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La loi sur les données personnelles à Hong Kong dénoncée par les géants de l'internet

carrie lam sur la loi anti doxxingcarrie lam sur la loi anti doxxing
Carrie Lam s'exprime sur la loi anti-doxxing à Hong Kong
Écrit par Bérangère Billois
Publié le 17 octobre 2021, mis à jour le 18 octobre 2021

Présenté en juillet dernier, le projet de loi visant à contrôler les cas de doxxing (ou divulgation de données personnelles) en ligne avait entraîné la réaction des géants de l’internet présents sur le territoire.

Retour et précisions sur cet amendement législatif adopté et publié vendredi 8 octobre.

Doxxing ou harcèlement en ligne à Hong Kong

Le doxxing désigne la divulgation de données personnelles d’une personne en vue de l’identifier, la localiser et l’exposer, elle ou sa famille, sur internet, facilitant dès lors le harcèlement dont elle pourrait être victime (menaces, usurpation d’identité, agression physique…). Cette pratique décriée s’est répandue dans Hong Kong lors des manifestations de 2019, lorsque — tant les manifestants que les partisans du pouvoir — avaient divulgué des informations (numéros de téléphone, adresse personnelle, immatriculation de véhicule), films et photos sur leurs détracteurs. Les sites de messagerie en ligne comme Telegram s’étaient multipliés pour dévoiler des informations sur les policiers infiltrés et sur leurs familles. Le site HK Leaks, dont les serveurs basés à l’étranger utilisent des hébergeurs anonymes et changent de domaines régulièrement, cible les Hongkongais qui ont selon lui violé la loi de sécurité nationale.

Tout en  faisant référence aux exemples de Singapour, de l’Australie, de Nouvelle-Zélande et du Canada, la loi anti-doxxing de Hong Kong vise à lutter contre le harcèlement en donnant davantage de pouvoirs au Bureau pour Protection de la Vie Privée et des Données Personnelles (Privacy Commissioner for Personal Data’s ou PCPD), qui peinait jusqu’ici à faire retirer par leurs auteurs ou plateformes en ligne les contenus incriminés en l’absence de « requêtes soutenues par le pouvoir juridique » et à tracer les sources. Ainsi, selon le gouvernement, « seulement 70 % des données » incriminées ont fait l’objet d’un retrait.

Central Government Complex Hong Kong
Central Government complex, Hong Kong, Photo@Unsplash 

Deux types de délits visés par la loi de Hong Kong sur le harcèlement

A Hong Kong, deux délits sont visés par la loi concernant le cyber-harcèlement : tout d'abord la divulgation d’informations personnelles sans le consentement d’une personne dans le but délibéré ou non de lui causer du tort. Dans ce cas, la peine prévue par la nouvelle loi va de 100 000 HKD d'amende à 2 ans de prison.  Ensuite, la divulgation d’informations personnelles visant au harcèlement de cette personne ou « doxxing » entraîne désormais une sanction allant de 1 000 000 HKD à 5 ans de prison.

La nouvelle loi prévoit que le Bureau pour Protection de la Vie Privée et des Données Personnelles aura tout pouvoir pour interroger des personnes et suspects, obtenir des informations de la part des fournisseurs d'accès, et saisir portables et matériels informatiques lors de fouilles de locaux, pour lesquels un mandat ne sera plus requis en "cas d'urgence". Le Bureau pour Protection de la Vie Privée et des Données Personnelles pourra imposer aux plateformes internet et à leurs employés de bloquer les contenus incriminés, sous peine de lourdes amendes et emprisonnement. Il pourra faire de même avec les plateformes à l’étranger lorsqu’il s’agit de ‘’message électronique''. Des pouvoirs très étendus sont ainsi conférés aux autorités hongkongaises.

cablage de serveur internet
Photo@Unsplash/Lars Kienle

Les géants de l’internet menacent de quitter Hong Kong

La coalition asiatique des plateformes internet (AIC - Asia internet Coalition) regroupant 13 sociétés de l’internet, dont Google, Facebook, Twitter, a exposé ses inquiétudes dans une lettre envoyée aux autorités hongkongaises en juillet dernier.

Tout en reconnaissant l’importance de se protéger contre le harcèlement en ligne, la coalition demande que « la portée de toute restriction sur le contenu et la liberté d’expression soit clairement définie ».

Concernant les pouvoirs étendus accordés au Bureau pour Protection de la Vie Privée et des Données Personnelles à Hong Kong, la coalition souligne le risque lié à une autorité recueillant à la fois les demandes et en charge de les condamner, disposant d’un pouvoir « similaire à celui de la police de Hong Kong elle-même (…) en décalage avec les développements internationaux en matière de protection de la vie privée. » 

En outre, la coalition a signalé que les pouvoirs d’investigation et de condamnation ne devraient pas pouvoir s’appliquer aux sociétés de services internet, plateformes neutres sans aucun contrôle éditorial sur les contenus de doxxing, n’étant pas elles-mêmes les auteurs des publications. La seule façon d’éviter ces sanctions pour les entreprises technologiques, et leurs opérateurs directement assujettis à cette nouvelle loi, serait selon ce communiqué de s’abstenir d’investir et d’offrir leurs services à Hong Kong, privant ainsi les entreprises et les consommateurs de prestations internet. Dix jours après la publication de la loi, AIC n’a pas fait de commentaire.

LOI ANTI-DOXXING HONG KONG
Photo@unsplash/Animated Heaven

Que dit l’Europe sur le doxxing ?

La Chine et Hong Kong ne sont pourtant pas les seuls pays du monde à vouloir légiférer sur le harcèlement en ligne, même si les pouvoirs donnés par la nouvelle loi sont comparativement très étendus. La plupart des nations du monde s’intéressent à ce sujet et projettent pour une partie d’encadrer les pratiques sur internet. Ainsi la Commission Européenne présentera le 15 décembre son projet de DSA, « ’Digital Services Act », imposant à toutes les plateformes numériques l’obligation de s’assurer de disposer de moyens suffisants et efficaces pour éviter les abus. Les sanctions et amendes prévues seront lourdes, pouvant aller jusqu’au blocage de l’accès de tout ou partie du service. 

En France, le cyber-harcèlement est aussi puni de 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende, une peine relevée à 5 ans de prison et 75.000 euros d’amende lorsque la victime visée est un fonctionnaire ou chargée d’une mission de service public, un journaliste ou une personne vulnérable (femme enceinte, personne handicapée ou mineure…). 

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