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Lepetitjournal.com et Valérie Pivon, une histoire indonésienne

Valerie Pivon et Sophie Le CabellecValerie Pivon et Sophie Le Cabellec
Valérie Pivon et Sophie Le Cabellec
Écrit par Cécile Collineau
Publié le 27 juin 2021, mis à jour le 28 juin 2021

Le regard franc et pétillant dans un visage auréolé de boucles auburn, la haute silhouette élancée et sportive (100 kilomètres à vélo en une journée ne l’effraient pas « mais pas 2 journées de suite, quand même »), Valérie Pivon est un peu le passage obligé à Jakarta pour les Français qui veulent comprendre cette ville pleine de contradictions. Elle la navigue comme sa poche, maitrisant impeccablement l’indonésien, et vous offre mine de rien les clefs pour en ouvrir les portes.

Lecteurs du Lepetitjournal.com, n’est-il pas grand temps de savoir qui se cache derrière ces articles que vous lisez régulièrement ? Pour une fois, elle s’est prêtée au jeu de répondre à nos questions, au lieu de les poser.

 

Vous qui donnez tant la parole aux autres, parlez-nous de vous, Valérie Pivon. Depuis quand vivez-vous en Indonésie ?

J’en suis en fait à mon deuxième séjour à Jakarta. Je suis arrivée la première fois en 1999 et en suis repartie en 2004. Apres un crochet par Taiwan et la Belgique, j’y suis revenue en 2010. Donc au total plus de quinze années maintenant. Je me rappelle quand ma fille allait à la crèche de l’UFE, située juste en face du Lycée Français, à Cipete, lors de notre premier séjour. Quelle émotion lorsque 6 ans après, en passant  devant le bâtiment dans la rue, les assistantes maternelles se souvenaient encore d’elle ! C’est d’ailleurs un trait que je retrouve assez souvent auprès des Indonésiens, qui vous disent : « Ah, ça fait longtemps qu’on ne vous avait pas vue », révélateur de leur loyauté humaine.

 

Les Français en Indonésie vivent surtout à Jakarta et à Bali. Des communautés assez hétérogènes, n’est-ce pas ?

Oui, c’est vrai. A Jakarta, je dirais qu’on rencontre deux types de résidents français : les temporaires, qui sont envoyés par leur société pour en général trois ans, et ceux qui sont installés depuis longtemps, souvent des couples mixtes français-indonésien. Ces derniers ont évidemment un lien profond avec ce pays, mais il n’est pas rare que les premiers, malgré leur temps de séjour relativement court, s’efforcent de découvrir et comprendre ce pays. A Bali, les profils des Français qui y vivent sont différents : les retraités d’une part, mais aussi beaucoup qui travaillent dans le tourisme (l’hôtellerie, la restauration) et enfin un grand nombre d’entrepreneurs. On voit apparaitre des digital nomades depuis quelque temps. N’oublions pas enfin qu’un petit nombre de Français vit dans le reste de l’Indonésie : à Sumatra, au Sulawesi, à Lombok ou ailleurs. Un trait commun toutefois : une communauté très soudée, je trouve.

 

Parlez-nous du Petit Journal de Jakarta dont vous êtes la rédactrice en chef. Ça fait combien d’années déjà ? Et comment s’est présentée cette opportunité ?

Mes consœurs Lucie et Amélie ont créé Lepetitjournal.com de Jakarta il y a 5 ans ; c’est finalement relativement récent par rapport aux autres éditions existantes Lepetitjournal.com. Elles avaient besoin d’une rédactrice pour les articles culturels. C’est vrai que j’étais très active dans ce domaine puisque j’étais (et suis encore) guide bénévole au Musée National de Jakarta, vice-présidente du conseil d’administration de l’association culturelle Indonesian Heritage Society et membre de la section française de l’IHS. Mon profil convenait donc plutôt bien pour rejoindre leur équipe. Grâce à Amélie, qui est journaliste de formation, j’ai appris sur le tas mon travail de rédactrice dans un journal. Et j’ai repris le flambeau lorsqu’elles ont quitté l’Indonésie.

Mais je suis loin d’être la seule à travailler pour le Petit Journal de Jakarta : si je m’occupe plus de la partie éditoriale et des interviews, Sophie Touton Le Cabellec maitrise toute la partie réseaux sociaux, communication et articles plus pratiques. Nous sommes épaulées par une fine équipe de contributeurs réguliers ou occasionnels. 

 

Vous publiez combien d’articles chaque semaine ?

5 articles en moyenne.

 

Vous avez dû faire des rencontres exceptionnelles, non ?

Oui tout-à-fait, et c’est pour moi tout l’attrait de la position que j’occupe. J’ai une chance folle de rencontrer des gens d’horizons totalement différents. Le soutien des lecteurs, que je croise parfois dans la rue ou dans un restaurant, est inestimable. Et tous les gens que j’interroge pour mes articles sont toujours d’une grande gentillesse et d’une grande disponibilité. Ça s’est de nouveau vérifié pendant la crise du Covid d’ailleurs, lorsque mes interlocuteurs ont accepté des interviews par téléphone. Grâce au Petit Journal, on rencontre des gens de tous les jours, comme vous et moi (mais qui n’en sont pas moins extraordinaires), tout comme des ministres, des députés.

 

Si vous deviez retenir une interview particulièrement marquante ?

Sans hésitation, celle que j’ai eue avec les 3 rescapés français du tsunami de Palu au Sulawesi en septembre 2018 qui avait fait plus de 4.340 morts. C’était une de mes premières interviews. J’ai eu la possibilité de m’entretenir avec eux 4 jours après leur évacuation coordonnée par l’Ambassade de France. La description, minute par minute, vague par vague, du désastre qu’ils ont vécu me hantera longtemps. D’ailleurs, rien que de vous en parler aujourd’hui, j’en suis encore terriblement émue.

 

Et parmi les personnes d’origine indonésienne que vous avez rencontrées ?

Ils sont également très nombreux et vous me prenez à brûle-pourpoint, donc c’est sûr que je vais en oublier beaucoup…. Je me souviens par exemple : Ibu Asterix (qui a traduit en indonésien les albums d’Astérix et Obélix), Ibu Nani, Ananda Idris, Anda Djoehana Wiradikarta…. Je pense également à ceux qui s’occupent de l’ONG Roshan, qui assiste les réfugiés afghans et syriens à Pejaten, et à l’ONG XS Project qui soutient scolairement les enfants qui vivent sur la décharge d’ordures de Jakarta (un lieu où j’ai pu pénétrer sous haute escorte, car très peu de membres du public y sont autorisés).

 

Valérie Pivon, pêle-mêle, votre film fétiche sur l’Indonésie ?

Je dirais The Dancer, un film d’Ifa Isfansyah qui date de 2011 (NDLR : disponible sur Netflix).

 

Un livre ?

Alors là, je vous réponds tout de suite : « Indonesia Etc » de la journaliste américaine Elizabeth Pisani. Le récit de son voyage d’un an en 2012-2013 à travers l’archipel, accompagné de son analyse des contextes historique et politique, est particulièrement pertinent ( le livre n’a pas été traduit en français).  Comme elle le dit si bien : « I began to feel that [Indonesia] was one giant Bad Boyfriend…. Just when you think you are really getting to know it, it reveals some hidden secret, or reinvents itself completely. With Bad Boyfriends you know full well it will all end in tears, and yet you keep coming back for more.” C’est exactement ça!

 

Une musique ?

Le Sesando, instrument originaire des îles Rote, lorsque l'on l'écoute on se sent en Polynésie. Mais aussi le gamelan, celui de Bali plus que celui de Java. Et peut-être le son du muezzin qui appelle à la prière ? En tous cas, ça me manquera, le jour où je partirai.

 

Un plat culinaire ?

Définitivement le soto ayam.

 

Un artiste ?

J’adore ce que font les artistes de la nouvelle génération indonésienne. Allez-vous balader dans les petites galeries aux alentours de Yogyakarta : vous aurez de très belles surprises. Et la tendance du Street Art qu’on trouve de plus en plus.

 

Enfin, un dernier mot sur l’Indonésie pour ceux qui la connaissent mal ?

Gardez en mémoire que l’Indonésie ne se cantonne pas à Bali. Merveilleuse île certes, mais il en existe 17.000 autres, qui sont toutes aussi fascinantes.

 

Merci beaucoup Valérie.

Merci à vous.