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Windhoek, une Los Angeles en Afrique Australe (2/2)

NamibieNamibie
Écrit par Julie Jardel
Publié le 11 octobre 2018, mis à jour le 18 juin 2019

La capitale namibienne et la ville californienne sont toutes deux nichées au milieu de collines érodées à la végétation rase et peu verdoyante. 

 

 

 

Namibie
Sentier de randonnée près de Windhoek

Cette topographie analogue engendre une similarité socio-culturelle. En effet, profiter d’un coucher de soleil du haut de leurs collines est une activité pratiquée à L.A. comme à Windhoek. Fréquenter ce relief environnant est une véritable institution pour les locaux, bière en main à l’arrière d’un backie, le surnom sud-africain des pick-up, ou chaussures de sport aux pieds après une ascension énergique.

Les cultures du road-trip, du camping, du barbecue sont également partagées par les namibiens et les angelinos, grâce aux grandes étendues traversées de routes droites et longues dans les deux régions et à l’abondance de sites où passer un moment pour se ressourcer. Le weekend, tout le monde déserte la ville pour aller profiter d’un bain dans des sources chaudes naturelles, Gross Barmen en Namibie, Palm Springs en Californie, ou d’un séjour sur la côte.

 

LA
Sentier de randonnée à Los Angeles

Swakopmund, l’équivalent de l’Orange County, détonne dans le paysage namibien avec ses villas de bord de mer, ses larges avenues, ses palmiers et ses retraités blancs marchant le long de la mer. Y séjourner, c’est oublier complètement sa présence en Afrique et se plonger dans un univers californien digne de celui représenté par le cinéma d’Hollywood.

 

Le sport est aussi une véritable religion dans les deux villes. C’est bien connu, Los Angeles est considérée comme le temple des mannequins aux corps de rêve, des stars de cinéma à la plastique parfaite et des citoyens courant sur la plage pour sculpter leurs formes, pratiquant la musculation sous le soleil de Venice Beach ou surfant les vagues de l’Atlantique. A Windhoek, si on ne peut pas surfer, on peut toutefois se rendre dans une des nombreuses salles de gym de la ville, courir sur les collines environnantes ou assidument participer aux bootcamp organisés dans plusieurs quartiers.  Un véritable culte du corps régit également la vie des jeunes namibiens, qui prennent très à cœur la pratique d’une activité physique s’ils en ont les moyens. En effet, aller à la salle de sport est une pratique sociale permettant d’afficher sa situation financière tout autant qu’elle vise à entretenir son corps.

 

namibie
Sportifs sur une colline de Windhoek

 

Il est essentiel de noter également que la vie urbaine à Windhoek, comme à Los Angeles, gravite autour des centres commerciaux de la ville, plus nombreux au mètre carré que dans n’importe quel autre pays. A Windhoek, on en trouve pour tous les goûts. Alors que les shopping malls du centre ville attirent les classes moyennes de la capitale, qui dépensent presque l’intégralité de leur salaire dès qu’ils le reçoivent, ceux plus excentrés du centre ville jouissent d’une clientèle plus riche, et donc majoritairement blanche. Ces derniers sont spacieux, lumineux, climatisés à l’américaine, c’est à dire au point de créer un choc thermique entre extérieur et intérieur. Ils comprennent chacun un cinéma moderne composé de quelques salles, des magasins en tout genre et des restaurants de nourriture locale comme internationale. Alors que la ville est délaissée en fin de semaine par ces classes moyennes et supérieures qui s’échappent rejoindre leur ferme, leur résidence secondaire où partent camper avec leur famille ou amis, les centres commerciaux sont les seuls lieux où se retrouvent les namibiens restés en ville. 

A Los Angeles, les centres commerciaux ne manquent pas non plus. The Grove ou 3rd Street Promenade, par exemple, sont des îlots de fraicheur et de détente en plein cœur de la ville. Les jeunes californiens s’y retrouvent après les cours, les travailleurs y passent leur pause déjeuner dans un des nombreux fast-food qui y sont installés, les familles y dépensent leur argent le weekend en gâtant les enfants de sucreries ou de jetons de jeux d’arcade. De jour comme de nuit, à Windhoek comme aux Etats-Unis, le centre commercial reste ce pôle de vie sociale essentielle à la vie urbaine.

 

 

Puis, comme les deux villes bénéficient d’un climat sec et ensoleillé une grande partie de l’année, le rythme de vie y est comme ralenti. A Los Angeles, ce rythme ralenti est visible lorsque d’énormes bouchons se forment sur ses larges autoroutes : les vitres se baissent, le volume sonore de la musique augmente, certains conducteurs fument une cigarette en prenant leur mal en patience. Peu de klaxon, d’énervement, uniquement une patience héritée de l’habitude et d’une aptitude à la détente qui paraît décuplée. Dans les rues de L.A., peu de gens pressés ; sur ses plages, des familles et des jeunes prennent une pause agréable à la fin de journée en regardant les surfeurs s’entraîner ; et dans ses rares transports en communs, des habitants dont le visage n’exprime pas cet énervement ou cette fatigue que l’on peut voir sur la côte Ouest ou dans les capitales européennes.

A Windhoek, toutefois, la lenteur est d’autant plus marquante que le pays est situé sur un continent célèbre pour son rythme de vie moins agité qu’en Occident. Alors qu’à Paris ou à New-York on se presse, on marche vite comme si on était constamment en retard, chaque seconde gagnée étant une sorte de graal, à Windhoek on prend son temps. On prend son temps pour marcher dans la rue, où l’on s’arrête pour discuter avec son voisin, pour saluer quelqu’un, pour regarder une vitrine colorée, pour acheter un fruit à un vendeur. On prend son temps pour servir ses clients au restaurant, pour commander son repas, pour choisir dans quel bar sortir, car après tout personne n’est pressé, rien n’est urgent, tout peut attendre.

 

Cependant, quand ils prennent la route, les namibiens se métamorphosent : ils veulent aller vite, gagner du temps, battre la montre à son propre jeu. Les routes namibiennes étant quasiment toutes limitées à une voie dans chaque sens, très peu de locaux font preuve de patience avant de doubler un des nombreux camions qui traversent le pays avec leurs marchandises. Ainsi, une limitation de vitesse rarement respectée, des routes longues et droites où l’attention retombe facilement ou des animaux sauvages bondissant à l’improviste sont quelques unes des conditions desquelles résultent un nombre effrayant de morts sur les routes.

En Californie, les routes ne sont pas aussi dangereuses mais elles sont tout aussi appréciées et fréquentées. Ainsi, en Namibie comme à Los Angeles, la voiture est reine. Ces deux villes, trop étendues et pas pensées pour être parcourues à pied ou à vélo, sont bouchées par des colonnes de voitures aux conducteurs uniques plusieurs fois au cours d’une journée. Tandis que de nombreux namibiens ne peuvent se payer que de petites voitures bosselées ou abimées par des années d’utilisation, beaucoup d’autres circulent au volant de gros pick-up et autres 4x4 qui leur permettent aussi de parcourir l’arrière pays. Ainsi, les routes urbaines et rurales de Namibie comme de Californie sont chargées de ces grosses voitures faites pour l’outback. Cependant, les namibiens à bord de petites voitures ne sont pas en reste ; ils parcourent les mêmes pistes à bords de leurs vieux bolides en dépit des obstacles.

 

La route en Namibie
La route en Namibie

 

La voiture est toutefois reine en Namibie car la marche n’est pas une option. Les distances trop grandes, la criminalité en ville, le manque de transports en commun dignes de ce nom ou les animaux sauvages découragent l’utilisation d’un autre moyen de transport que la voiture, en ville comme à la campagne. Mais il semblerait principalement que la marche soit associée à la pauvreté. En effet, les marcheurs sont les Namibiens démunis qui n’ont pas les moyens de s’acheter une voiture ou de se déplacer en taxis collectifs, pourtant peu chers. Ils parcourent des kilomètres pour se rendre au travail ou à l’école, sont exposés aux dangers du bush comme aux criminels que la pauvreté pousse sur le chemin de la violence. Avant même d’investir dans une maison située dans un quartier sécurisé ou même de meubler leur maison convenablement, de nombreux namibiens préfèrent s’offrir une voiture qui sera le miroir de leur supposée réussite sociale. C’est un phénomène que l’on retrouve également aux Etats-Unis, où nombre d’américains vivent dans des caravanes tout en se targuant de conduire une voiture correspondante à leur vision de la réussite sociale.

 

Los Angeles et Windhoek ont finalement beaucoup en commun. Non seulement sur le plan strictement physique de l’organisation urbaine, mais aussi sur le plan socio-culturel. En effet, les détails de la vie quotidienne comme la passion du sport, les centres commerciaux et les trajets en voiture créent un pont entre ces deux civilisations. Alors que rien ne semblait rassembler ces deux villes si distantes géographiquement et culturellement, chacune sur un continent aux défis différents, il est ainsi possible de les rapprocher. C’est une des beautés de l’expatriation et du voyage : on arrive toujours à comparer, à trouver un peu de chez soi dans la ville la plus éloignée, un peu de déjà vu dans un nouvel endroit. Et après tout, ne vaut-il mieux pas rapprocher les modes de vie plutôt que les éloigner ?

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