Édition internationale

Jean SPIRI parle de l’exposition: "Tenir sa promesse-Keep the promise" à Johannesburg

Jean SPIRI est le COCAC (Conseiller de Coopération et d’Action Culturelle) à l’Ambassade de France à Prétoria, et le Directeur de l’Institut Français d’Afrique du Sud (IFAS) à Johannesburg. Son parcours professionnel, diplomatique et personnel l’ont conduit à organiser l’exposition « Tenir sa promesse – Keep the promise » qui se tient au DIBUKAFÉ jusqu’au 24 janvier 2026.

JEAN SPIRI à l'IFASJEAN SPIRI à l'IFAS
Écrit par Philippe Petit
Publié le 5 décembre 2025

La dernière visite de Jean SPIRI en Afrique du Sud, avant de prendre ses fonctions à Prétoria, remonte à 2016, à l’occasion de la conférence mondiale de lutte contre le SIDA qui a rassemblé 20 000 personnes à Durban.

Dans un entretien avec Lepetitjournal.com de Johannesburg, il expose les raisons de son implication dans cette exposition essentielle, tant par son contenu que par sa durée, qui présente des documents et supports divers utilisés dans la lutte contre le VIH/SIDA en France et en Afrique du Sud.

 

VIH et SIDA, quelle différence ?

L’épidémie a débuté il y a plus de quarante ans. Elle a provoqué dès le départ de la peur face à son développement fulgurant et ses conséquences mortelles, elle a exacerbé les préjugés et amplifié les ségrégations, mais elle a aussi généré des mobilisations collectives importantes et des recherches poussées pour en connaître la cause et mettre à jour des solutions.

 

T shirts militants Exposition IFAS

 

Des organisations, des associations, des groupes de militants, des médecins et chercheurs, ont rassemblé leurs forces pendant des années pour informer, briser les tabous, expliquer les innovations et combattre les ségrégations. L’exposition présentée par l’IFAS (Institut Français d’Afrique du Sud) regroupe des supports multiples qui retracent de façon directe et émouvante l’histoire de ce combat en France et en Afrique du Sud. Elle montre également que le combat ne se situe pas seulement sur le plan médical, mais également sur le plan social et politique.

 

Le VIH est transmis par le sexe, mais aussi par le sexisme, le racisme, la pauvreté et l'homophobie - Charlize THERON, à la conférence AIDS 2016 à Durban

Le VIH, Virus de l’Immunodéficience Humaine, est une infection qui peut être transmise par voie sexuelle et sanguine, mais également de la mère enceinte à l’enfant. Il affaiblit le système immunitaire, et s’il n’est pas traité, il est responsable du SIDA, qui est le stade ultime de la maladie.

En 2024, 630 000 personnes sont décédées dans le monde de maladies liées au SIDA, et 40,8 Millions vivaient avec le VIH.

 

Exposition à DIBUKAFE

 

L’épidémie atteint aujourd’hui particulièrement les femmes : en 2024, l’UNAIDS comptait au niveau mondial 4 000 nouvelles infections par le VIH chaque semaine parmi les jeunes femmes et les filles âgées de 15 à 24 ans, dont 3 300 en Afrique subsaharienne. Dans certaines zones, elles représentaient 45 % de toutes les nouvelles infections liées au VIH.

Statistiques 2024

Face à ces statistiques encore accablantes, Jean SPIRI rappelle l’importance de la prévention et des soins, pour lesquels les traitements existent et sont maîtrisés. C’est le manque de financements et d’information qui expliquent la lenteur des progrès.

 

Pourquoi une exposition à Johannesburg avec l’IFAS ?

Pour Jean SPIRI, la fonction d’un COCAC ne se limite pas à l’action culturelle, même si les échanges internationaux dans ce domaine sont importants, puisque son service à l’Ambassade traite aussi des échanges scientifiques et universitaires, de l’éducation, de l’innovation, ou encore des droits humains.

La Coopération entre les États vise aussi à mettre en commun des ressources, des connaissances et des moyens face aux défis qui sont identiques. La France et l’Afrique du Sud sont deux pays encore très touchés par l’épidémie, dans des proportions certes très différentes, et une coopération dans ce domaine est bénéfique pour les deux pays. Il est donc logique que les représentants de la France en Afrique du Sud soient à l’origine d’initiatives comme cette exposition présentée par l’IFAS.

L’Ambassade a la chance de bénéficier d’un Conseiller régional en Santé mondiale, le Dr Thomas MOUREZ, qui suit tous les aspects médicaux, de coopération sanitaire, de suivi de l’action du Fonds mondial de lutte contre le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme. Le service de coopération et d’action culturelle, lui, suit la dimension droits humains, la lutte contre la stigmatisation. L’exposition présente certes des aspects sanitaires, mais elle se veut aussi une illustration sociale, artistique, de la lutte dans nos deux pays.

 

Affriche de l'Exposition IFAS

 

Jean SPIRI, géographe de formation, normalien, diplômé de Sciences Po, a exercé la fonction de conseiller ministériel, notamment aux Affaires étrangères et à la Santé, et à l’Elysée. Il a passé d’abord 10 ans dans la fonction publique, puis 10 ans dans le secteur privé, notamment comme secrétaire général et président du pôle littérature du groupe d’édition Editis. Il a mené en parallèle une carrière d’élu local à Courbevoie, puis au Conseil Régional d’Île de France. 

C’est pendant son mandat de Conseiller Régional d’Île de France qu’il a été nommé Président de l’Association CRIPS-Île de France (Centre Régional d’Information et de Prévention du Sida) qui est l’opérateur de la représentation de la France lors des grandes conférences internationales de lutte contre le VIH.

Il est COCAC et Directeur de l’Institut Français d’Afrique du Sud (IFAS) depuis octobre 2024, un retour aux sources pour lui.

 

Ouverture de l'exposition au DIBUKAFE
Tenir sa Promesse - Keep the promise . Photo : CRIPS Île de France

 « Tenir sa promesse – Keep the promise » est le résultat d’une collaboration de ces deux structures (IFAS et CRIPS), ainsi que de l’association Sud-Africaine GALA (Gay and Lesbian Memory in Action) dont le parrain - Justice CAMERON- a participé à l’ouverture de l’exposition. Ancien juge de la Cour constitutionnelle d'Afrique du Sud, il est connu pour son travail de défense des droits de l'homme, son engagement en faveur des droits des personnes LGBTQ+ et sa lutte contre la stigmatisation du VIH/SIDA. Edwin Cameron fut l’une des premières personnalités majeures du pays à dire sa séropositivité, et une affiche de l'exposition rappelle ce moment. 

L’objectif principal de cet évènement est d’attirer l’attention et d’informer le public à Johannesburg sur trois axes majeurs : la prévention, les traitements et la lutte contre la discrimination, ainsi que de rappeler la dimension sociale et culturelle de cette lutte. La gravité de la situation en Afrique du Sud et dans les pays proches comme le Lesotho et le Malawi justifie une implication forte et sur le terrain des services de coopération de l’Ambassade de France.

Le DIBUKAFÉ est le lieu adéquat, car il a pour vocation de favoriser le débat, attirer l’attention et diffuser l’information. Dans cet endroit ouvert à tous, les réalités de cette épidémie sont présentées et mises en miroir grâce au matériel exposé venu de France et d’Afrique du Sud. Le patchwork de la mémoire est particulièrement émouvant. Les messages des T-shirts et des posters sont directs et explicites. Les affiches, T-shirts (dont certains de la collection personnelle de Jean SPIRI) et flyers exposés sont des pièces historiques, témoins des luttes et des plaidoyers menés par les associations et structures des deux pays.

 

Jean SPIRI présente les trois axes majeurs de l’exposition

La prévention : de la mobilisation aux traitements sur-mesure

Dans les premières années suivant l’apparition de l’épidémie, les réseaux militants LGBTQIA+ se sont mobilisés pour protéger les membres de leur communauté victimes à la fois de la maladie et de la stigmatisation. Ils ont inventé des slogans impactants, multiplié les campagnes d’information et de distribution de préservatifs, ce qui a eu pour résultat de freiner le rythme de diffusion du VIH. Tout le monde se souvient de « sortez protégé » ou de « le sida ne passera pas par moi » des années 80-90.

Les affiches et supports exposés rappellent ces périodes, et la nécessité d’une prévention ciblée vers les populations les plus concernées, ainsi que la nécessité de continuer une information grand public, chacune et chacun pouvant être touché par l’épidémie.

Mais ce modèle unique initial montre ses limites dès les années 2000. Les progrès de la recherche médicale et scientifique ont permis la mise à disposition de toute une palette de traitements et de techniques de prévention diversifiées, permettant à chacun de choisir sa stratégie en fonction de ses choix personnels.

Pour les personnes séronégatives exposées au risque, le PrEP (Prophylaxie pré-exposition) qui existe depuis une dizaine d’années permet de prévenir la transmission du virus. C’est efficace mais contraignant car cela impose une prise régulière du médicament. Une obligation qui n’est pas toujours facile à suivre dans les zones ou activités à risque du fait de la pression liée au contexte ou à l’entourage, et à l’état des circuits de distribution.

Dans le cadre de la prévention, un nouveau traitement va changer la donne :

 

Lenacapavir - Photo South African Government news agency
Photo : South African Government News Agency

Une étude concernant un nouveau traitement, dont les résultats ont été rendus publics en juillet 2024 lors de la 25ème conférence internationale sur le SIDA à Munich, a dévoilé qu’après une étude clinique menée sur plus de 5 000 femmes et jeunes filles, le traitement testé a été efficace dans 100% des cas. La formidable nouveauté de ce traitement, le Lénacapavir, qui empêche le virus de se développer, est qu’il s’administre simplement par deux injections par an. Ce qui le rend nettement moins contraignant que les traitements PrEP actuels, et constitue une avancée majeure dans la prévention.

L'utilisation du Lénacapavir débute en Afrique du Sud et au Brésil

Jean SPIRI précise à ce sujet que les premiers essais cliniques ont été réalisés dans 25 sites en Afrique du Sud, sous la conduite de la Professeure Linda-Gail BEKKER, sud-africaine et figure mondiale de la lutte contre le VIH, de l'Université du Cap (UCT) et de la Desmond Tutu Health Foundation.

Il reste à permettre une diffusion massive de ce traitement - qui pourrait changer la donne en matière de prévention- en le rendant accessible partout à un prix abordable. Initialement commercialisé à … 40 000 $ par an, il sera disponible en version générique à 40 $ par an dans plus de 120 pays à revenu faible à partir de 2027, selon une annonce d’Unitaid diffusée en septembre 2025. Il pourra d’ailleurs être produit localement.

« L’accès aux médicaments ne se limite pas à leur mise à disposition ; il s’agit aussi de garantir leur acceptabilité et la confiance qu’ils inspirent aux personnes qui les utiliseront » Dr Philippe Duneton, directeur général d’Unitaid

L’accès universel aux traitements

Les chercheurs ont démontré qu’une personne séropositive sous traitement qui a une charge virale indétectable ne transmet plus le virus. Les traitements antirétroviraux TasP (Traitement comme Prévention) existent depuis 2008, mais ont pris des années pour être distribués de façon massive. Cela signifie que la transmission mère-enfant disparaît, et qu’une relation sexuelle avec une personne vivant avec le VIH sous traitement ne présente pas de risque.

Après des années de lutte face aux compagnies pharmaceutiques, ces traitements antirétroviraux, destinés aux personnes séropositives, sont devenus plus accessibles et ont permis de contenir la transmission du virus. Mais un quart des personnes contaminées, soit 10 Millions, n’ont pas accès aux médicaments qui pourraient les sauver. La proportion très élevée dans les pays d’Afrique Subsaharienne et d’Afrique Australe démontre l’inégalité de l’accès aux soins.

L’accès aux soins est un droit humain qui ne doit pas être limité par la richesse ou l’origine - EXPOSITION IFAS "Tenir sa promesse - Keep the promise"

Dans de nombreux pays, le financement de la distribution des traitements est partiellement ou largement financé par l’aide internationale, notamment par le biais du programme PEPFAR. L’Afrique du Sud finance 77% de son programme national. Mais les financements stagnent ou régressent. La décision américaine de suspendre ses aides aggrave encore la situation. (Lire aussi : Journée Mondiale en Afrique du Sud )

La réalisation de la promesse pour 2030 est donc fortement mise en cause du fait de ces problèmes de financement du dépistage, des coûts des traitements, de leur mise à disposition et du suivi continu des personnes porteuses du HIV.

Mais nous le savons, les questions de financement ne sont pas les seules. Pour parvenir à la fin de l’épidémie, la question de la stigmatisation, des droits humains, de la lutte contre les discriminations, est centrale.

La lutte contre les discriminations

Même si aujourd’hui une personne séropositive qui suit son traitement peut vivre comme tout le monde, sans risquer d’infecter son entourage, la stigmatisation et les discriminations existent encore.

Les acteurs de la lutte contre le sida restent mobilisés et encouragent la diffusion de l’information sur cette maladie, sur les traitements existants ; ils veulent briser le silence et encourager la visibilité.

 

Poster exposition IFAS

 

L’exposition au DIBUKAFÉ contribue à diffuser ces informations et à mettre en lumière la lutte contre les discriminations. Elle aide à déconstruire les clichés, à changer les regards. Elle apporte de la visibilité aux personnes vivant avec le VIH.

Elle vise à réduire les peurs qui entourent encore cette épidémie.

 

Informations :

Exposition "Tenir sa promesse - Keep the promise"

Du 1er décembre au 13 décembre 2025, puis du 13 janvier au 24 janvier 2026

Mardi et mercredi : de 9h30 à 18h00, Jeudi : de 9h30 à 19h00, Vendredi et samedi : de 9h30 à 14h00, Dimanche, lundi et jours fériés : fermé

DIBUKAFÉ, 70, Juta Street - Braamfontein- Johannesburg

 

 

Lepetitjournal.com / Johannesburg - Cape Town

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