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Comment le Pérou essaye de transformer son désert en de terres fertiles ?

Toute la côte pacifique péruvienne est bordée par un désert s'étendant sur plusieurs centaines de kilomètres, où les conditions climatiques semblent peu propices au développement de la vie.

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@alameen studios
Écrit par Lancelot Soumache
Publié le 20 mai 2024, mis à jour le 22 mai 2024

L’État et les agriculteurs péruviens ont envisagé autrement le triste destin imputé à cette zone désertique. L’association de techniques agricoles alternatives à la mise en place de grands projets étatiques ont pour objectif de transformer le désert péruvien en d’abondantes terres fertiles.

Utopie ou réalité

La rencontre des courants marins froids de l'océan Pacifique et des masses d'air chaud venant de l'intérieur du continent font de la côte péruvienne une zone complètement désertique.

Ces paramètres météorologiques particuliers associés à la présence de la Cordillère des Andes, qui empêche les précipitations de rentrer dans les terres, fait de ce désert l’un des plus arides de la planète.

Néanmoins, plus de 50% de la population péruvienne vit dans la région côtière du pays, soit environ 17 millions d’habitants.

Les agriculteurs concernés ont donc fait le choix de dépasser cette contrainte climatique et développer différentes cultures agricoles. Mais comment ont-ils fait ?

Les techniques pour faire de l’agriculture dans le désert

Pour faire de l’agriculture dans des zones arides telle que le désert côtier, il est nécessaire d’adapter les techniques agraires afin d’optimiser les conditions environnementales de la zone dans laquelle on se trouve.

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@LS

La principale contrainte à faire face dans un désert est évidemment le manque d’eau, élément central du développement de n’importe quel végétal.

Pour y faire face, les agriculteurs vont tout d’abord exploiter les zones les plus propices du désert où l’on peut retrouver certains courants d’eau qui descendent des montagnes andines pour se jeter dans l’océan.

Ces courants sont néanmoins souvent à sec, par conséquent les agriculteurs péruviens utilisent des techniques spéciales d’irrigation des sols.

Une d’entre elles est le système de micro-irrigation qui consiste à administrer l'eau lentement et directement à la zone racinaire des plantes.

Puis, pour maximiser l’utilisation de cette eau, ils mettent en place des techniques de conservation des sols et de l’eau.

Cela peut inclure l'utilisation de paillis pour réduire l'évaporation de l'eau du sol, la pratique de la rotation des cultures pour préserver la fertilité du sol, et la mise en place de barrières coupe-vent pour réduire la perte d'eau par évaporation.

Néanmoins, le plus important reste de choisir des cultures adaptées aux conditions arides de la région. Par exemple, des cultures telles que les olives, les raisins, les agrumes et les asperges prospèrent dans les régions côtières du Pérou en raison de leur capacité à tolérer les faibles précipitations et les sols arides.

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@Paul Casals

Avec ces 10 000 hectares de vignes, la région côtière d’Ica est la première région mondiale en termes d’exportation de raisin de table.

 

Les grands projets étatiques d’irrigation du désert

Ces techniques agraires bien qu’elles aient permis de développer l’agriculture dans une région initialement très peu propice, ce n’est pas suffisant au goût du gouvernement péruvien qui veut faire du désert la pierre angulaire du développement agro-industriel du pays.

L’Etat a pour objectif de faire du désert péruvien un véritable potager géant. Cette transformation du désert en sols productifs a également pour vocation de permettre aux 800 000 chômeurs de trouver un emploi dans le croissant secteur agricole.

Depuis plusieurs années, l’Etat péruvien finance ainsi des grands projets d’irrigation des terres côtières du pays.

La plupart d’entre eux consistent à dériver des rivières issues des montagnes grâce à la construction de canaux afin de les rediriger vers d’autres courants traversant la côte désertique.

Dans le Nord du Pérou, le projet Chavimocic a été initié dans les années 60. Il consiste en la construction de réservoirs, de canaux d'irrigation et d'infrastructures hydrauliques pour capter et redistribuer les eaux provenant des fleuves Santa et Chicama. Ces eaux, ensuite utilisées pour irriguer les terres agricoles dans la vallée, ont permis de transformer 63 000 hectares de désert en terres fertiles. Selon le gouvernement, 150 000 emplois auraient été créés par la mise en place de ses différentes installations.

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Inauguration du projet Olmos. Source : Presidencia de Peru

 A 900km au Nord de Lima, le projet Olmos a été inauguré en 2014.

Les 580M de $ d’investissement de l’Etat péruvien permettront la construction d'un système d'irrigation comprenant un barrage et un canal d'irrigation de plusieurs kilomètres de long, ce qui devrait déboucher sur l’irrigation de milliers d'hectares de terres agricoles dans la vallée de Lambayeque.

Mais ce projet repose sur le transfert d’eau depuis l’Amazonie, ce qui suscite de nombreuses préoccupations quant à la disponibilité en eau mais aussi sur l’impact de ces infrastructures sur les écosystèmes.

Une critique systémique de l’ensemble des méga-projets d’irrigation dans le pays.

Les conséquences environnementales de ces projets

Quand des cours d’eau vieux de plusieurs milliers d’années sont artificiellement déviés, il faut agir avec une extrême précaution afin de ne pas perturber les écosystèmes présents.

Le manque de préoccupations environnementales des gouvernements péruviens lors de la mise en place de ces projets d’irrigations a provoqué la colère des populations locales. Elles sont aussi concernées par leur accès à l’eau parfois restreint.

Le projet Majes-Siguas II actuellement en développement dans la région d’Arequipa est l’un des plus critiqués. Grâce à un canal traversant les Andes, le projet vise à soustraire de l’eau d’un important affluent de l’Amazone, le fleuve Apurímac, et d’arroser ainsi les plaines arides de Majes pour y produire des fruits.

La modification de ces cours d’eau menace la biodiversité locale due à l’altération de certains écosystèmes andins et amazoniens. L’impact social du projet est également vivement décrié, puisque le détournement du cours d’eau privera les communautés vivant le long de la rivière Apurímac de suffisamment d’eau pour leur agriculture locale et leur consommation.

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Inauguration du projet Majes Siguas II. Source : Presidencia de Peru

La promesse de faire d’un désert un immense potager fait rêver les acteurs politiques et de l’agro-industrie ainsi qu’une partie de la population souhaitant trouver un emploi dans le secteur agricole.

Mais ces grands projets agro-industriels peuvent aussi avoir de lourdes conséquences socio-environnementales et ne profiter qu’à une infime partie de la population.

Dans un monde où la demande en eau augmente chaque jour, la gestion des ressources hydriques dans les zones arides exige d’être adoptée de manière équilibrée avec une vision sur le long-terme.

 

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Publié le 20 mai 2024, mis à jour le 22 mai 2024

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