Péruvienne d’adoption, Marie-France Cathelat a plus d’une flèche à son arc. D’abord galeriste, puis fondatrice et directrice d’une ONG, elle entame des études en psychothérapie psychanalytique, dont elle en fera sa mission de vie. Retour sur le parcours singulier de cette personnalité hors-norme.
C’est bien apprêtée et souriante que Marie-France Cathelat nous reçoit dans son appartement. Assise dans son fauteuil, la dame à l’allure stoïque et distinguée parle avec éloquence. La discussion prend naturellement son cours. Petite, elle vit au Maroc, au Mexique, en Inde,… « Mon père est venu construire la plus haute ligne de tension qui existe au monde. C’est comme ça que j’ai connu le Pérou », confie-t-elle. Cette femme de lettres évolue dans un monde privilégié où elle fera la rencontre de beaucoup de personnalités publiques.
Une femme engagée et précurseur au Pérou
Mariée en premières noces avec un haut dirigeant péruvien, Marie-France doit fuir le pays après le coup d'État militaire du 3 octobre 1968. « J’ai vécu deux ans à New-York. A cette époque, je suivais beaucoup le mouvement féministe, celui des nouvelles libertés pour la femme. Cela m’a incité, à mon retour dans les années 80, à créer une œuvre d’art conceptuelle et un livre qui s’appelle « Profil de la femme péruvienne » (« Perfil de la mujer peruana », 1981) qui contemplait 13 aspects de sa vie ». S’entretenir avec Marie-France, c’est partir à la rencontre d’un puits de sciences, mais aussi d’une Française concernée par la condition féminine au Pérou.
Les femmes péruviennes ont une capacité extraordinaire pour s’organiser. Elles ont gagné en prestige au Pérou parce qu’elles travaillent énormément. C’est elles qui tiennent le pays.
Mais il y a une quantité invraisemblable de foyers où la femme est la seule à diriger, à gagner de l’argent, à apporter l’indispensable à la famille. Malheureusement, leur condition n’a pas suffisamment évolué.
Et la psychothérapeute ne s’arrête pas là ! En 1984, elle crée et dirige l’ONG Adei pour la prévention des handicaps et de la violence qu’elle conduira pendant 14 ans. A la tête de la première émission de télévision dirigée par une femme, pour les femmes, la jeune animatrice recevra le Prix de la presse péruvienne. Parallèlement, elle parcourt les couloirs des prisons pour apaiser les maux des délinquant.es. Elle continue aujourd’hui à œuvrer pour leur réinsertion notamment lors de la fête du pain, avec le soutien de son second mari, le sculpteur Carlos Cornejo. Un travail de longue haleine, reflet d’un engagement pour la cause sociale sous toutes ses formes.
« Il y a une tradition très machiste qui s’inscrit dans les livres d’école et dans la façon même dont les femmes élèvent les hommes. Malheureusement, il y a un énorme travail à faire dans ce domaine. Je ne peux pas dire que je partirai dans l’au-delà en me disant que le travail a été accompli. » Si la psychothérapeute prononce ces derniers mots avec sourire, c’est surtout grâce à sa force de caractère et sa joie de vivre qu’elle cultive quotidiennement. Car Marie-France est loin d’être de ceux.les qui se laissent abattre. La psychanalyste fait preuve de mesure autant dans ses propos que dans sa manière de concevoir la vie. Elle tente - non sans mal - d’apporter un peu de paix dans ce monde parfois violent, souvent injuste. Et cela, toujours avec une légère note d’humour…
Je suis en faveur de l’égalité des droits et des devoirs et de l’harmonie entre notre partie féminine et notre partie masculine. Nous sommes yin et yang. Il faut qu’il y ait la nuit pour qu’il y ait le jour.
La passion d’un métier et la philosophie d’une vie franco-péruvienne
D’école freudienne, Marie-France s’inspire également des pratiques de l’Extrême-Orient comme la méditation et la relaxation. Mais c’est surtout sur la mémoire transgénérationnelle que ses méthodes de travail porteront. Lors de la pandémie, la psychothérapeute met en place un atelier de prévention psychologique gratuit dédié aux Français. Encore aujourd’hui, elle s’émerveille de cette communication d’énergies entre les participants, pour certains en distanciel. « Cela prouve le côté absolument universel de l’énergie. Elle transcende la distance. Elle ne se voit pas mais nous l’avons au bout des doigts. C’est fascinant. Ce sont ces choses qui me donnent envie de remercier l’univers d’être en vie (rires) ». Cela prouve aussi « la responsabilité que nous partageons entre nous. Car finalement, c’est ce que nous transmettons qui se fait réalité », affirme-t-elle.
Le Pérou a fortement influencé sa construction identitaire. Pour autant, c’est le Maroc qui a été un terrain propice à cette réceptivité. « Il y avait des croyances, le soufisme par exemple, qui allaient au-delà de la logique. J’ai appris cela étant petite et ça m’a beaucoup aidé. Je pense que le Pérou m’a procuré cette richesse. » Le contact avec les cinq éléments, le rapport à la nature, la nécessité de s’adapter constamment… Marie-France est sensible à la « cosmovision péruvienne ». « Je pense qu’on a perdu un peu de cela en France, dans les villes. Nous sommes dans l’immédiateté et dans la logique. J’ai appris à essayer de fonctionner sur les deux fréquences : de rester dans la raison avec mes appartenances à ma culture ancestrale et en même temps d’avoir la souplesse ou la flexibilité qu’apporte le Pérou dans d’autres domaines. »
Je continue à apprendre du Pérou tous les jours. C’est le pays où quotidiennement les choses se font et se produisent différemment.
Rien n’est est fixe, tout est flou et nous apprenons à nager dans cette fluidité. Indiscutablement, ça vous donne une certaine souplesse (rires).
Marie-France est une « femme heureuse et heureuse de l’être (rires) ». Ses longues années de pratiques analytiques et spirituelles font d’elle une personne humble aux propos réfléchis et mesurés. Mais la psychanalyste est avant tout une humaniste aux aspirations universalistes. Si elle a des avis tranchés, c’est généralement pour la bonne cause. « Je pratique régulièrement les accords Toltèques et je pense que l’on devrait les apprendre en classe. Cela devrait être imposé dans le monde entier. Si les gens pouvaient les pratiquer, la planète serait beaucoup plus agréable. »
Quand on a une écoute ouverte, je pense qu’on peut découvrir dans tous les humains une mine d’or.