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Roman - Le scénario de l'effondrement. Et après, on fait quoi ?

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Écrit par Lepetitjournal Lisbonne
Publié le 22 juin 2021, mis à jour le 25 juin 2021

Chris Antone, expatrié au Portugal depuis quelques années nous parle de son premier roman, « Vicilisation - la Chute », un récit d'aventures et une fiction politique évoquant un effondrement de civilisation et ses multiples rebondissements. Lepetitjournal a été à la rencontre de cet auteur à l'occasion de la réédition de ce premier tome, afin de mieux comprendre ce qui l'a motivé dans son écriture et ce qu'il souhaite faire passer dans ce premier livre.

 

Pour votre premier roman, pourquoi avoir choisi une fiction ?

Parce que le roman de fiction est un l'outil idéal pour imaginer demain. C´est un style adapté à l´exploration de mondes ou de situations qui n´existent pas encore. Ce qui m´intéressait dans cet exercice, c´était d´explorer notre futur proche de manière réaliste en imaginant le scénario d´une aggravation des crises actuelles. Qu´adviendrait-il de nos modèles de société et du fameux « vivre ensemble », déjà bien écorné, si la situation sociale devenait hors de contrôle ? Après un effondrement, quelle serait alors la trajectoire de nos sociétés à court, moyen et long terme ? Voilà en quelques mots la trame du roman qui nous propulse dans ce futur immédiat que certains jugent hélas inéluctable.


Pourrait-on classer « Vicilisation – La Chute » dans la catégorie postapocalyptique et ce que l´on appelle aujourd´hui la « collapsologie » ou le « survivalisme » pour employer des termes à la mode ?

Oui et non. D´une part, la trame du roman décrit clairement un effondrement de civilisation et le fil conducteur est celui d´une chute brutale du confort moderne et des certitudes sur fond de guerre civile. Il y a donc effectivement un côté survie, actions et rebondissements avec une forte dimension visuelle. Mais d´autre part,  « Vicilisation – La Chute » ne se contente pas d´être un thriller postapo décrivant le chaos et une fin sans lendemain. Ça ne m´intéressait pas d´écrire uniquement sur cette phase spectaculaire souvent exploitée au cinéma ou en littérature. Je voulais aller plus loin en apportant une lecture constructive sur « l´après ». L´idée consistait aussi à comprendre les principales raisons de « la Chute » et à suivre le héros central, dénué de toute conscience politique au début du récit, dans sa prise de conscience et dans les solutions qu´il met en œuvre.  


Alors justement, comment présenteriez-vous en quelques mots votre livre sans nous dévoiler toute l´histoire ?

Et bien, nous suivons les aventures de Jacques, un jeune architecte trentenaire vivant à Paris et se trouvant soudainement pris au piège d´une ville sans approvisionnement et sans énergie. Il tente de s´extraire du brasier avec l´aide d´un ami avec la volonté de rejoindre un lieu plus sûr. C´est le point de départ du récit. La première partie du roman emprunte effectivement aux genres évoqués précédemment et relate l´exode de millions de personnes dans des conditions plus que chaotiques. Le lecteur y retrouvera des références à « Ravage » de René Barjavel, ou bien à « La Route » de Cormac McCarty. La seconde partie quant à elle s´attache plus à décrire la manière dont des individus d´âges, de profils et de parcours personnels totalement différents peuvent collaborer pour améliorer leur situation, vu qu´ils n´ont pas d´autres choix. En ce sens, Vicilisation, dont je ne dévoile pas ici le sens caché du titre, est aussi une fiction politique et sociale ayant vocation à porter un message plus positif que ceux que nous entendons tous les jours en boucle.


Qu´est-ce qui vous a conduit à l´écriture de ce premier opus ?

Un des déclencheurs pour l´écriture des premières lignes de « Vicilisation », a été la crise de 2008 et ses répercussions mondiales. Lors de cet évènement, le rideau s´est entrouvert sur les rouages qui permettent au monde occidental de fonctionner, notamment en ce qui concerne son financement par le biais de ces montagnes de dettes irremboursables que les états créent. Il est devenu important pour moi à ce moment précis de partager certaines réflexions afin de mettre en lumière les fragilités d´un modèle planétaire vendu comme étant inoxydable et infini. Toutes les civilisations ont un début et une fin et, en ce qui nous concerne, beaucoup d´indicateurs sont dans le rouge depuis longtemps. Les phénomènes climatiques sont plus fréquents et plus intenses, un virus mesurant moins d´un micron a rapidement démontré les fragilités de nos systèmes de santé et d´approvisionnements mondiaux, nous dépendons encore largement du pétrole, nos déchets envahissent la planète, l´exploitation industrielle des sols détruit les écosystèmes, la nourriture qui en est extraite puis transformée est souvent de mauvaise qualité, ce qui induit des problèmes de santé, bref, la liste est longue… Et nous constatons que les impacts environnementaux, sociaux, sanitaires et financiers qui en découlent se cumulent. La création monétaire débridée actuelle permet de partiellement masquer ces réalités et de mettre un peu de peinture sur la coque rouillée de notre navire qui prend l´eau de toute part. Mais pour combien de temps ? Quelle est notre capacité d´adaptation ? Sommes-nous capables de régler les problèmes de fond avant qu´il ne soit trop tard ? Pouvons-nous vivre mieux avec moins ? Autant de questions auxquelles Jacques, le jeune héros du roman, tente modestement de répondre.    


Dès les premières pages vous faite allusions aux « Gilets jaunes » alors que la première édition du roman date de 2011, serait-ce prémonitoire des mouvements sociaux en cours ?

Pas forcément prémonitoire, car il ne faut pas être grand clerc pour anticiper la recrudescence des explosions populaires et des revendications de toutes sortes dans un monde ou les écarts se creusent et où les gens ne parviennent plus à se croiser simplement. Les émeutes font parties des éléments clefs d´un soulèvement. Effectivement en 2011, les gilets jaunes n´était pas encore apparus en tant que mouvement structuré, mais la plupart des manifestations d´alors étaient déjà encadrées par des manifestants en gilet jaune, ce qui m´avait donné l´idée de ce nom. C´est donc un pur hasard et le résultat d´une simple observation.


Quel regard portez-vous sur votre roman aujourd´hui ?

Le tome 1 vient de fêter ses dix ans cette année et il n´a pas pris une ride, bien au contraire. Les problèmes environnementaux, économiques, sociaux et religieux qui précèdent la chute dans le roman sont identiques aujourd´hui et ce sont même amplifiés.


Si vous vouliez faire passer un seul message par le biais de ce livre, ce serait lequel ?

Je vais tenter de vous répondre par la voix de Jacques, le héros du roman : « depuis la nuit des temps, la nature humaine est une constante ». Cela signifie que notre prétention à nous dépeindre comme des êtres évolués se heurte assez souvent à la réalité de comportements basiques motivés par la peur, la jalousie, la soif de profits ou bien la volonté de domination. C´est notre cerveau reptilien qui parle dans ces situations. A l´échelle de l´histoire de notre planète, nous sommes encore des primates, dont le cerveau n´a pas évolué aussi vite que l´ensemble des technologies et des possibilités que nous créons à vitesse accélérée. Nous sommes un peu comme des enfants touchant à tous les boutons dans le cockpit d´un avion et l´humanité prouve quotidiennement qu´elle est impropre à la limite. On peut s´accommoder de cette « constante », comme l´appelle Jacques, lorsque les organisations humaines et politiques demeurent locales et à taille humaine. On est alors en présence de conséquences réduites et d´actions plus ou moins visibles au niveau d´une association, d´une marie, d´une préfecture, d´une région voire d´un pays. En revanche, lorsque nous développons de gigantesques organisations destinées à décider pour un très grand nombre en gérant des enjeux financiers et stratégiques au niveau mondial, nous nous retrouvons potentiellement devant des dérives qui sont proportionnelles à la taille de ces institutions. Car les personnes en charge sont toujours des humains dont la nature, bonne ou mauvaise, est une constante. « La Chute » décrite dans ce premier tome est, à bien des égards, le résultat de ce gigantisme que nous avons laissé prospérer et a qui nous avons délégué des décisions importantes pour notre avenir et celui de nos enfants.


Avez-vous une nouvelle fiction en vue ?

Beaucoup de lecteurs ont réclamé un tome II. Lorsque ma vie professionnelle me le permet, je suis à l´écriture de ce second opus qui devrait paraître fin 2021. Le confinement lors du Covid m´a permis de bien avancer. Au moins un point positif dans cette crise sanitaire !


En quoi le fait de vivre au Portugal a influencé l´écriture de votre livre ?

J´ai écrit le premier tome avant de m´expatrier, donc il n´est pas inspiré par le Portugal. A l´inverse, l´expatriation au Portugal est largement inspirée par les constats faits dans ce premier tome. On ne prend pas une décision d´expatriation en famille à la légère, c´est donc un ensemble de critères qui déclenche le choix et le roman est un élément important dans cette équation. Mais pas de souci, dans le second tome, il y aura des évocations et des saveurs du Portugal que les initiés pourront rapidement détecter !


Où peut-on se procurer votre roman ?

La seconde édition (couverture jaune) est disponible en ligne au format relié ou en ebook sur amazon.fr et .com. Une version anglaise existe aussi.

 

(Propos recueillis par Maria Sobral)

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Publié le 22 juin 2021, mis à jour le 25 juin 2021

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