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TEMOIGNAGE - Apprendre le cantonais pour se rapprocher des Hongkongais

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 19 décembre 2012, mis à jour le 21 octobre 2013

Claire, infirmière de formation, vit à Hong-Kong depuis septembre 2011. Elle y a découvert  la vie d'expatriée en quittant la France avec son époux et quatre de ces cinq enfants. Jusque-là, son mari faisait seul les allers retours vers l'étranger, imposés par sa profession. Elle est arrivée en Asie sans connaître ce continent, mais avec l'envie de comprendre et de découvrir cette terre d'accueil pour s'intégrer autant que possible. C'est au marché que tout s'est compliqué ! Elle livre son expérience de l'apprentissage du cantonais au PetitJournal.com de Hong-Kong.

La langue de Hong Kong

Le cantonais est la troisième langue chinoise en nombre de locuteurs, après le mandarin et le wu. Il est parlé par plus de 70 millions de personnes, essentiellement dans le sud de la Chine, au même titre que le wu, le gan, le xiang, le hakka et le min. C'est bien sûr la langue officielle de Macao et de Hong-Kong mais aussi majoritairement celle de la diaspora chinoise. 97 % de la population hongkongaise parle le cantonais et le manifeste comme élément de différenciation d'avec la Chine continentale. S'il est moins parlé que le mandarin en Chine, il reste néanmoins une langue très importante mais aussi très difficile à apprendre.  Le cantonais est très distinct du mandarin : un vocabulaire en grande partie différent, une prononciation beaucoup plus variée du fait des neuf tons, une structure différente et un nombre conséquent de particules qui n'existent pas en mandarin. Heureusement, à l'écrit cela devient plus facile grâce aux caractères qui sont identiques.

Lepetitjournal.com : Quelle était votre motivation pour apprendre le cantonais en arrivant à Hong-Kong ?

Claire : Essentiellement la vie quotidienne. On m'avait dit : "tu verras à Hong-Kong tout le monde parle anglais". Ce qui est complètement faux dans la vie quotidienne. Particulièrement dès que l'on est éloigné de Central ou Causeway Bay. La plupart des Hongkongais parlent un anglais particulièrement difficile à comprendre. Lorsque je demandais aux chauffeurs de taxi d'aller à "Red Hill", ils ne comprenaient jamais. Il fallait alors discuter, sortir le plan. C'était compliqué même pour des choses simples. Le second élément, c'est que je n'avais pas de helper et que je faisais tout par moi-même. Je suis rapidement allée faire le marché. Je faisais les déplacements en minibus, en taxi. J'avais beaucoup de contacts humains avec des personnes qui ne parlaient pas forcément l'anglais ou qui du moins, ne le parlaient pas suffisamment bien pour que l'on se comprenne. J'aurais pu me simplifier la vie, prendre une helper tout de suite, l'envoyer partout et laisser faire. Mais ce n'était pas ma façon de voir ou de faire. Moyennant quoi ça n'a pas été simple du tout.

Comment cela se passait-il sur le marché ?

J'allais au marché de Shau Kei Wan. Il est très bien achalandé, avec des produits d'une excellente qualité et des prix inférieurs de moitié par rapport aux supermarchés du centre. Il y avait plein d'incompréhensions entre les marchands et moi. Je voulais certaines quantités de choses et les gens ne voulaient pas me les donner. Je ne comprenais pas ! J'avais plein de petits écueils, pas uniquement au niveau de la langue, mais aussi au niveau de la vie, de la façon d'être, de faire. Il me semblait qu'il y avait un autre barrage que le barrage linguistique. J'ai rapidement ressenti que le cantonais était une nécessité lorsque l'on est en contact en permanence avec les Hongkongais de la rue. C'était aussi pour moi une façon de m'intégrer, d'aller vers les gens.

Je ne vis pas du tout dans environnement francophone. Je descendais du bus à Shau Kei Wan, un quartier encore moins francophone. C'est très rapidement devenu une nécessité à la fois intellectuelle et psychologique. Je discutais avec les helpers de mes voisines qui elles-mêmes parlaient un petit peu le cantonais. Chez le poissonnier par exemple, lorsque je lui parlais en anglais, il demandait à sa voisine qui était bouchère et philippine de traduire ce que je voulais ! Quand j'achetais du poisson et que je ne voulais pas la tête du poisson, il ne comprenait pas. Ensuite, j'ai compris pourquoi.

Pourquoi avoir choisi le kit de survie en cantonais de Carrousel ?

Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ces cours, c'est que cela ne se cantonne pas du tout uniquement au niveau de la langue. J'ai beaucoup appris sur la façon de parler des Cantonais. Car en fait les cantonais parlent anglais avec leur accent et leur façon cantonaise. En cantonais, la dernière consonne d'une syllabe courte est toujours avalée. Par exemple "Red Hill", c'est deux mots très courts, chacun avec une consonne à la fin et avec une voyelle juste avant. Alors en cantonais ça devient : "Re Hi" ! Voilà, cela donne aussi des clés pour comprendre l'anglais parlé par les Cantonais. Ça permet de faire des liens.

Est-ce que l'on progresse facilement ?

Dans un premier temps il fallait travailler les sons, la transcription phonétique puis on a ensuite abordé la langue par le biais de thématiques. Carrousel utilise un système phonétique de romanisation du cantonais. Les cours ont débuté en novembre à raison de trois heures, une fois par semaine pendant cinq semaines. C'est sous la forme d'un module très dense. Cela demande un important travail en dehors des séances de cours pour ancrer les bases. Il faut poursuivre seul d'une semaine à l'autre avec l'aide une bande sonore. Le rythme est très soutenu. J'ai débuté avec des listes de mots traduits phonétiquement que j'ai appris à prononcer à la cantonaise. Ensuite pour chaque thème, on découvrait des phrases types qu'il fallait répéter puis essayer d'en construire d'autres. Les intonations sont très simplifiées, on en apprend quatre ou cinq sur les neuf du cantonais. J'ai pu comprendre la construction grammaticale et m'en resservir ensuite. C'est une excellente passerelle. Un kit de survie, en fait !

Plus que la langue, la culture ?

Au départ, j'avais besoin des bases. Il était essentiel pour moi d'apprendre les chiffres, les quantités, de déchiffrer les unités de  mesure. J'ai pu comprendre enfin les étiquettes du marché. Les cantonais vont facilement une à deux fois par jour au marché, alors que nous c'est plutôt une à deux fois par semaine. Avec mes six bouches à nourrir, mes quantités sont énormes et c'est pour cela qu'au début qu'ils ne voulaient pas me servir ! Pour eux, il y avait forcément une erreur. En fait, les cours étaient aussi l'occasion de parler de la façon de faire et d'être des hongkongais, de saisir les attitudes et ce qui crée des incompréhensions, ce qui les choque chez les européens aussi. A travers la langue, j'ai compris l'esprit et c'était pour moi le plus grand apport. On a aussi beaucoup parlé d'éducation, de valeurs. J'ai appris des choses intéressantes sur le fonctionnement de l'école, sur la façon de travailler des Chinois.  

Et après? ?

Il est très difficile de poursuivre seul, même avec énormément de volonté. Dans un premier temps, j'ai cherché un manuel d'apprentissage. Il en existe en anglais mais pas du tout en français. C'est d'ailleurs une langue bien plus proche de l'anglais que du français dans la prononciation et la construction grammaticale. Le manuel était axé sur des situations qui ne m'apportaient  pas d'aide au quotidien. Du coup, j'ai assez rapidement arrêté. Et le cantonais étant très difficile à apprendre, il se perd aussi très rapidement ! Mais je l'entretiens sur le marché.

Des conseils ?

Il faut faire cet apprentissage dans l'idée de s'ouvrir autant à la langue qu'à la culture. Cela donne énormément de clés de compréhension. Ça demande pas mal de travail personnel dont il ne faut pas avoir peur car c'est tout à fait gérable. C'est une excellente immersion qui va bien au-delà de la langue. Mais il faudrait poursuivre?

Nous découvrirons dans un prochain article, un apprenant en cantonais qui étudie dans une école hongkongaise.

Sophie Delorme (www.lepetitjournal.com/hongkong.html), mercredi 19 décembre 2012

Crédits photos : SD

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Publié le 19 décembre 2012, mis à jour le 21 octobre 2013

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