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Léa et Victor: "Nous avons rallié Poitiers à Hong Kong en voyage low carbone"

Ils l’ont fait ! Léa et Victor ont relié Poitiers à Hong Kong en train avec pour objectif de promouvoir le voyage bas carbone et l’alimentation végétale. À l’occasion de leur départ en septembre, Le Petit Journal les avait déjà interviewés. Ils sont arrivés fin novembre et nous racontent leurs aventures sur la route du Soja.

route du sojaroute du soja
De Poitiers à Hong Kong en train, une aventure éco-responsable
Écrit par Laureen Duchesne
Publié le 5 décembre 2023, mis à jour le 6 décembre 2023

On veut inspirer le plus de monde possible

Rappelez-nous comment est né ce projet ?

Léa : Ça s’est décidé en mai 2023. J’avais prévu d’aller en Géorgie en train et Victor voulait retourner à Hong Kong où il a étudié. L’imaginaire du train était présent depuis quelques années et on a préparé ça cet été, en bossant à temps plein tous les deux. On voulait construire un projet cohérent pour inspirer le plus de monde possible et faire taire tous ceux qui nous disaient « ce n’est pas possible » ou « c’est dangereux ». On voulait prouver que c’était possible. On a aussi voulu porter un message, pas juste voyager pour le plaisir donc on a orienté le voyage autour de deux axes : le bas carbone en train et l’alimentation végétale. C’est comme ça qu’est né notre projet « la route du soja » en clin d’œil à la route de la soie. 

 

Bilan carbone
Emissions totales de gaz à effet de serre pour relier Poitiers à Hong Kong en train 

Victor : Je suis passionné de tofu et je voulais me reconvertir professionnellement pour produire du tofu artisanalement en France mais il y a peu d’offres de formations en France. L’idée était de retourner à Hong Kong pour me former, tandis que Léa, formée à la pâtisserie végétale, voulait s’améliorer dans ce domaine à Hong Kong. 


Quel a été votre itinéraire et la durée ? Est-ce que tout s’est passé comme prévu ? 

Léa : En 2 mois et une semaine, on a traversé l’Europe, la Turquie, la Géorgie, la Russie, le Kazakhstan puis la Chine. Au départ, on ne voulait pas passer par la Russie mais la frontière de l’Azerbaïdjan et la Géorgie est toujours fermée (covid à priori) donc on a dû passer par la Russie, avec un visa de transit de 72h. C’était stressant et pas très agréable. Très peu de monde l’avait fait avant nous et on ne peut pas utiliser nos cartes européennes en Russie. On est passés par des zones un peu tendue comme la Tchétchénie, avec beaucoup de checkpoints militaires. Ce n’était pas prévu mais on n’avait pas le choix, et on ne s’est pas pour autant sentis en insécurité en Russie. En tant que femme, je n’ai pas ressenti d’insécurité sur tout ce voyage. Dans les trains de nuit, au contraire, on n’a eu que des très chouettes expériences, on a rencontré des gens très sympas et bien dormi. Je devais à la base faire le voyage seule jusqu’en Géorgie et les réactions étaient négatives (« c’est dangereux ») mais moi, je m’en sentais capable. 

 

Le trajet effectué

 

Victor : En temps normal, il y a deux itinéraires pour rejoindre l’Asie Centrale en train, soit par le Transsibérien en Russie soit par le sud et l’ancienne Route de la Soie. Mais ce n’est plus possible pour le moment d’avoir un visa pour la Russie donc c’est aussi pour ça qu’on a fait la deuxième option. Pour les délais, j’ajouterais que si tu veux aller très vite, tu peux relier Paris à Hong Kong en 2 ou 3 semaines. Et sinon en prenant le temps un mois et demi ou deux mois. Notre trajet a été 6 fois moins carboné que l’équivalent en avion. Et pour les imprévus, je pense que voyager à deux c’est aussi pouvoir se rassurer et se serrer les coudes en cas de galère. Notamment quand on a été malades. En termes d’insécurité, j’ai juste eu le vol de ma liseuse qui reste toujours un mystère à ce jour.

La plus grosse claque, ça a été la Chine !

Quel est le pays qui vous a le plus étonnés ? 

Léa : La plus grosse claque, ça a été la Chine ! C’est très différent de tout ce que je connaissais et au début il y a beaucoup d’inconforts car il faut toujours avoir des applications et il y a la barrière de la langue, mais c’est surtout beaucoup d’émerveillement, des paysages incroyables et sur le plan culinaire, c’était la meilleure expérience. Et j’ai été très impressionnée par le réseau de trains, très bien organisé, une absence de chaos, pas de retards, et des connexions multiples et très bonnes liaisons. J’ai aussi adoré la Géorgie pour les paysages dans les montagnes du Caucase. 

Victor : Je rejoins Léa et j’ajouterais que pour voyager sans avion depuis Hong Kong, la Chine c’est une chance exceptionnelle : on a traversé le désert de Gobi tout au Nord-Est, on est passés par Xi'an, l’ancienne capitale sous la neige, le Sichuan c’était la meilleure claque culinaire, et Guilin avec ses montagnes, c’était superbe. Et puis c’est très drôle d’arriver à notre destination finale en métro depuis Shenzhen. 

C’était l’un des objectifs de votre périple : découvrir des spécialités végétales à base de soja (d’où le nom « la route du soja »), racontez-nous vos découvertes.  

Léa : En Géorgie, une recette végétale qu’on a adorée c’est le lobiani, un pain fourré à la pâte de haricot rouge fumé, c’était trop bon. 

Victor : La région du Sichuan, c’était le feu pour la nourriture. Il y a deux plats emblématiques : les nouilles dàndàn avec une sauce au haricot noir fermenté, du poivre de Sichuan, piment, et traditionnellement avec du bœuf émietté mais remplacé par des shitakés émincés, et sinon l’autre spécialité, le mapo tofu.

On a créé une communauté de voyageurs bas carbone, rejoignez-nous !

Vous avez dû faire de belles rencontres tout au long de votre voyage ?

Léa : Avant de partir on a monté une communauté bas carbone de gens qui veulent voyager vers l’Asie sans prendre l’avion. On se fait une visio par mois pour échanger des conseils sur les visas, les trains, etc. On a rencontré certaines personnes de cette communauté en route, c’était très cool. 

Victor : Pour cette communauté, on a un Drive et un groupe WhatsApp, c’est une communauté ouverte. Et à terme, on voudrait rédiger une tribune pour parler d’autres façons de voyager et réfléchir aux autres moyens de faire du tourisme. Rejoignez-nous !

On est arrivés la nuit, on est allés sur la balade à TST et on s’est dit « on l’a fait » !

Vous devez avoir plein d’anecdotes, pouvez-vous nous en partager quelques-unes ?

Léa : Dans la Svanétie, région montagneuse de Géorgie, il y a une grande communauté de chiens errants. On a fait de la rando deux jours, et une chienne nous a suivis les 48 heures. Et quand on a dû repartir, elle a couru derrière le véhicule pendant 5 minutes. On l’aurait bien adoptée. J’ai aussi beaucoup aimé le Dogu Express de Ankara jusqu’en Anatolie, c’était le plus beau train en termes de paysages, avec un wagon restaurant très convivial, on a joué aux cartes, etc. C’était 24 heures de rêverie, de contemplations, de lectures, c’était génial. Une traversée de toute la Turquie pour 13 euros ! Autre moment marquant, c’est quand on est arrivés à Hong Kong, on était un peu émus, on est arrivés la nuit, on est allés sur la balade à TST et on s’est dit « on l’a fait », face aux buildings éclairés, il y avait beaucoup de fierté et d’émotions d’avoir montré que c’était possible. 

Victor : À notre entrée au Kazakhstan, on a failli rater notre plus long train, un train de 40 heures parce que l’horaire était indiqué au fuseau horaire de la capitale (une aberration de l’URSS), une heure à l’avance. Et sinon un de mes souvenirs les plus marquants, c’était de s’endormir dans un train dans le désert de Gobi et se réveiller sous la neige, dans l’ancienne capitale, Xi’an. 

Victor ça vous fait quoi d’être de retour à Hong Kong ? Léa, c’est la première fois pour vous, quelles sont vos impressions ?

Victor : J’ai une impression comme si je n’avais jamais vraiment quitté la ville. Je suis super content d’être de retour pour deux mois. 

Léa : J’ai eu une première impression très positive, un effet « wow », surtout le premier soir. Hong Kong est très impressionnant. Je suis excitée de rester deux mois et de découvrir des coins moins touristiques. 

Vous aviez chacun un projet, Victor vous former à la production de tofu artisanal et Léa à la pâtisserie végétale. Avez-vous fait de belles découvertes en ce sens lors de votre voyage et ici à Hong Kong ?

Victor : J’ai toujours envie de m’installer comme agriculteur et de produire mon tofu en France. Je n’ai finalement pas trouvé quelqu’un ici à Hong Kong pour me former mais j’ai trouvé une chouette formation à Taïwan, donc je vais aller là-bas après cette pause hongkongaise.  

Léa : Pour ma part, en pâtisserie végétale, je n’ai pas trouvé spatule à ma main. J’avais trouvé une pâtissière, mais ça ne s’est pas fait. J’ai contacté d’autres pâtisseries végétales mais finalement je vais travailler avec Frenchie Toquée et elle va peut-être me laisser proposer une ou deux options végétales. 

Il y a aussi des choses incroyables à faire en train sur une semaine ou deux

Qu’est-ce que vous retirez de toute cette expérience ? Et quelle est la suite de vos aventures ?

Victor : Je retiens que c’est faisable de faire un voyage aussi long en train, que ça peut se faire en peu de temps, j’ai été impressionné par la vitesse des trains. C’était hyper riche en termes de paysages, découvertes culinaires et rencontres. Et pour la suite, j’ai hâte de faire le voyage de retour car maintenant on est armés, ce sera plus facile au niveau des visas et démarches. Et aussi, je retiens qu’on a eu un seul cas de corruption mais sinon on n’a eu aucun problème de sécurité, très bonne surprise. N’importe qui peut le faire, dès que tu as les infos. 

 Léa : Comme Victor je retiens que c’est faisable et je suis fière de nous. La suite, ça va être Taiwan pour la formation de Victor et moi je vais voyager deux mois, seule en Asie du Sud-Est avant qu’on reparte ensemble. Et puis l’objectif c’est toujours de convaincre et d’inspirer le plus de monde possible, faire réfléchir au tourisme bas carbone. Et c’est réaliste, ce n’est pas seulement pour ceux qui peuvent avoir 6 mois de congés, il y a aussi des choses incroyables à faire en train sur une semaine ou deux. Ne sous-estimons pas l’effet boule de neige : peut-être que deux personnes qui ne prennent pas l’avion ça ne change pas la face du monde mais ça influence les autres et ça inspire.

 

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