Comment la sardine est-elle devenue un emblème de Lisbonne voire du Portugal ? C'est ce qu'essaie d'expliquer l'exposition temporaire au Padrão dos Descobrimentos, à Lisbonne.
L'exposition temporaire "Le miracle de la sardine, mémoires et mystères d'un symbole national" est actuellement présentée au Padrão dos Descobrimentos, l'un des monuments les plus emblématiques du quartier de Belém, à Lisbonne.
Pensée et coordonnée par Francisco Henriques, professeur d'économie et d'histoire, l'exposition retrace l'évolution de la sardine et de sa consommation au fil du temps : son rôle dans l'alimentation, son importance économique, sa dimension culturelle, et les défis actuels liés à sa préservation.
Une immersion visuelle et historique
Photographies, peintures, dont certaines d'Almada Negreiros, sculptures, livres de cuisines anciens et archives vidéos historiques... L'exposition se distingue par la diversité de ses supports. Elle suit une chronologie rigoureuse, allant de l'époque romaine à nos jours, structurée autour de cinq verbes d'actions qui racontent l'histoire de la sardine : nourrir, voyager, pêcher, préserver, célébrer.
Pourquoi une exposition dédiée à la sardine ?
L'idée est née d'une démarche personnelle par le coordinateur scientifique de l'exposition. Francisco Henriques confie :
" Il existait déjà plusieurs expositions consacrées à la morue, mais rien sur la sardine alors qu'elle a joué un rôle économique fondamental -et dans l'économie portugaise-."
Sa thèse universitaire portait justement sur l'industrie de la conserve au Portugal. Pour lui, la sardine représente à la fois un symbole populaire et un vecteur de richesse : jusqu'au milieu du XXème siècle, elle représentait la moitié de la valeur commerciale de la pêche au Portugal.
La conserve : une aventure franco-portugaise
Le développement de la sardine comme produit d'exportation est intimement lié à l'invention de la conserve en France. Sous la demande de l'empereur Napoléon, Nicolas Appert met au point un procédé de stérilisation des aliments en bocaux, afin de ravitailler les armées durant la guerre.
L'innovation arrive rapidement au Portugal : de nombreux Français s'installent sur la côte, notamment à Setubal, pour y développer l'industrie de la conserve. À l'époque, la sardine en boîte devient un produit de luxe, servi en hors-d'œuvre à la cour française ou lors de l´exposition universelle.
Les étiquettes colorées des boîtes mettent en scène le soleil et les côtes portugaises, renforçant l'image d'un pays exotique et productif. Cette esthétique est notamment exploitée durant la dictature de Salazar pour promouvoir le nationalisme.
Une espèce à préserver
Bien qu'abondante, la sardine reste fragile, alerte Francisco Henriques. L'exposition accorde une large place aux enjeux environnementaux, avec le soutien de campagnes scientifiques et de collaborations avec des océanographes.
La pêche de la sardine est d'ailleurs interdite de janvier à mai, durant la période de reproduction de la sardine. Un des projets de l'exposition est de faire venir des scientifiques pour intervenir et sensibiliser les visiteurs aux problématiques de surpêche et de durabilité.
La sardine comme icône de Lisbonne
Aliment de base, moteur économique mais aussi icône culturelle : la sardine a traversé les siècles. Elle a joué un rôle stratégique durant les deux guerres mondiales, notamment en approvisionnant les deux camps malgré la neutralité du Portugal. Grâce à la sardine, le pays a démontré sa volonté d'agir sur la scène internationale, tout en se tenant à l'écart du conflit et d'une possible attaque.
Depuis 2003, la sardine est officiellement l'emblème de la ville de Lisbonne, promue par la société municipale EGEAC, la société de Gestion d'Equipements et d'Animation Culturelle. Et depuis 2011, un concours annuel de design de sardines attire des milliers de participants, ce concours est lancé à l´occasion des fêtes de Lisbonne au mois de juin. D'ailleurs, les créations gagnantes sont projetées dans l'exposition sous forme animée, comme dans un aquarium numérique.
Une exposition pensée en détails
La mise en œuvre de l'exposition a nécessité six mois de travail et plusieurs partenariats, notamment avec le Centre archéologique de Lisbonne et le collectionneur Victor Vicente, le propriétaire de la plus grande collection privé de conserves du Portugal.
Francisco Henriques espère enrichir encore le parcours avec des témoignages, notamment de femmes ayant travaillé dans l'industrie sardinière du XXème siècle. Il souhaite ainsi mettre en lumière leur rôle, souvent oublié, dans l'économie locale et leur émancipation, bien que relative, à travers le travail. Même si leur salaire restait toujours plus bas que celui des hommes, pour ces femmes, travailler dans l'industrie de la sardine signifiait un premier travail et un premier salaire.
Comment s'y rendre ?
L'exposition temporaire est disponible jusqu'au 30 décembre 2025 au sous-sol du monument Padrão dos Descombrimentos, situé non loin de la tour de Belém, Avenida Brasília.
Le billet d'entrée pour le point de vue et l'exposition s'élève à 10 euros, avec des réductions possibles.
Dimanche 29 juin à 11h visite guidée qui propose un voyage à travers le patrimoine graphique de l’une des industries les plus audacieuses du Portugal.
Inscriptions : comunicacao@padraodosdescobrimentos.pt - Tel 213 031 952
Visite : 5€
Pour en savoir plus : Padrão dos Descobrimentos
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