Le Dr Catherine HAUW est en Afrique du Sud pour effectuer des recherches portant sur les conséquences néfastes de l’usage de munitions de chasse au plomb sur la santé des guépards, des léopards, mais aussi sur l’environnement et, au final, sur les humains. Le plomb est un métal toxique pour tous les organismes vivants. Il s’accumule dans les tissus et les os, et il provoque de nombreux troubles neurologiques, reproductifs et cardiovasculaires. Les animaux carnivores, les prédateurs, les charognards, et les humains en sont les victimes.


Propos recueillis par Philippe PETIT
Crédits Photos : Dr Catherine HAUW
Le Dr Catherine HAUW poursuit ses recherches à la Wits University de Johannesburg
Née à Paris, Catherine HAUW est franco-canadienne. Elle a vécu et étudié à Paris, a fait une licence de biologie à Montréal, puis a obtenu son doctorat de vétérinaire à Budapest, et finalement, elle est allée à Londres pour sa maîtrise d’animaux sauvages à la Royal Veterinary College of London.
C’est durant le projet final de cette maîtrise qu’elle a fait une première découverte en Namibie, à la Cheetah Conservation Fund (CCF), en démontrant que les guépards captifs avaient cinq fois plus de plomb dans leurs os que les guépards en liberté. Ces guépards, souvent interceptés dans des trafics illégaux, sont regroupés dans des sanctuaires, pour être ensuite relâchés. Pendant leur captivité, ils sont nourris tous les jours avec de la viande d’animaux d’élevage abattus au fusil avec des munitions de plomb.
Aujourd’hui, elle poursuit un doctorat à la Wits University, où elle approfondit ses recherches sur la contamination au plomb. Elle étudie les grands prédateurs et les charognards - léopards, guépards, hyènes brunes et chacals - qu’elle considère comme de véritables sentinelles de la pollution environnementale. En plus d’analyser leurs tissus, elle établit une cartographie de l’exposition au plomb en Namibie et en Afrique du Sud, révélant ainsi l’ampleur d’un problème souvent invisible.

Au-delà de la faune, son travail vise surtout à protéger les populations humaines vivant à proximité de ces zones, notamment les familles rurales qui consomment fréquemment de la viande de gibier abattu avec des balles en plomb. Les enfants, particulièrement vulnérables à ce métal toxique, sont au cœur de ses préoccupations. Le Dr HAUW collabore étroitement avec les ministères de la Santé d'Afrique australe pour mieux comprendre et limiter cette exposition silencieuse, afin de préserver à la fois la santé des communautés locales et l’équilibre des écosystèmes.
Le plomb, un poison qui contamine les grands carnivores
Lorsqu’une balle en plomb est tirée sur un animal, elle se fragmente à l’impact. Ces fragments se dispersent dans les tissus, au-delà de la zone touchée, 40 cm autour de la plaie. Ces microparticules de plomb sont ensuite ingérées par des humains qui consomment le gibier, par des charognards ou des prédateurs qui mangent les restes des dépouilles laissés sur place par les chasseurs, et par les animaux regroupés en captivité qui sont nourris avec de la viande ou des carcasses d’animaux abattus avec des cartouches de plomb.
Le plomb ingéré est absorbé par l’organisme, et ne se métabolisant pas, il s’accumule au fil du temps, circule dans le sang avant de se fixer dans les os, où il peut rester jusqu’à douze années.
Les méfaits du plomb chez les humains sont connus depuis les campagnes de suppression de la peinture au plomb dans les logements, ou lors du passage au « sans plomb » pour les carburants. Ils sont bien documentés chez les oiseaux comme les vautours, oiseaux charognards, qui sont également impactés car ils dévorent les carcasses et organes des animaux tués par balles de plomb.
Ces méfaits sont des troubles neurologiques, une baisse de la fertilité, l’altération du comportement et du système immunitaire, et des problèmes cardiovasculaires, entre autres. Même à faible concentration, le plomb est extrêmement neurotoxique.
Chez les carnivores, cette contamination n’est presque pas documentée et elle est moins connue que chez les oiseaux.
La question du plomb dans la chasse dépasse la seule conservation des carnivores. Elle soulève aussi un enjeu de santé publique et environnemental global. Chaque fragment de balle déposé dans un écosystème peut contaminer plusieurs espèces, directement ou indirectement.

Une étude menée en Namibie par le Dr Catherine HAUW, sur des guépards et des léopards
Pour évaluer l’exposition au plomb des carnivores africains, le Dr Catherine HAUW et une équipe du Cheetah Conservation Fund ont analysé en 2023 les concentrations de plomb dans des échantillons d’os provenant de 62 guépards et de 11 léopards. Les animaux analysés provenaient soit de la nature, soit de la captivité (parcs, réserves, centres de conservation).
Les chercheurs ont mesuré les os de tibias à l’aide de techniques de spectrométrie, permettant de détecter des traces infimes de plomb.
Les résultats montrent une contamination généralisée
Tous les individus testés présentaient des concentrations mesurables de plomb ; les guépards captifs affichaient en moyenne cinq à six fois plus de plomb que les guépards sauvages ; les léopards sauvages présentaient des niveaux trois fois supérieurs à ceux des guépards sauvages.
Ces écarts s’expliquent principalement par les différences de régime alimentaire.
En effet, les guépards en captivité sont nourris presque exclusivement avec des carcasses d’animaux abattus au fusil. Cette pratique provoque une contamination directe de la viande par des particules plomb.
Les léopards sauvages, quant à eux, sont des charognards opportunistes : ils consomment fréquemment les restes d’animaux abattus, ou leurs viscères, abandonnés sur le terrain par les chasseurs. Les guépards sauvages, plus sélectifs et chasseurs actifs, sont moins exposés car ils se nourrissent des animaux qu’ils chassent.
Les animaux étudiés ne présentaient pourtant pas de signes cliniques apparents, car l’exposition au plomb évolue lentement et les symptômes des maladies ne sont pas visibles. Pourtant, la présence de plomb dans leurs os indique clairement une exposition prolongée.
À long terme, ces effets peuvent compromettre la santé, la reproduction et la survie des populations de guépards et de léopards, des espèces déjà en voie de disparition.
Ainsi, le plomb agit comme une pollution diffuse, touchant plusieurs niveaux de la chaîne alimentaire et contribuant à la dégradation des écosystèmes.

Les origines de la contamination au plomb des léopards et guépards
Cette étude identifie deux sources principales de contamination : les munitions de chasse utilisées pour abattre le gibier, et l’alimentation en captivité - de la viande d’animaux chargée de plomb-. C’est encore pire dans les « bomas », derniers lieux de transition avant la remise en liberté, car au lieu de morceaux de viande comme en captivité, on y réhabitue les bêtes à décortiquer les carcasses entières dans lesquelles les balles de plomb sont parfois laissées et que les guépards et autres prédateurs peuvent manger.
La dernière étude du Dr HAUW a montré la première vidéo d’un cas fatal chez une femelle guépard nommée ADINA, qui allait être réhabilitée dans la vie sauvage, et qui s’est empoisonnée en mangeant une des balles de plomb laissée dans une des carcasses du « boma ».
Lorsque l’animal survit à ce régime, le problème devient préoccupant lorsque les animaux contaminés sont réintroduits dans la nature : ils transportent des charges internes de plomb, susceptibles d’affecter leur santé et leurs capacités de survie.
Des alternatives existent, selon le Dr Catherine HAUW
Le remplacement du plomb par des métaux non toxiques est techniquement possible et il est déjà mis en œuvre dans plusieurs pays. Les balles sans plomb, fabriquées en cuivre, étain ou acier, offrent des performances équivalentes en termes de précision et de puissance d’impact. Contrairement au plomb, elles ne se fragmentent pas à l’impact, ce qui limite la contamination de la viande et de l’environnement. Et leur coût est à peine supérieur.
Plusieurs pays occidentaux ont déjà interdit le plomb pour la chasse. En Afrique australe, la réglementation reste limitée, bien que le débat s’intensifie dans les milieux de la conservation. Des « battle of bullets » sont organisées pour les chasseurs intéressés afin de démontrer la bonne qualité de ces munitions sans plomb.
Le Dr Catherine HAUW poursuit par tous les moyens son travail d’information et de sensibilisation, sur le terrain, dans les réserves et dans les sanctuaires de réintroduction.

Elle souhaite d’ailleurs organiser des conférences dans les villes comme Johannesburg ou Cape Town, ce qui permettrait de faire passer le message auprès des chasseurs résidant dans ces villes, et de la population en général.
Elle partage ses recommandations :
Il faut d’abord promouvoir l’usage des balles sans plomb, modifier la nourriture des animaux captifs en formant le personnel des centres de regroupement, informer les chasseurs pour qu’ils emportent ou enterrent les restes de chasse, suivre et diffuser les résultats des recherches sur le sujet, pousser à la modification des réglementations et multiplier les campagnes de sensibilisation.
Pour mener à bien son doctorat, à la Wits University, le Dr Catherine HAUW collecte actuellement des morceaux d’os d’animaux de toute nature, de toutes origines pour faire une cartographie de la concentration du plomb en Afrique australe et contribuer à protéger les populations des zones concernées.
La suppression de l’usage du plomb dans les munitions constitue aujourd’hui l’une des mesures les plus simples et les plus efficaces pour limiter la diffusion de ce métal toxique dans la nature et pour supprimer les conséquences désastreuses pour les animaux et les humains.
Pour le Dr Catherine HAUW, la sensibilisation est primordiale
L’étude menée sur les guépards et léopards de Namibie confirme que le plomb issu des munitions de chasse est une source importante de contamination environnementale.
Les risques pour la santé et la conservation sont réels, mais les solutions existent et sont à portée de main : munitions alternatives, gestion des carcasses, réglementation adaptée et sensibilisation des acteurs concernés.
Le but n’est pas de mettre en cause la chasse elle-même. Pour la pérenniser, l’usage du plomb dans la chasse doit être supprimé. Cela ne relève pas d’un choix symbolique ou d’une simple contestation contre les lobbys impliqués, mais d’une mesure de santé écologique urgente.
Le Dr Catherine HAUW lance ici un appel à toutes les personnes intéressées pour soutenir son travail de recherche et son action de sensibilisation (travail de terrain et production d’un documentaire sur le sujet).

Les animaux qu’on souhaite continuer à voir dans les safaris sont en danger de disparition
Vous pouvez la contacter par message à : catherine.hauw@gmail.com, ou sur instagram : wildlifevet_cat
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