Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Benjamin Taunay : "Les Chinois à la plage en Chine"

Le tourisme balnéaire en Chine est en pleine expansion. Benjamin Taunay, géographe et directeur du Centre d'Etudes Français sur la Chine Contemporaine à Hong Kong, vient de cosigner avec le sociologue Christophe Guibert un ouvrage consacré à ce sujet. Nous l'avons rencontré pour évoquer leur livre.

plage chineplage chine
Des Chinois à la plage (@Benjamin Taunay)
Écrit par Iris Martet
Publié le 27 février 2024, mis à jour le 28 février 2024

Entre une collection artistique et un travail scientifique

De quoi parle “Les Chinois à la plage en Chine” ?

Les pratiques de plage des Chinois en Chine sont influencées par la culture, la société et la géographie. Dans ce livre, qui est illustré de nombreuses photos, Christophe Guibert et moi-même explorons comment les Chinois passent leur temps à la plage et ce que cela signifie pour eux sur le plan physique. Les photos ne sont pas seulement là pour être belles, elles nous aident à comprendre les différences culturelles en nous montrant un point de vue différent sur les plages. 

Comment est organisé cet ouvrage ?

Ce livre fait suite à une exposition, organisée en 2017, fruit de dix ans de travail avec Christophe Guibert sur différentes plages chinoises. Nous avons choisi d’utiliser des photos, car ces dernières sont parfois plus parlantes que le texte. On sort alors par ce biais du schéma scientifique classique pour faciliter l'accès à un large public. Cet ouvrage est dans ce sens à mi-chemin entre une collection artistique et un travail scientifique. L'épaisseur du livre est inversement proportionnelle au temps passé. 

Les Chinois qui ne savent pas nager vont quand même se baigner

Dans ce cas, quel a été l'élément déclencheur de l'écriture ?

L’histoire débute il y a vingt ans, lorsque je suis arrivé dans le sud de la Chine, et que j'ai découvert une station balnéaire. C'était l'une des seules stations à l'époque orientée vers le tourisme international, mais nous y reviendrons. J’y ai alors rencontré des situations auxquelles je n'étais pas habitué : les personnes qui déambulent le long de la plage, qui prennent un bain habillé, etc. Avec Christophe, nous avons tenté d'expliquer les différents comportements. En parallèle, nous avons travaillé à compter le nombre de personnes sur la plage par jour et avons découvert que les pics de présence n'étaient pas les mêmes que dans d'autres pays. En effet, si en Chine les plages permettent le bain , elles sont fréquentées par de nombreuses personnes qui ne savent pas nager. Cela explique la place occupée par les bouées et les cordes. 

chinois plage
@Benjamin Taunay

Quels sont les autres phénomènes qui diffèrent des pratiques occidentales ?

Il y a par exemple ce que nous nommons “le paradoxe de la peau blanche”. Les Chinois, surtout les femmes, cherchent à ne pas bronzer, selon des canons de beauté qui n’ont pas bougé depuis des siècles. Ainsi au Moyen-Age, les femmes de l'aristocratie étudiaient dans une pièce située au fond de la maison. Elles étaient considérées comme de bons partis, ne sortant pas en étant éduquées. Cette image de la femme distinguée a perduré. Aujourd'hui, même si l'on veut se baigner, il reste important de paraitre distinguée. C'est pour cela que beaucoup cherchent à se protéger du soleil : grand chapeau, manches longues, parasol, ou facekini, autrement dit la cagoule de plage, que l'on voit sur la couverture du livre. Ces clichés ont tendance à disparaitre avec l'arrivée de la nouvelle génération. 

Vous dites que de nombreuses personnes ne savent pas nager. En quoi la notion de sécurité est différente entre la Chine et l’Occident ?

On retrouve ici plusieurs éléments. Il y a une surveillance qui est là et se manifeste clairement, notamment par le biais de nombreuses interdictions. Les règles évoluent en temps réel, du fait de la massification du tourisme. La régulation des plages permet d'encadrer et donc de protéger les baigneurs, dont beaucoup ne savent pas nager. Via ces règles aussi nombreuses, le gouvernement cherche aussi à se protéger. L'organisation administrative en Chine est très horizontale avec une large délégation de pouvoir aux gouvernements locaux. La responsabilité d'une catastrophe pouvant être imputée aux fonctionnaires locaux, il s'agit de préserver leur poste. La réglementation est par conséquent très visible, la présence de voitures de police fréquente sur les plages, afin de protéger tout le monde. 

facekini
Les facekini ou "“masque tête de démons” (photo de couverture de "Les Chinois à la plage en Chine")

La culture balnéaire était historiquement tournée vers l'international

Le tourisme de plage en Chine est récent. Pourquoi ? Comment se développe-t-il ? Comment voyez-vous la situation dans plusieurs années ?

Il y a eu par le passé beaucoup de tentatives de développer le tourisme dit balnéaire sur le territoire chinois. Ainsi dans les années 90, Hainan a commencé à être vendue comme une station balnéaire internationale. Malheureusement cela n’a pas décollé, malgré les efforts et les investissements. Les stations balnéaires ont commencé à décoller lorsque le gouvernement a commencé à communiquer vers les touristes chinois et stimulé la mise en place de circuits. Ce programme a accompagné les premiers congés payés chinois mais c'est dans les années 2010 qu'a eu lieu le véritable essor en la matière.

Que dire du tourisme international dans les stations balnéaires chinoises ? 

En fait, les premières stations balnéaires chinoises visaient le tourisme international, même si le succès a été mitigé sur ce plan. Certaines stations, comme Hainan, ont la réputation d'être  des stations “internationales” avec des touristes non majoritaires venant plutôt d’Asie : Japonais, Taïwanais, Coréens, etc. La Chine soutient aujourd'hui le tourisme des Chinois vers d'autres pays. Cette politique répond à des enjeux géopolitiques, permettant d’entretenir de bonnes relations avec les pays voisins. 

Le "faceskini" reste un cliché

Un mot ou une anecdote sur la rédaction du livre ou son contenu pour conclure ?

J’ai peu parlé ici des facekini ou cagoules de plage. J’en ai surtout observé à Qingdao. On voyait là-bas des femmes sortir de l'eau la tête recouverte. Sur la plage, les touristes chinois avaient régulièrement un réflexe de peur en les voyant. Cet accessoire est devenu emblématique du fait des réseaux sociaux mais ne concerne au final qu'une minorité. Nous avons posé des questions aux vendeurs sur plage à ce sujet, mais plus personne ne vend de “masque tête de démons” car cela fait peur aux touristes. 
 

Benjamin Taunay dédicacera son livre ce jeudi 29 janvier à la librairie Parenthèses 2 rue Wellington à Central à partir de 18:30

Flash infos

    Pensez aussi à découvrir nos autres éditions