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Fin de mission pour l’Ambassadeur de France au Pérou

Ambassadeur Antoine Grassin Pérou départAmbassadeur Antoine Grassin Pérou départ
© Ambassade de France au Pérou
Écrit par Guillaume FLOR
Publié le 25 août 2020, mis à jour le 13 décembre 2021

Arrivé en septembre 2017, l’Ambassadeur de France au Pérou, Antoine Grassin, s’apprête à quitter son poste. Il nous livre ses impressions sur trois ans de mission au Pérou.

Je n'aime pas les départs… mais c'est aussi l'occasion de regarder un petit peu en arrière pour voir ce qu'on a fait !

« Je suis arrivé en septembre 2017 dans un contexte politique assez mouvementé… c'était assez particulier et les conséquences par rapport à notre travail diplomatique, c'est qu'on a vécu avec une circulation très importante du personnel politique. J'ai connu cinq ministres des Affaires étrangères, cinq ministres de l'Économie et des Transports et sept ou huit ministres de la Culture, donc ce n'est pas très facile ».

« Et derrière ce bruit quotidien de la politique, il y a eu un certain nombre de chocs externes. En plus de sa propre vie, le Pérou a reçu des chocs comme le « Niño Costero » dont les effets durent encore. Ça a été également la migration vénézuélienne, le Pérou est le deuxième pays le plus touché avec probablement un million de personnes présentes, ce qui est très important, ce n'est pas rien d'absorber toutes ces personnes qui sont surtout des actifs. Il y a eu également toutes les affaires de corruption. Et puis, le dernier choc et non des moindres, c'est évidemment la crise du coronavirus qui a complètement remis en cause le modèle péruvien. Un modèle économique et social qui a eu du succès avec une très belle croissance, une diminution de la pauvreté, mais tout ça ne tient que par la croissance et avec la crise et le confinement qui ont donné un coup d'arrêt net à toute l'activité économique, évidemment ça remis en cause toute la base du Pérou. On s'est aperçu que les services publics au Pérou, en particulier ceux de la santé, sont dans une situation très insuffisante. Je crois que l’une des raisons pour lesquelles la crise tue peut-être plus au Pérou qu’ailleurs, c'est que justement le système de santé n'arrive pas à absorber les malades. Ce dernier élément a remis le projecteur sur l'importance des services publics et des infrastructures. On s'est rendu compte qu’on ne peut pas faire face à la crise sans l'État ».

 

« À mon arrivée, j'avais trois catégories d'objectifs. Un premier groupe avec tout ce qui est le domaine de la langue, culture, enseignement supérieur et recherche. L'autre groupe, c'est ce qu'on appelle la diplomatie économique, donc nos entreprises et la place de la France dans la scène économique péruvienne et puis un troisième groupe que j'appellerai la société civile sur les questions de société et la relation avec les associations ».

 

« La diplomatie d'influence est un secteur sur lequel nous avons eu des résultats très satisfaisants »

« D'abord on a au Pérou, c'est un petit peu la particularité du pays, un très beau réseau culturel, avec les Alliances bien sûr, notamment avec celle de Lima qui est la plus grande Alliance du monde en nombre d'étudiants et en nombre d'heures de cours. On a un bon lycée français et on a une école française d'Arequipa qui est également un sujet de satisfaction, je me suis beaucoup engagé pour cette école. Quand je suis arrivé, elle avait 150 élèves maintenant elle en a 350 et elle est prévue pour monter jusqu'à 600. Il y a également les instituts de recherche et ça c'est très important, il y a bien sûr l’Institut Français d’Études Andines en sciences sociales et archéologie. Et puis l’Institut de Recherche pour le Développement qui est plus identifié comme un institut qui travaille sur les sciences de la Terre et les sciences de la Vie. On a donc un très beau réseau qui est très présent et très actif ».

« Dans le domaine culturel, on a beaucoup travaillé, avec succès, sur le théâtre contemporain en étant très en vue sur le grand festival de « Temporada Alta » et sur la Foire des Arts Scéniques (FAE). On a aussi eu beaucoup d'auteurs qui sont venus à la foire du livre de Lima et au Hay Festival d’Arequipa. On a eu également des réalisateurs de cinéma qui sont venus au festival de cinéma de Lima. C'est donc un secteur avec de bons résultats ».

« On vient de signer, il y a 2 semaines, un accord avec le ministère de l'Éducation péruvien pour la diffusion du français dans les COAR. Et puis, on va conclure avant mon départ le lancement du projet immobilier de l’IFEA pour construire un bâtiment annexe qui va leur permettre de rapatrier une bibliothèque de 70.000 volumes qui se trouve à l'Alliance de Lima et d’ouvrir des espaces d'accueil pour des chercheurs de passage, ce qui va faire de cet institut encore plus une maison de la science française au Pérou ».

 

« Un autre dossier sur lequel je me suis beaucoup engagé est celui du lycée français »

« Il est actuellement en enseignement virtuel donc ce n'est pas simple et cela pose le problème de l'équilibre économique de l'établissement parce qu’on a au Pérou des parents qui ont des difficultés économiques, c’est incontestable. C'est la raison pour laquelle nous avons consenti des baisses assez importantes notamment 30% sur les maternelles pour tenir compte de l'enseignement à distance ».

« Malgré tout, les enseignants sont très mobilisés et il y a un plan d'enseignement à distance qui fonctionne très bien et qui a été validé par le ministère de l'Éducation péruvien. Ce que je veux dire d’abord à tous les parents qui laissent leurs enfants au Francopé, c’est que l'année scolaire sera validée et ils passeront dans la classe supérieure. Ensuite pour aider le lycée à faire face à cette crise, l'État français a fait un effort [financier] important pour pouvoir consentir des baisses ou des aides à toutes les familles, y compris les familles péruviennes ».

 « Alors évidemment, cette circonstance a mis un petit peu de côté un grand projet sur lequel on travaille qui est la reconstruction. Lorsque je suis arrivé, l’instruction était de sécuriser les locaux, c’est-à-dire de faire en sorte que les bâtiments soient capables de résister à un séisme, ce qui n'était pas le cas donc on les a démolis. Maintenant, concernant le projet de reconstruction, j'ai signé au début de la semaine [dernière] les documents qui vont être envoyés à la mairie pour le permis de construire définitif. C'est le deuxième permis que nous demandons parce qu’au Pérou, il faut toujours deux permis, le premier est un avant-projet sommaire, une description large sans entrer dans les détails, celui-ci a été approuvé il y a un an. Le deuxième projet rentre complètement dans les détails. C'est un gros projet, nous allons construire 14.000 mètres carrés sur un terrain qui en fait 30.000. C'est un très beau projet qui changera la vie du lycée ».

« On devrait avoir le permis de construire vers la fin de l'année. Ensuite, il faut financer le projet avec un emprunt. On a révisé le projet à la baisse en terme financier principalement en le découpant en deux étapes. La première, plus importante, avec tous les bâtiments scolaires et une deuxième étape qui correspond aux bâtiments administratifs que nous pourrons faire plus tard. L'enveloppe du projet a été revue en lien avec les architectes pour proposer un projet respectueux du développement durable à la mesure des capacités de financement de l'établissement. Pour conclure, le lycée est dans l’attente d'une garantie de l'État pour pouvoir emprunter et financer le projet immobilier qui mettra le Francopé à la hauteur de sa réputation et de sa qualité pédagogique qui est excellente ».

 

« L'action des volontaires, un sujet prioritaire pour moi »

« On a bien travaillé avec le ministère des Affaires étrangères qui a été sur ce sujet très coopératif, de façon à ce que nos volontaires notamment ceux qu'on appelle « sous statut » c'est-à-dire volontaire de solidarité internationale ou volontaire du service civique puissent avoir au Pérou une situation migratoire correcte parce qu’avant c'était de l'improvisation, il fallait qu'ils ressortent du Pérou pour prolonger leur visa, donc maintenant on a monté un dispositif qui fonctionne bien et qui fait que les volontaires peuvent venir et travailler avec un cadre juridique qui correspond à leur mission. Par ailleurs, j'ai attaché beaucoup d'importance à tout le travail qui est fait ici par différentes ONG… Nous avons proposé au péruviens de signer un accord « vacances-travail » qui permet aux Péruviens d'aller en France et aux Français de venir au Pérou pendant un an pour travailler, c'est complètement réciproque, il ne manque que la ratification du Pérou ».

 

Ambassadeur Antoine Grassin Pérou départ
© Ambassade de France au Pérou

 

« Je voulais aussi parler de la signature de l’accord sur les hôpitaux puisque la France va aider à moderniser et agrandir deux hôpitaux, l’un à Cusco et l’autre à Lima. C'est l’assistance des hôpitaux publics de Paris et l'entreprise Egis bâtiments international qui seront opérateurs de cette assistance à maîtrise d'ouvrage. Pour moi, c'est très important parce que c'est le renforcement d'une coopération dans le domaine de la santé qui est à l'évidence un sujet très important ici au Pérou, maintenant mais aussi en général, c'est en train de se mettre en route, l’accord a été signé fin juin et ça démarre en ce moment ».

 

Un petit mot sur votre relation avec les Péruviens ! En quoi votre travail au Pérou a pu être différent d’un autre pays où vous avez exercé ?

« La relation est toujours sympathique et bonne avec le Pérou, après effectivement c'est vrai qu'il y a des choses qui n'avancent pas toujours très vite et c'est vrai que les circuits de décisions sont parfois un peu obscurs, avec parfois des décisions qui semblent échapper à la raison ».

« Il y a, malgré tout, des secteurs où on a des relations extraordinaires, c’est tout le domaine de la culture parce que là nous sommes en face de personnes qui aiment la France, qui aiment notre langue et notre culture que ce soit dans les universités, les musées, théâtres, les bibliothèques… on a là de très bonnes coopérations ».

« Après dans les administrations, comme je le disais, la grande difficulté que je n'avais pas vu à ce point-là dans des postes précédents, c'est l'extraordinaire rotation des interlocuteurs, ce qui fait que chaque fois, il faut reprendre le travail ».

 

Est-ce que quelque chose va vous manquer du Pérou ?

« D’abord, je pars avec des regrets, on quitte toujours un poste avec des regrets. Ce que je regrette, c’est de ne pas avoir eu suffisamment le temps de voyager dans le pays, je l'ai fait mais pour des raisons professionnelles sauf une fois ou deux. Il y a beaucoup d'endroits du Pérou que je ne connais pas… c'est un pays qui a manifestement une nature magnifique. Et puis, il faut bien sûr parler de la cuisine mais plus que la cuisine, c'est les ingrédients, la très grande qualité des fruits et des légumes qu'on peut trouver ici que je ne retrouverai jamais en France ».

 

« Au moment de partir, le vœu que je forme c'est d’abord que le Pérou puisse contrôler l'épidémie et parvenir à revenir à une vie aussi normale que possible et bien sûr le vœu que la coopération entre la France et le Pérou se renforce et que malgré les restrictions de voyage, il y ait quand même des échanges entre les gens et qu'on puisse continuer à avancer sur les pistes que nous avons tracées ».

 

Ambassadeur Antoine Grassin Pérou départ
© Presidencia de la Republica (Perú)

 

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