Édition internationale

ENTRETIEN - "¨Pepe Charlot" et ses fromages de chèvre

Écrit par Lepetitjournal Johannesbourg
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012
Pour les lecteurs à qui parfois le fromage français manque un peu en Afrique du Sud, lepetitjournal.com a décidé d'interviewer "Pépé Charlot". Un entrepreneur qui  nous livre son histoire et ses astuces culinaires. À vos papilles !

(Illustrations: Mélina Huet)

Lepetitjournal.com : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots, ainsi que votre entreprise ? Pourquoi "Pépé Charlot"?

Pépé Charlot : Français d'origine lyonnaise, je vis en Afrique du Sud depuis près de 20 ans. Petit, j'allais en vacances en Ardèche chez mon grand-père pépé Charlot. Le sage homme savait vivre et aller à l'essentiel; nos journées étaient partagées entre la pêche à la ligne, le jardin et l'affinage du fromage de chèvre. Des fromages de chèvre que mon grand-père achetait une fois par semaine au marché du coin. De retour à la maison il les sortait délicatement de leur emballage et les plaçait dans un fromager suspendu dans la cave. La maturation commençait, période pendant laquelle il allait inspecter et retourner méticuleusement ses fromages plusieurs fois par jour. On mangeait du chèvre frais au petit déjeuner avec un peu de sel et de poivre, du chèvre un peu plus goûteux (2 semaines d'affinage) à la fin des deux autres repas et enfin on dégustait du chèvre très sec en milieu de matinée pour le casse-croûte. Le fromage était tellement dur (6 semaines d'affinage) qu'on ne pouvait pas le couper, il fallait le casser. On mettait un morceau dans la bouche avant de partir à la pêche et comme il était trop dur pour le mâcher on le laissait fondre dans la bouche, gardant ainsi le goût typique du lait de chèvre pendant de longues minutes. En souvenir de mon grand-père qui m'a véritablement donné le goût et la passion pour le fromage de chèvre et qui n'est plus parmi nous tout autant que par superstition, afin qu'il bénisse mon activité, j'ai donné son nom à mon aventure fromagère.


LPJ: Comment vous est venue l'idée ? Qu'est-ce qui vous a motivé à lancer ce projet en Afrique du Sud?

L'idée était en moi depuis toujours. Ce qui m'a motivé c'est le manque de fromage de chèvre en Afrique du Sud doublé d'une opportunité l'année dernière de reprendre l'activité d'un fabricant de fromage local appelé NARNIA Cheese. Pour être plus précis, j'avais découvert de façon un peu inespérée il y a environ 5 ans l'existence du Fromage de Narnia, un fromage de chèvre artisanal fabriqué avec passion par un Sud-Africain appelé Noël. Il faisait une bûche affinée délicieuse et je suis très rapidement devenu un de ses meilleurs clients. Malheureusement, cette activité saisonnière et peut-être aussi un marché peu réactif laissaient présager la fermeture de l'atelier à plus ou moins long terme. J'avais alors exprimé mon intention de reprendre l'affaire; j'avais mis plus de 10 ans à trouver du bon fromage et il était hors de question de le laisser filer, même si ca voulait dire que je devrais un jour le fabriquer moi-même.

LPJ: Créer puis gérer une entreprise dans le milieu gastronomique, ce n'est pas si simple. Quel conseil donneriez-vous à quelqu'un qui se lance dans l'accomplissement d'un tel projet ?
Il y a en effet beaucoup de concurrence et l'occupation est très prenante. Mais c'est à la fois compliqué et simple. Le tout est de ne pas trop se prendre au sérieux, de démarrer cela comme un hobbie et surtout d'y mettre de la passion et d'être méticuleux;  au début on est un peu inquiet, puis il faut laisser le bouche-à-oreille (sans jeu de mot) faire son travail. Ensuite chaque nouveau client est un ambassadeur.
Lorsque l'on est passionné le succès n'est jamais loin.


LPJ: Se lancer, oui ! Mais on a une vie à côté... Ce n'est personnellement pas votre métier principal ; avez-vous dû faire des sacrifices pour vous lancer ? En faites-vous toujours actuellement?

Qui ne fait pas de sacrifices ? Les miens n'ont pas été tres douloureux. Tout d'abord mon atelier est à la maison, donc je peux y aller au gré des besoins sans contraintes ni délais. Et puis la transformation du lait en caillé puis du caillé en fromage est un acte très particulier et très satisfaisant; apaisant en quelque sorte; très éloigné de nos rythmes effreinés.  Il y a quelque chose  de magique, on part d'un liquide dont 90% est de l'eau et on obtient un solide, concentré de toute la générosité d'un animal certes à l'odeur un peu forte mais au regard doux et bienveillant : souvenez-vous de la chèvre de Monsieur Seguin !

LPJ: Avez-vous prévu d'ouvrir un magasin en Afrique du Sud ?

Non pas pour l'instant, c'est trop tôt et ma production est trop réduite (une vingtaine de kilos par semaine) pour supporter des coûts de loyer ou même employer quelqu'un.

LPJ: Quel est le fromage dont vous êtes le plus fier ?

Le pepe Charlot, ici on dirait c'est mon Flagship (la spécialité de la maison) car c'est une recette que j'ai ramené de France à la différence des deux autres fromages - la Bûche et le Crottin - qui étaient déjà fabriqués par Narnia Cheese avant que je ne reprenne l'activité. Le Pépé Charlot est un fromage fermier  pâte semi-molle qui peut se manger frais comme les fromages frais que l'on trouve sur nos marchés en france, mais sa particularité est que je l'affine pendant plusieurs semaines avant de le proposer.  A la maturation il se recouvre d'un petit duvet blanc et il peut se conserver de 3 à 4 mois (si vous gardez du fromage pendant plus de 3 mois c'est que vous n'aimez pas vraiment le fromage), il ressemble vraiment à ce que faisait mon grand-père, en s'affinant il se durcit (rassurez-vous pas au point de ne pas pouvoir le croquer) et sèche légèrement, son goût s'affirme alors et est unique. Mais le plus intéressant c'est son arrière-goût, de "revenez-y",  qui ne vous quitte plus. Une gorgée de Chenin ou de Sauvignon Blanc, et vous pouvez alors en reprendre une bouchée..., puis une gorgée de vin...et ainsi de suite


LPJ: Si vous deviez donner une astuce pour les fromages en termes de cuisine, de conservation et d'accompagnements (nourriture mais aussi vin)?

Je ne suis pas vraiment un spécialiste de la cuisine mais je peux vous donner un conseil et une recette. Le conseil: buvez du blanc sec (Chenin ou Sauvignon) avec du fromage de chèvre plutôt que du rouge. Le vin rouge aura tendance à laver l'arrière gout du fromage alors que le Blanc le renforce juste avant qu'il ne s'échappe définitivement; c'est un conseil de gourmant évidemment.

La recette c'est celle de la salade de chèvre chaud, très répandue en France mais assez rare ici et surtout souvent servie avec un fromage jeune (appelé Chevrin) qui n'a pas beaucoup de goût.

?    Préparez une salade verte et une bonne vinaigrette à la moutarde, un peu de persil et quelques noix.
?    Préchauffez le four à 250 degrés en position grill. Sur une plaque placez deux ou trois petites tranches de pain type baguette, même rassi puisqu'il va griller, par contre évitez le pain de mie même frais.
?    Placez sur le pain une tranche de crottin ou de bûche. Mettez le tout au four et regardez attentivement; surtout ne vous éloignez pas du four car le fromage va vite chauffer et il faut le retirer au bon moment,  juste quand il commence à fondre et à roussir.
?    Placez les tartines de chèvre chaud sur la salade : le mélange du pain et du fromage chauds avec le froid de la salade est divin.
?    Servez, dégustez !

LPJ: Où peut-on acheter le fromage de pépé Charlot?

Je vends sur rendez-vous directement à l'atelier au No 42 Lancaster Avenue - Craighall Park - Joburg. Cela offre deux avantages: le premier c'est que vous pouvez goûter et ensuite acheter le fromage que vous avez apprécié. Le deuxième est que si vous êtes en manque, nous vous dépannerons dans la journée ; il suffit pour cela de laisser un message sur notre messagerie ?accroc de fromage anonyme? au 083 3339418 ou nous envoyer un mail à sales@pepecharlot.co.za.

Vous pouvez aussi acheter le fromage de pépé charlot au Cheese Gourmet qui propose plus de 150 fromages différents à Linden au coin de la 3ème Avenue et de la 7ème Rue - tel 011 8885384  et bientôt chez PETIT Cochon , un charcutier Sud Africain d'origine française situé au Codfather sur Rivonia Avenue, à Morningside. Nous pouvons aussi vous en expédier (congelé) par la poste partout en Afrique du Sud.

Mélina Huet - http://www.lepetitjournal.com/johannesbourg.html - Vendredi 28 Janvier 2011

lepetitjournal.com johannesbourg
Publié le 28 janvier 2011, mis à jour le 14 novembre 2012
Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos