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Le chiffre de la semaine – 12 vaches pour épouser votre fille

Écrit par Lepetitjournal Johannesbourg
Publié le 29 janvier 2015, mis à jour le 8 février 2018

Une coutume sud-africaine veut qu’un homme qui prétend se marier, offre un don à la famille de sa future femme, appelé « lobola ». Ce qui était autrefois un signe d’engagement entre deux familles est devenu l’objet d’âpres marchandages, mettant en question le mariage lui-même. Entre tradition ancestrale et société matérialiste l’alliance est-elle possible ? Décryptage.

Un couple se promet l’amour toujours. Pour sceller leur union, le père du jeune homme, accompagné de ses frères et cousins, va visiter la famille de la jeune fille, et négocier le nombre de vaches que le marié devra céder pour pouvoir convoler. Depuis des générations et à travers toute l’Afrique australe, le lobola - ilobolo en Zulu est un signe de gratitude qui rassure sur la capacité du futur gendre à prendre en charge une famille.

Il permet à deux communautés de construire ensemble de solides bases pour la stabilité d’un nouveau couple. Mais voilà, les vaches sont fort encombrantes pour qui n’est pas fermier. A mesure de l’urbanisation, les têtes de bétails sont remplacées en liasses de billets échangées lors d’une cérémonie rigoureusement codée.

Cette coutume anachronique fascine et inquiète les jeunes. Economiser pour le lobola ou acquérir un logement ? Telles sont les problématiques qui rongent les jeunes sommés de suivre la tradition, et pris en tenaille dans le monde moderne. Certains interrogent leur réseau sur Facebook «et vous, vous payez combien ? ».

Pour connaître le juste prix, Kopo Robert Matsaneng a créé un jeu à télécharger qui a provoqué de vives réactions: le Lobola Calculator*. Selon lui la moyenne des dots se situe entre 8 et 15 vaches. Reste à négocier le prix de la vache qui se situe entre 6.000 et 10.000 rands.

Prenant le pas sur la relation humaine, la relation économique aboutit à une impasse.

« Cette dérive inflationniste du montant du lobola est déplorable » dénonce le grand-père de Nozuko. La surenchère donne lieu parfois à de violentes disputes entre familles et mène au désespoir ceux qui sont dans le besoin. La dette pèse lourdement sur des jeunes ménages. A court d’argent, beaucoup de couples amoureux emménagent ensemble sans jamais se marier. Le nombre de mariages civils recule doucement (-15% en 4ans, avec 161.122 unions en 2012). Après avoir connu un pic autour de 20.000 unions par an, le mariage traditionnel, une alternative offerte depuis 2000, est en chute avec seulement 4.555 actes enregistrés en 2012. «Pourquoi payer une somme qui ne me sera jamais remboursée en cas de divorce» soupirent les plus blasés, même si les cas de divorces sont relativement stables à 20.000 par an.

Certains s’offusquent de ce qu’ils considèrent comme une marchandisation des femmes. Son niveau d’éducation, son âge et la présence éventuelle d’enfants déjà nés, influenceront le prix final de la «transaction». La mariée serait-elle une commodité ? « Surement pas », répondent les ainés, « aucune marchandise ne remplace la femme de sa vie, le lobola n’est qu’un cadeau ». Qu’en est-il du droit à la polygamie, accordé dans les mariages traditionnels, dévolu par définition aux hommes seulement. Ce privilège est-il compatible avec l’égalité des genres inscrite dans la constitution ?

Pour le meilleur et pour le pire

Une coutume qui ne sert pas son peuple est vouée à disparaitre. Or c’est le mariage qui est en crise alors que le lobola est toujours en vigueur. Sans doute a t’il son importance. Tensions inévitables, écoute nécessaire, compromis à inventer, le paiement de la dot prépare aux difficultés relationnelles du mariage.

Démarrée en janvier cette année, une nouvelle série de télé-réalité** Mahadi-Lobola suit un couple tout au long de leurs tentatives. En sortant les négociations de l’ombre, l’émission dévoile cette tradition sous un autre jour.

Au delà du rite, la pratique du lobola suscite les passions car il porte une dimension de la culture africaine. Elle défend une certaine conception de la vie : la famille nucléaire que le couple forme se comprend au travers d’un clan élargi; les ancêtres sont autant présents au monde que les enfants à venir.

Fannie Fourie’s Lobola est une comédie romantique de Henk Pretorius qui raconte l’histoire d’amour d’un Afrikaner et une Zulu. L’intrigue porte sur les négociations entre les parents confrontés au choc culturel de ce mariage mixte. Le lobola cristallise la difficulté et l’espoir de la diversité ethnique en Afrique du Sud. Au long du film, les conversations animées révèlent une part intime de chacun, rapprochent les protagonistes. Et les mènent vers un happy ending.

Lisa Binet (www.lepetitjournal.com/johannesbourg.htmlvendredi 30 janvier 2015
Consultante et formatricewww.shiftingbehaviour.com

*https://play.google.com/store/apps/details?id=it.ads.app.lobolacalculator&hl=en
**Mahadi-Lobola Reality Show le samedi à 19h30 sur eKasi+ disponible sur OVHD.

 

 

lepetitjournal.com johannesbourg
Publié le 29 janvier 2015, mis à jour le 8 février 2018

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