Édition internationale

Andrea Ferpo : l'art de voyager entre cultures, disciplines et continents

C’est depuis une terrasse lumineuse de Lima, ouverte sur les toits colorés de la ville, que nous rencontrons la comédienne Andrea Ferpo. « Il faut que je range, car je vais donner un cours ici tout à l’heure! » nous dit-elle.

BOXBOX
@Andrea Ferpo
Écrit par Émilie PIEL
Publié le 21 août 2025, mis à jour le 7 septembre 2025

En effet, entre deux représentations, cette artiste polyvalente - rappeuse, organisatrice d'événements culturels et même cuisinière à l'occasion - donne des cours d'improvisation théâtrale avec l'école Marandi qu'elle a créée et dirige depuis 2019.

 

Quand les obstacles créent des opportunités : une effervescence artistique propre à la scène péruvienne ?

Cette effervescence n’est pas seulement le reflet d’un profil multidisciplinaire hors du commun : c’est surtout l’expression de sa détermination de faire vivre l’art malgré les contraintes économiques et culturelles.

 

« Tuve un momento de mi vida, más o menos como a los 24 años, que dudé si seguir dedicándome al teatro… Sentía que no podía vivir del teatro. »

« J’ai eu un moment dans ma vie, vers 24 ans, où j’ai douté de continuer dans le théâtre… Je sentais que je ne pouvais pas en vivre. »

 

 Après avoir étudié au Club de Teatro de Lima dès ses 17 ans, Andrea poursuit sa formation dans différentes écoles de la capitale, comme Ópalo, Diez Talentos ou Bola Roja. Mais, comme tant d’autres comédiens, ses aspirations sont d’abord freinées par la nécessité de gagner sa vie. Elle apprend ainsi à marcher sur le fil fragile qui sépare la nécessité de survivre et le désir de créer, expérience qui nourrit son regard critique sur les obstacles auxquels les artistes - et les femmes en particulier - se heurtent au Pérou.

 

FEST
@Andrea Ferpo

 

« Como artistas latinos que no siempre tenemos el apoyo, ni de nuestras familias ni de organizaciones o el gobierno… muchas veces no tenemos esa facilidad y aun así seguimos haciendo arte, seguimos buscando las maneras. […] Siempre me emociona cuando un joven dice : “he decidido dedicarme al arte o al teatro”, porque no es lo que te recomiendan hacer. »

« En tant qu’artistes latino-américains, nous n’avons pas toujours le soutien, ni de nos familles, ni d’organisations, ni du gouvernement… et pourtant nous continuons à faire de l’art, à chercher des moyens. […] Je suis toujours émue quand un jeune dit : “J’ai décidé de me consacrer à l’art ou au théâtre”, car ce n’est pas ce qu’on te recommande de faire. »

Quant à elle, c’est en Bolivie que la décision s’est imposée, comme une évidence :

« Fue allí donde decidí que el arte sería mi principal oficio. »

« C'est là que j'ai décidé que l'art serait mon métier principal».

 

De retour à Lima, la jeune Andrea est décidée à définitivement tourner la page des petits jobs et du télémarketing pour se consacrer pleinement au théatre, qu’elle conçoit désormais sous un nouvel angle grâce à sa découverte de l’improvisation théâtrale.

De Lima au bout du monde

C’est encore une fois en voyageant que la comédienne donne un tournant à sa carrière : à 27 ans à peine, elle part vivre en Argentine et se perfectionne auprès de grands maîtres tels que Marcelo Savignone, Marcelo Katz ou Carolina Pavlovsky. Elle y découvre aussi le psychodrame, une méthode née à la croisée du théâtre et de la psychologie, qui utilise le jeu scénique pour exprimer ce que les mots ne suffisent pas à dire. Pendant trois ans, Andrea approfondit cette pratique et en retient des techniques qui enrichissent ses cours d’improvisation, permettant d’aller plus loin dans la compréhension et l’accompagnement des élèves. Un savoir-faire rare qui confère une profondeur unique à ses représentations et à son enseignement.

En parallèle, elle lance son activité de cuisinière indépendante et fait découvrir les saveurs péruviennes à travers des plats vegan faits maison sous l’enseigne de « La Pacharaca Vegana ». Depuis, chaque escale ajoute une couleur, une texture, une perspective à son univers.

De Buenos Aires à La Paz, en passant par Santiago du Chili et Lima, Andrea Ferpo fait voyager ses créations, et notamment Pulsión, qui interroge les rôles imposés aux femmes dans les sociétés patriarcales. Elle constate à quel point la réception d’une œuvre peut varier selon le contexte culturel et les sensibilités locales.

Après avoir présenté Pulsión dans plusieurs grandes villes d’Amérique latine, elle franchit l’océan pour lui faire rencontrer un nouveau public, cette fois anglophone, en Nouvelle-Zélande.

 

« Nunca un intérprete peruano había hecho improvisación teatral por allá con una obra de aquí. »

« Jamais un interprète péruvien n’avait fait d’improvisation théâtrale là-bas avec une œuvre d’ici. »

 

Depuis lors, l’artiste globe-trotteuse n’a qu’une idée en tête : reprendre la route vers l’Océanie, emportant avec elle Pulsion et sa nouvelle création, Living is Like qu’elle dévoilera au New Zealand Improv Festival. Elle y animera également des ateliers d’improvisation sensorielle, avant de poursuivre sa tournée en Australie en novembre et décembre.
 

En attendant ce nouveau chapitre, son agenda à Lima est rythmé par une série d’événements culturels qui jalonnent les semaines à venir.

 

FES
@Andrea Ferpo


Avant l’envol

Le premier rendez-vous a lieu du 22 au 24 août avec le FestiFinde Sensorial, un format original imaginé par Marandi: trois jours d’improvisation, de nature et de cuisine végane dans un club campestre à deux pas de Lima. Inspirée du festival éponyme organisé en avril dernier avec plusieurs écoles d’improvisation, cette nouvelle édition - intitulée entrenamiento - mettra l’accent sur la formation et l’acquisition de nouvelles techniques.
Au programme : deux ateliers quotidiens, une grande jam après le dîner, des moments ludiques et la possibilité de se ressourcer au cœur d’un vaste domaine verdoyant à San Martín de Porres.

Les participants logeront en chambres partagées et profiteront de repas 100 % véganes, imaginés et cuisinés par Ferpo elle-même sous le nom de sa marque « La Pacharaca Vegana ».

Après cette parenthèse créative, cap sur Barranco : le jeudi 11 septembre à 20h, le café-théâtre Icafé accueillera le point d’orgue de la Ferpotón -sa campagne de récolte de fonds pour l’Océanie - avec la première de Vivir es como... (Living is Like), interprétée par un casting local d'improvisateurs phares de la scène liménienne : Raúl Castagneto, Ale Lava, Andrés Solano, Mire Ibañez, Francisco Luna, Micky Moreno et Andrea Ferpo elle-même. Les réservations se font directement par WhatsApp au 981 148 097.

Enfin, le 13 septembre, les élèves de Marandi monteront sur scène pour partager le fruit du Taller de Creación de Personajes desde la Impro Sensorial, dernière présentation de l’école en 2025. Un moment collectif, intime et surprenant à ne pas manquer, annoncé sur les réseaux sociaux de l’école (@marandiarte).

 

« No creo que el arte sane, porque creo que no es el espacio para sanar. Pero sí creo que el arte nos acerca a la sanación. Cualquier persona que hace arte está más cerca de sanar que una persona que no hace arte, eso es seguro. »

« Je ne crois pas que l’art guérisse, car je pense que ce n’est pas son rôle. Mais je crois que l’art nous rapproche de la guérison. Toute personne qui fait de l’art est plus proche de guérir qu’une personne qui n’en fait pas, ça c’est sûr. »

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