Afin d'appréhender les impacts du confinement en Inde sur les Français y résidant, mais aussi en vue de partager avec la communauté, la rédaction vous propose chaque jour un ou deux témoignages de personnes aux profils divers.
Aujourd’hui, nous donnons la parole à Ludivine Noirel, vivant à Bombay, entrepreneure et mère de trois enfants. Ludivine a créé Bridgeastern, une entreprise qui accompagne les investisseurs étrangers en Inde. Elle nous livre “à chaud” l’impact de cette crise sanitaire sur sa vie familiale et professionnelle et potentiellement sur son avenir en Inde.
Je suis résidente à Bombay depuis plus d'une décennie et si je suis venue initialement pour le compte d'une société française de gestion de fonds d'investissement, j'ai par la suite décidé de rester en Inde pour y devenir entrepreneur.
Mon entreprise accompagne les investisseurs étrangers (souvent de type capital risque) à sélectionner leurs cibles en Inde et à suivre leurs projets. Dans un sens inverse, j'accompagne aussi les entreprises moyennes et startups dans la direction "étranger vers l’Inde" ou bien "Inde vers l'étranger" (et plutôt l'Europe dans ce cas) à définir une stratégie de business développement adéquate puis selon les cas à suivre les progrès des investisseurs sur place. Nous investissons également quand cela est possible mais via notre société soeur de Singapour.
Le confinement se passe plutôt bien pour ma famille
C'est en Inde que j'ai décidé aussi d'avoir mes enfants qui sont scolarisés dans une école "internationale indienne" (Podar International School - curriculum IB).
Ce confinement en ce moment nous le vivons assez bien, car, d'une certaine façon, le télétravail fait partie de mon quotidien depuis des années (je travaille autrement quelques jours par semaine sur site client ou dans un espace de co-working).
Nous avons décidé le confinement plus tôt que la date officielle du 25 mars et c'est notre régime depuis le 14 mars pour moi et mon conjoint.
Les enfants étaient en vacances scolaires pour deux semaines depuis le 14 mars et la rentrée (académique) s'est opérée le 1er avril avec un programme en ligne et des consignes et devoirs offline. Cela se passe plutôt très bien et efficacement, à ceci près qu'il faut beaucoup de présence des parents et cela est donc chronophage. Je jongle beaucoup avec les activités professionnelles, scolaires, tâches ménagères et courses : la journée est longue. Le ravitaillement se fait relativement bien dans notre quartier (Bandra - Khar) donc nous n'avons pas à nous plaindre. Certes il faut savoir composer avec ce qu'il y a de disponible mais on se débrouille toujours. Je crois que pour faire face à la situation en Inde "il faut être indien" (un peu comme le dicton "à Rome faisons comme les romains") et savoir composer localement ses repas et sans avoir peur du système "D".
Mais, professionnellement, le COVID-19 m’empoisonne
Être auto-entrepreneur en Inde et travailler sans filet a ses revers de médailles. Pour faire court et factuel, Covid-19 m'empoisonne : mes facturations sont diminuées de 75% minimum et le risque est que si la situation ne se détend pas au plan global, je vais d'ici un mois ou deux traverser un grand désert (reprise bien hypothétique de l'activité) alors que je dois continuer de payer des taxes et l’impôt sur le revenu sur la base d'un minimum. En effet, la condition pour obtenir le renouvellement de mon visa de travail est le versement d’un salaire minimum. Autant dire que restriction budgétaire et ajustements ont été rapidement faits. L’impôt ajouté à un coût scolaire qui pèse (les écoles sont extrêmement chères en Inde) font que l'étau se resserre méchamment sur mon budget. Comment faire face ? Se serrer la ceinture, renégocier le loyer, être ouvert aux propositions extérieures tant qu'elles sont en effet constructives voire parfois salvatrices, compter sur 15 ans de savoir dans les marchés financiers, stratégies, startups, technologie et bien d'autres sujets qui remplissent mon CV pour ouvrir d'autres portes et continuer d'avancer.
Un retour en France ?
Il faudrait que le ciel me tombe sur la tête, mais c'est possible ... Ceci dit, ce n'est pas la solution la plus lucide (scolarité différente, peu de points de chute, marché de l'emploi déprimé, etc..) ... Je reste convaincue que j'ai davantage à apporter en restant une spécialiste de l'Inde avec la capacité d'être un vrai trait d'union entre notre douce France par exemple qui a besoin de forces vives à l'étranger aussi pour rayonner et l'Inde qui reste un pays fabuleux sous bien des angles.
La rédaction vous donne rendez-vous demain pour les prochains témoignages. N'hésitez pas à nous envoyer le vôtre si vous souhaitez le partager (bombay@lepetitjournal.com).
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