A la fin de l'année 2014, 1.680.594 Français étaient inscrits au registre des Français de l'étranger, un chiffre en hausse permanente depuis 10 ans, et en croissance de 2.3% par rapport à l'année précédente. Si les pays accueillant une majorité de Français sont la Suisse et les Etats-Unis, près d'un tiers de la communauté française à l'étranger séjourne dans les pays de l'Union Européenne. Les Français sont présents dans une grande diversité de pays, et choisissent de plus en plus des horizons lointains, le nombre de ressortissants en Australie et Nouvelle Zélande ayant augmenté respectivement de 9% et 11.7%. L'expatriation apparaît donc comme une question essentielle de l'actualité sociale et soulève également une certaine polémique, les articles faisant référence à une ?fuite des cerveaux? se multipliant dans les médias français.
Cependant, si la question du départ des Français pose de nombreuses questions, notamment sur leurs motivations et la perte d'une main d'?uvre souvent plus qualifiée que la moyenne, la problématique du retour des expatriés mérite aussi d'être abordée. Les raisons d'un retour peuvent être d'ordre divers, allant d'un rapprochement familial, à des questions d'emploi et ce retour ne se fait pas toujours sans heurts, d'où la nécessité de faciliter la réintégration de ces Français de retour de l'étranger.
Un pêle-mêle de difficultés administratives
Un des problèmes majeurs rencontré au retour en France est la difficulté des démarches administratives. En effet, certains expatriés, après avoir vécu une longue période à l'étranger ne sont plus au fait de la complexité de certaines démarches. Pour exemple, trouver un logement sans pouvoir justifier de trois bulletins de salaires et de quittance de loyer peut paraître très compliqué, et joindre la CAF depuis l'étranger se révèle impossible. Pour les couples avec des enfants, l'inscription dans un établissement scolaire peut de même poser problème en cas d'absence d'adresse en France.
Ces quelques exemples illustrent les difficultés que peuvent rencontrer quelques-uns des 220.000 Français revenus en 2014. Et de fait, tandis qu'un départ à l'étranger est souvent bien préparé, que ce soit individuellement ou par les entreprises qui expatrient, le retour en France l'est beaucoup moins, et les expatriés sont souvent désemparés devant la difficulté administrative (imprévue) d'un retour dans leur propre pays.
Helene Conway-Mouret, ancienne Ministre chargée des Français de l'étranger, vient de mettre l'accent sur ces désagréments dans un rapport remis à Manuel Valls, tandis que des témoignages recueillis par le biais d'un questionnaire en ligne soulignent ?l'imbroglio et le casse tête de l'administration? ou encore ?des documents étrangers déclarés irrecevables par l'administration française?.
Retrouver un emploi et valoriser son expérience
Si les démarches administratives peuvent prendre du temps et nécessitent patience et persévérance, la réintégration dans le monde de l'entreprise peut également se révéler complexe, entre perte des avantages liés à l'expatriation, différence de fonctionnement au sein de l'entreprise ou manque de valorisation de l'expérience à l'étranger.
Il est ainsi possible de se sentir pénalisé par l'indifférence des autres employés vis à vis de cette expérience, par une évolution, un changement de réseaux ou une réorganisation des services dans l'entreprise.
En outre, les entreprises se montrent souvent réticentes à prendre en compte le coût associé à un retour d'expatriation, en termes de déménagement ou de logement.
De même, pour les personnes ayant suivi leur conjoint à l'étranger et n'ayant pas exercé d'activité professionnelle au cours de leur séjour hors de France, la justification de ce vide dans leur CV peut devenir particulièrement problématique.
Le re-entry shock, un choc culturel inversé
Si le retour en France est dans un premier temps symbole de retrouvailles familiales ou entre amis, et possède par la même occasion une dimension affective, pour les expatriés ayant passé une longue période loin de leur pays, et en particulier dans des régions plus distantes culturellement, le retour dans leur pays d'origine peut aussi se traduire par une perte de repères, ce qui conduit certains Français de retour d'expatriation à se sentir ?étrangers dans leur propre pays?.
Ce dépaysement lors du retour au bercail crée un choc souvent d'autant plus brutal qu'il est inattendu, et peut empêcher la réadaptation dans un univers pourtant auparavant familier.
Cette rupture sociale peut s'illustrer par un rapport différent, parfois distant avec le cercle amical resté en France, au profit de connaissances ayant eu déjà une expérience à l'international. L'expatriation peut ainsi être difficilement compréhensible pour des gens n'ayant pas vécu d'expérience similaire, ce qui provoque un décalage accru.
De nombreux expatriés soulignent ainsi le déficit dans la construction de réseaux professionnels ou amicaux en France pendant leur expatriation, et adoptent un regard plus critique sur la société française à leur retour, certaines habitudes typiquement française ou certains gestes auxquels on ne prête plus attention étant désormais beaucoup plus visibles.
En définitive, les difficultés d'un retour en France sont souvent mésestimées, tandis que ce dernier peut être idéalisé (on ne garde plus que les bons souvenirs, on est nostalgique) alors qu'au retour c'est au contraire les aspects positifs de la période d'expatriation qui resurgissent. De ce fait, le retour en France doit être préparé dès l'expatriation, et une politique favorisant une meilleure réintégration des Français de retour chez eux semble indispensable. Ainsi, le rapport d'Hélène Conway-Mouret soumet 49 propositions pour faciliter le retour de ces expatriés, pour les aider à ?redevenir français?.
Sebastian Zebrowski (www.lepetitjournal.com/kuala-lumpur.html) mardi 28 juillet 2015
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