En mai, ne fais pas ce qu’il te plaît! Surtout si participer au défilé traditionnel du 1er mai en fait partie. Entre distanciation sociale et crise socio-économique, le mouvement social 2020 sera une cuvée tout à fait exceptionnelle.
Pas d’exception à la distanciation sociale
A Hong Kong, les mesures de distanciation sociale restent en place jusqu'au 7 mai, notamment la fameuse restriction des 4 personnes. Les mauvaises langues disent que la raison principale de l'extension des mesures est la crainte des mouvements du 1er mai: il sera facile d’invoquer cette interdiction pour interpeler des manifestants, simplement parce qu’ils sont là.
Très attachés à conserver le momentum en prévision des élections de septembre, les organisateurs, tant la Confederation of Trade Unions (CTU) que la Federation of Trade Unions (FTU, pro-Pékin) ont demandé le droit de manifester. La police a exprimé le souhait qu’ils retirent leurs demandes, craignant que des événements non-autorisés aient lieu. S’ils persistent: "they will be responsible for an illegal assembly and violating the new regulations." Le juriste du FTU Luk Chung-hung a confirmé qu’il retirait la demande. CTU, de son côté, évoque la possibilité de manifester sans enfreindre les règles de distanciation sociale, par groupes de 4, à 1.5m les uns des autres, et qualifie l’interdiction d’absurde.
En Chine, pendant ce temps-là, toute manifestation étant illégale crise ou pas crise, le gouvernement a offert deux jours de congés supplémentaires: il faut relancer la consommation et le tourisme. On fait dorénavant appel au patriotisme pour gagner la guerre contre la récession, nouvelle priorité.
Des revendications sociales ou politiques?
Avec un chômage à 4.2% en mars, son plus haut depuis 9 ans, la généralisation des congés sans soldes, et des pans entiers de l'économie à l'arrêt suite aux mesures de distanciation sociale, le paysage social à Hong Kong est plutôt sombre. Certes, le gouvernement a débloqué 138 milliards HKD le 8 avril, des aides ponctuelles à certaines catégories socio-professionnelles (commerces fermés, enseignants...), promis la création de 30.000 postes d'ici deux ans: du jamais-vu dans le territoire, chantre de l'économie libre.
Mais nombreux sont ceux qui pourraient être tentés de défiler le 1er mai pour défendre leurs intérêts, alors que le gouvernement d'habitude si réservé ouvre les robinets. On pense notamment au personnel soignant, qui avait menacé d'une grève pour faire pression sur la fermeture des frontières avec la Chine: ils sont en première ligne sur la lutte sanitaire, feront-ils partie de la lutte sociale?
A en juger par l'actualité des dernières semaines, le mouvement qui se profile au 1er mai est plutôt dans la continuité des grandes manifestations de 2019, avec comme horizon les élections de septembre. Si l'impact social de l'épidémie est énorme, on dirait que la communauté accuse le coup. Sur le volet politique, en revanche, le virus ne semble avoir eu comme effet que de retarder le débat d'idées.
Au 1er mai 2018, le SCMP titrait: "Thousands take to streets in Hong Kong on Labour Day as workers call for end to MPF offsetting mechanism. Other issues raised include long work hours, paid maternity leave and foreign labour." Il y a deux ans tout juste, les revendications des syndicats étaient sociales uniquement.
A la fois parti politique et organisation de syndicats (61 syndicats affiliés), la CTU a en effet deux types d'ambition: la protection des travailleurs et le développement d’un système démocratique à Hong Kong. Au 1er mai 2020, le volet politique semble prioritaire. Et pour cause, le contexte politique est tendu: arrestations, polémiques autour de l’article 23 de la Basic Law, remaniement ministériel.
Pas de mouvement social virtuel
Le mouvement social 2.0, en temps de pandémie, évolue à l'international: manifestations depuis son balcon, manifestations virtuelles par applications interposées, événements sur les réseaux sociaux... Syndicats et partis politiques dans de nombreuses régions du monde fêteront le travail d'une manière tout à fait inhabituelle cette année, aussi bien pour rester dans la légalité que par peur de la contagion.
A Hong Kong, dont les chiffres de contamination et létalité sont en très nette amélioration, la peur de la contagion semble s'effacer devant la volonté de se faire entendre, et de se faire voir. Le choc visuel des manifestations géantes de 2019 a été rude pour Pékin, il a fait le tour du monde. CTU annonçait ce 22 avril sur son compte Facebook qu’il maintenait le défilé, dans le respect des règles de distanciation sociale. Réponse le 1er mai.
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