goncourt » ?
Il y a un partage de travail entre nous, académiciens, parce qu'il y a 35 pays qui ont le Choix, et chacun va où il veut aller. Le Portugal m´a été attribué parce que je ne suis pas loin de Paris et j'aime bien le Portugal.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le livre qui a été choisi ?
C'est un choix pour moi très bon. C'est un grand livre, important et qui nous éclaire beaucoup aujourd'hui sur ce qui se passe en Russie. Et ce n'est pas uniquement un livre d'histoire, c'est aussi un livre de littérature très bien écrit, très bien construit, et c'est important que ce livre ait un très grand succès. Il se vend déjà énormément dans plusieurs pays donc c'est important que le choix Portugal soit sur ce livre.
Ce choix, selon vous, est-il influencé par l'actualité ?
Je ne sais pas si les étudiants ont été sensibles à l'actualité mais ils ont aimé la construction, ils ont aimé l'écriture. Ce ne sont pas des politiciens, ce sont des lecteurs, des lecteurs de base.
©M.J. Sobral