

Rarement expression figurée aura été plus appropriée. La répugnance de l'image est bien à la mesure de l'humiliation subie sans pouvoir riposter. Avale des couleuvres celui qui supporte des affronts, des désagréments sans broncher, qui accepte avec résignation les avanies qu'on lui inflige
"Le goût qu'il a pris pour elle", écrit Mme de Sévigné en 1676, "lui fait avaler toutes sortes de couleuvres". Selon Le Dictionnaire des expressions et locutions (Le Robert), le sens est alors plutôt "croire des choses mensongères, être berné". Dans son livre La Puce à l'oreille, Claude Duneton nous rappelle que l'anguille, poisson en forme de serpent, constituait jadis un mets courant et très apprécié. Il pense que c'est probablement par opposition à elle que la répugnante couleuvre intervient. Et de s'interroger : "Des hôtes mauvais plaisants auraient-ils servi des couleuvres en lieu d'anguilles pour éprouver la docilité de leurs convives ?". Même si la bestiole change, l'expression équivalente portugaise est tout aussi dégoûtante. Engolir sapos (avaler des crapauds) viendrait du temps des Romains, qui étaient contraints et forcés d'exécuter les ordres de César sans broncher. Pour ma part, je me demande s'il n'y aurait pas là une influence de l'anglais toad-eater (mangeur de crapaud) ?
Leonor Francisco, Alliance Française de Lisbonne (http://lepetitjournal.com/lisbonne.html) mercredi 6 avril 2011
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