Une exposition-vente de poupées Golu a lieu du 3 septembre au 2 octobre 2025 au temple Vedapuriswarar à Pondichéry. Cette multitude de statuettes disposées sur des étals le long des murs et au centre de la grande pièce dans le temple a de quoi réjouir l'œil. En exposition, mais aussi en vente, on a envie de toutes les observer avec attention.


On ne sait pas où poser le regard et chacun à son tour s’extasie : certains en découvrant toutes sortes de petits légumes et fruits indiens colorés et tellement ressemblants, certains en apercevant un groupe de médecins en blouse blanche en pleine consultation ! Certes les proportions ne sont pas exactes, le chou-fleur a la taille de l’oignon, mais qu’importe !
Ces petits personnages de tailles différentes, vraisemblablement en argile, sont moulés et peints à la main et illustrent la vie quotidienne en Inde :
- les mariages avec les mariés, les invités, les offrandes ;
- l’école avec l’enseignant, les élèves à leurs bureaux ;
- le médecin et son patient ;
- les musiciens, les danseuses, les marchands des quatre saisons ;
- les scènes de repas ou les pujas ;
- les animaux, éléphants, lapins, vaches, chevaux, corbeaux…

Les dieux et déesses du panthéon indien sont représentés, Ganesh, Krishna, Shiva, et même une scène de la nativité avec le bébé Krishna tout bleu au milieu d’une assemblée.

C’est un festival de couleurs aussi vives que celles des temples tamouls, vert pomme, orange, bleu, violet irisé, rose fuschia, bleu clair pour les joueurs de cricket, blanc pour les religieux et médecins.
Si les statuettes alignées et droites comme des I semblent être toutes identiques quand elles sont disposées en groupe, à y regarder de plus près, d’infimes détails dus au coup de pinceau les différencient.

Laquelle choisir ? On en prend une, on la repose pour une plus colorée à l’expression un peu différente, un musicien qui joue de la flûte ou un joueur de tambour ? Voilà un dilemme.
Il est possible de choisir un sujet ou une scène déjà formée de plusieurs statuettes d’humains et/ou d’animaux, comme par exemple un cavalier, suivi d’un défilé de musiciens et de soldats qui se termine par deux éléphants et leurs cornacs. Ces personnages ne peuvent pas être désolidarisés. Une scène de ce type coûte plus de 6000 roupies, alors qu’un seul personnage est vendu 100 roupies et un chou-fleur 10 roupies. Aucune négociation n’est possible, mais cela n’arrête visiblement pas les clients passionnés et connaisseurs. Les ventes vont bon train et les étals se vident.

À chaque éventaire son vendeur, aucune vente ne se fait en direct, et l’acheteur obtient juste un feuillet avec le prix. Tout est centralisé à une même caisse où les transactions sont répertoriées à la main dans un gros registre. Une part va au temple, une autre au vendeur.
Cette exposition des poupées Golu ressemble fortement aux expositions de santons de Provence. Il s’agit pour les familles hindoues d’enrichir la collection de la maison afin de compléter l’exposition qu'elles prépareront chez elles pendant le festival de Shardiya Navratri.
Shardiya Navratri, une fête hindoue de neuf jours
Shardiya Navratri commence cette année le 22 septembre 2025 et culminera avec Durga puja et Dussehra le 2 octobre 2025, selon le calendrier hindou.
Nav signifie “neuf” et ratri “nuit”, Navratri correspond à neuf jours et nuits d’adoration en l’honneur de la déesse Durga, qui a vaincu le démon-buffle Mahishasura, que personne ne pouvait vaincre. Son épopée est relatée dans la Durga Saptashati, un récit en sanskrit à la gloire de la déesse comme puissance suprême, créatrice de l’univers. Selon la légende, les dieux Brahma, Vishnou et Shiva ont fusionné leurs forces pour créer la déesse Durga et chaque jour de la lutte contre le démon-buffle Mahishasura, la déesse Durga a revêtu une forme différente, celle-ci représentant un aspect distinct de la force féminine.

Navratri est un festival hindou important, porteur d’espoirs et de chances, et est célébré par les hindous du monde entier avec des particularités en Inde en fonction des régions. Les déesses n’y tiennent pas forcément la même place selon les traditions et les pratiques religieuses. Le festival débute le jour qui suit la nouvelle lune, car selon la religion hindoue, l’équinoxe d’automne est un temps propice dédié au féminin.
Dans les temples, les brahmanes jeûnent pendant neufs jours, s’abstiennent de certains aliments et récitent les prières quotidiennes, en l’honneur de chacun des avatars de la déesse Durga. Le dixième jour, appelé Vijayadashami, est spécialement fêté et correspond au triomphe du bien sur le mal.
Dans le Kerala, Vijayadashami commence avec un enfant, un bébé assis sur les genoux d’une personne âgée, avec à proximité des images de Saraswati, la déesse de la connaissance et des arts.
Au Bengale-Occidental, le festival qui s’appelle Durga Puja est concentré sur les 4 derniers jours et a été inscrit en 2021 au patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
Au Népal, ce festival est connu sous le nom de Dashain. On y célèbre la déesse Durga, mais aussi le Seigneur Rama, les familles plantent des graines qui germeront dans la bouse de vache, les Népalais font voler les cerfs-volants et le festival se termine par des sacrifices de chèvres en l’honneur de la déesse Durga.

Les poupées Golu, une tradition de Navratri à Pondichéry et dans le Tamil Nadu
Traditionnellement, les premiers jours du festival sont destinés à des rituels de bienvenue aux déesses : Saraswati, déesse du savoir et des arts, Parvati, déesse de la procréation et de la destruction, et Lakshmi, déesse de la prospérité.
Ensuite la femme la plus âgée de la famille pose la première planche d’une sorte de petit édifice qui sera complété par les autres femmes et jeunes filles. Elles montent un nombre impair de planchettes qui forment des marches d’escalier (les padi), qu’elles recouvrent d’une étoffe, et sur lesquels elles disposent avec créativité des petits personnages (les golu).

Ces statuettes, des plus petites aux plus grandes, sont installées dans l’idée d’une progression spirituelle, des premières marches illustrant les occupations (les kolu) de la vie quotidienne, jusqu'au sommet de la construction, qui accueille les représentations divines.
Il s’agit souvent pour les familles de mettre en scène ce qui est le plus important à leurs yeux et de symboliser leurs attentes pour l’année à venir : un mariage, une naissance, un emploi, une récolte, une guérison…
Ces scènes de vie quotidienne très colorées, où interviennent les aventures des dieux et déesses et qui se superposent en étages pour se terminer par une représentation divine, ne vous font-elles pas penser à un temple tamoul, comme le temple Meenakshi à Madurai par exemple, ou le temple Kalikambal de Chennai ?

Le dixième jour, le soir de Vijayadashami, l’une des poupées de l’exposition familiale est symboliquement endormie et déplacée vers le nord. Après les prières de remerciements pour une fête réussie, poupées et étagères sont soigneusement emballées jusqu’à l’année suivante.
Les poupées Golu sont des traditions familiales spécifiques au sud de l’Inde qui se retrouvent dans quatre États du sud :
- Nommai Golu en tamoul qui signifie "décoration de poupées" (État du Tamil Nadu)
- Bommala Hanna en télougou qui signifie "cour des jouets" (États du Telangana et de l’Andhra Pradesh)
- Gombe Habba en kannada qui veut dire "festival de poupées" (État du Karnataka).

À l’origine, ces miniatures étaient fabriquées par des artisans ruraux à partir des matériaux qu’ils avaient sous la main, argile séchée ou bois de santal ou de coco, et elles étaient ensuite peintes de couleurs vives.
Ces poupées sont en général transmises par héritage de génération en génération. Au fil des années, on en ajoute de nouvelles, et lorsqu’elles deviennent trop nombreuses pour être toutes contenues sur un seul édifice de marches, certaines familles créent des "histoires parallèles". Ainsi, on retrouve les équipes de cricket favorites, les aventures de Krishna, une procession autour d’un temple, une montagne avec un des dieux du panthéon à son sommet et le cortège des fidèles qui s’avance vers lui. Certaines sont devenues des pièces de collection.

Ce sont des moments qui continuent à réunir les familles et à célébrer le lien des aînés avec les plus jeunes. Ces traditions favorisent le lien social, car on invite les voisins à venir voir l'installation, on s’offre cadeaux ou friandises, et parfois on partage un repas avec des chants traditionnels et de la musique. Chacun vient admirer l’exposition des poupées Golu de la famille voisine, les nouvelles acquisitions faites, et c’est l’occasion de discuter des arrangements en nouvelles scénettes.
Souvent le couple marié est représenté, et traditionnellement dans le sud de l’Inde, les parents offrent à leur fille, le jour de son mariage, deux figurines représentant un jeune couple, elle et son mari. Ces poupées symbolisent les espoirs de prospérité et la fertilité. La jeune femme amènera ces figurines dans sa nouvelle famille et celles-ci marqueront le début de sa propre collection.

Des entreprises indiennes perpétuent la fabrication de ces personnages et objets miniatures, les vendent dans des magasins et en ligne, à l’export à destination de la diaspora hindoue ou d'amateurs, voire des magasins d’objets indiens à l’étranger. Elles sont fabriquées en différents matériaux, argile, bois divers, papier mâché, et une nouvelle collection sort chaque année.
Hors temps de festival, on les retrouve en vente dans des échoppes, près des temples.
Toutes les photos sont de l'auteur de l'article.
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