Madeline Progin et Emmanuelle Le Moing, figures de la librairie Parenthèses à Hong Kong, reviennent sur 37 ans d’engagement au service du livre et de la francophonie. Une aventure humaine et littéraire qu’elles poursuivent, grâce au soutien sans faille de leurs lecteurs. Rencontre.


Une institution à visage humain
La librairie Parenthèses fête ses 37 ans. Que retenez-vous de ce parcours ?
Ce qui est exceptionnel, c’est que nous sommes toujours là, au même endroit, avec la même équipe ou presque depuis plus de 20 ans. Les clients d’il y a 30 ans reviennent aujourd’hui avec leurs enfants, voire leurs petits-enfants. Parenthèses, c’est une continuité, un lien qui ne s’est jamais rompu.
Comment la librairie a-t-elle évolué au fil des années ?
Le fonds s’est énormément enrichi. Nous avons développé un fond d’Asie, un fonds beaux livres, des ouvrages introuvables ailleurs, même à Paris. Aujourd’hui, nous comptons environ 20 000 titres, avec aussi une belle section "français langue étrangère" pour accompagner les apprenants de Hong Kong.
Aller au-devant des lecteurs
Vous avez multiplié les rencontres et événements ces dernières années. Pourquoi ?
Parce que le livre, c’est d’abord du partage. Nous accueillons deux à trois événements par mois : écrivains, musiciens, chefs, cinéastes… Ce sont toujours des échanges vivants. Pas seulement des dédicaces, mais de vraies conversations. Nous avons même lancé un club de lecture en partenariat avec le Lycée Français.
Un club de lecture ?
Oui, une rencontre mensuelle, alternativement au lycée et à la librairie. La prochaine aura lieu ce mois-ci à la librairie, et sera dédiée aux lecteurs adultes. L’idée d’un club de lecture jeunesse pourrait suivre pour encourager la lecture chez les collégiens et les lycéens. Le but c’est de sortir des murs, d’aller à la rencontre des lecteurs.
Une librairie résolument francophone
Vous travaillez avec de nombreux partenaires institutionnels.
C’est essentiel. Nous collaborons étroitement avec l’Alliance Française, le Consulat de France, le Lycée Français, les universités, les enseignants de français langue étrangère… Cela nous permet de rester au cœur de la vie culturelle francophone à Hong Kong.
Et votre public a-t-il changé ?
Oui. Le français n’est plus autant valorisé dans le système éducatif local, ce qui a impacté le nombre d’apprenants. Mais nous observons aussi un regain d’intérêt, y compris chez les Hongkongais. Ils viennent pour les classiques, Camus, Le Comte de Monte-Cristo… Ce sont souvent des amoureux de la culture française.
Ce que nous voulons, c’est continuer à faire notre métier
Vous avez récemment lancé un appel à la communauté. Pourquoi ?
Notre chiffre d’affaires a été divisé par deux après la pandémie. Nous avons lancé un appel, non pas pour lever des fonds comme une ONG – nous sommes une entreprise commerciale –, mais pour rappeler l’importance de venir acheter ses livres chez nous.
Et la réponse ?
Extraordinaire. Nous avons été profondément touchées. Des messages, des visites, des achats, des interviews même en cantonais… Cela nous a donné de l’élan. Mais il faut que ça continue. Ce dont nous avons besoin, c’est que les lecteurs viennent et reviennent.
Une actualité littéraire riche
Quels sont les prochains événements à venir ?
Le 21 juin, à l’occasion d’un après-midi spécial BD, nous accueillerons des dessinateurs hongkongais dont les albums ont été traduits en français. Nous préparons également une soirée autour de Françoise Sagan, en partenariat avec le Consulat de France et l’Alliance Française. Et cet automne, une mise à l’honneur de Jules Verne est prévue, en écho à un spectacle de marionnettes en Chine.
Et toujours en lien avec la communauté locale ?
Absolument. Nous collaborons aussi avec le Comix Homebase et le Hong Kong Arts Centre, très dynamiques dans la promotion de la bande dessinée locale. Et nous continuerons à accueillir les conférences du Centre d'Etudes Français sur la Chine Contemporaine (CEFC), qui viendra bientôt présenter un nouveau numéro consacré à Hong Kong.
On ne trouvera jamais ça sur un site
Un dernier mot ?
Nous croyons profondément à l’importance d’un lieu physique, où l’on peut toucher les livres, parler avec un libraire qui connaît ses rayons. Ce lien humain, cette mémoire collective, c’est ce qui fait de Parenthèses bien plus qu’une librairie : un espace de vie.
Sur le même sujet
