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Populisme et démagogie : faux amis du discours politique

Souvent confondus, le populisme et la démagogie ne sont pourtant pas jumeaux, mais plutôt de vieux cousins qui se ressemblent sans jamais se confondre tout à fait.

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@Ben Noble by Unsplash
Écrit par Rodrigo Castillejo
Publié le 20 août 2025, mis à jour le 27 août 2025

 L’un se pare des atours de l’idéologie, l’autre emprunte les détours de la rhétorique. Les distinguer, c’est éviter les raccourcis faciles et mieux comprendre les mots qui façonnent nos débats publics.

 

« Le peuple » et « les élites ». Voici deux expressions régulièrement utilisées par les dirigeants actuels. Cette tendance à vouloir incarner la fameuse volonté générale de Jean-Jacques Rousseau se traduit aujourd’hui par le mot « populisme ». Ce mot règne désormais dans les médias. Tout le monde est populiste. Pour les gens de droite, la gauche est naturellement populiste, et pour les gens de gauche, c’est l’inverse.

Mais… est-ce que quelqu’un peut me dire, concrètement, c’est quoi un « populiste » ?

On vit à une époque où prévaut la confusion sémantique, où la société semble avoir perdu le souci de la précision des mots. Or, ils ont été créés pour décrire le réel, et quand on les confond, on finit aussi par se perdre dans la réalité elle-même.

 

Le mot « populisme », dans le langage du grand public, est devenu une expression fourre-tout vidée de sa précision. Pour éviter que cette confusion ne vous emporte à votre tour, j’ai choisi de détricoter ce qu’est réellement le populisme, et de le distinguer d’un terme avec lequel on le confond souvent : la démagogie.

 

Démagogie : quand la simplicité devient stratégie

Le mot « démagogie » dérive des mots grecs dêmos, qui signifie « peuple », et agô, qui signifie « conduire ». On en déduit qu’un démagogue est quelqu’un qui mobilise une capacité rhétorique pour guider le peuple et s’arroger ses faveurs. À cette fin, il utilise un discours simpliste pour apporter des réponses superficielles à des problèmes complexes, dans le seul but de gagner un soutien électoral.

Prenons un exemple volontairement grossier. Imaginons un parti politique qui propose dans son programme de gouvernement d’éradiquer la pauvreté en appliquant un taux d’imposition de 95 % aux ultra-riches. Une telle proposition est clairement démagogique, car elle serait, en pratique, inapplicable.

En imaginant un autre scénario, on pourrait retrouver un candidat présidentiel qui propose comme mesure phare d’éliminer la migration à 100 %. Cette dernière est aussi démagogique, puisqu’elle ne prend pas en compte l’énorme difficulté que les pays entretiennent à contrôler leurs frontières, ni les effets économiques que l’expulsion massive de migrants peut avoir.

Le modus operandi qui vient d’être décrit est celui qui caractérise les acteurs démagogiques. Cependant, cela n’empêche pas que le populisme puisse également être entaché de démagogie. Les deux comportements ne s’excluent pas mutuellement, mais ne sont pas non plus intrinsèquement liés.

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@Rahul Sapra by Pexels

Le populisme : le parasite des grandes idéologies

À la différence de la démagogie, le populisme est un phénomène bien plus complexe. Il ne se réduit pas à une simple stratégie électorale, mais constitue une véritable idéologie. Celle-ci propose une manière particulière, morale et normative de comprendre le monde social et politique.

Dans la pensée populiste, trois grands acteurs doivent être distingués. Le premier est le « peuple pur », perçu comme une entité homogène, dotée d’une moralité irréprochable et incapable de mal agir. Son ennemi juré est « l’élite », considérée comme irrémédiablement corrompue, méprisante envers le peuple et désireuse de lui confisquer son pouvoir.

Enfin, on retrouve la « volonté générale », entendue comme l’agrégation abstraite des volontés individuelles des membres du peuple. Détail non négligeable : selon les populistes, un seul acteur est réellement en mesure de comprendre et d’exprimer cette volonté générale — le leader populiste lui-même. Convenable, n’est-ce pas ?

J’anticipe votre question suivante : le populisme ne vient-il pas toujours accompagné d’une autre idéologie, comme le socialisme ou le capitalisme ?

Eh bien oui. Comme l'ont défendu les politologues Cas Mudde et Cristóbal Rovira Kaltwasser, le populisme est ce que l'on appelle une « idéologie faible ». Cela signifie qu’il ne se suffit pas à lui-même : il se combine à d’autres idéologies dites fortes, qui, elles, peuvent exister de manière autonome. D’ailleurs, le populisme varie selon ses acteurs.

Du côté de la gauche, on retrouve un « populisme inclusif », comme celui prôné par l’ancien président bolivien Evo Morales. Ce dernier cherche à faire reconnaître la majorité andine de la population, historiquement reléguée, comme ce « peuple pur » qu’il s’agit d’émanciper face à une élite descendante des Européens.

 

Du côté de la droite, on observe un « populisme excluant », comme celui porté par le Rassemblement national en France. Celui-ci définit son « peuple » de manière restrictive, en excluant les personnes jugées culturellement différentes, notamment les immigrés ou les descendants de l’immigration, au nom d’une identité nationale centrée sur l’image du « Français de souche ».

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