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Être né d'une double culture, comment le vit-on? Est-ce un atout ou une difficulté ? Lepetitjournal.com est allé à la rencontre d'adolescents franco-hongkongais pour connaitre leur expérience et leur vision de la bi-culturalité.
Dans l'ensemble, les lycéens interrogés vivent plutôt bien leur double culture, dont ils voient surtout les avantages. Majoritairement, ils considèrent que cette double appartenance est une chance même si souvent ces jeunes se sentent plus proches d'une culture que de l'autre. Les liens tissés avec leurs cultures d'origine sont souvent fonction des circonstances : du pays où ils vivent, de la nationalité du parent le plus présent, de la langue de scolarisation, de celle parlée au domicile, de la présence ou non de la famille élargie, des amis qu'ils fréquentent.
Une richesse plurielle
Appartenir à deux cultures est avant tout vécu comme une richesse par ces Franco-hongkongais. Avoir des parents issus de deux pays différents, cela veut souvent dire parler deux langues mais c'est aussi être exposé au sein de sa famille à divers savoirs et expériences (croyances et pratiques religieuses, cuisines?). Les lycéens rencontrés connaissent ainsi les noms des principales divinités chinoises, tout en étant fortement imprégnés des valeurs judéo-chrétiennes. Ils vivent quotidiennement dans deux univers culturels, passant sans problème de l'un à l'autre. Pour la nourriture, par exemple, ils peuvent manger français le midi à l'école et le soir déguster un plat traditionnel chinois à la maison. De la même manière, ils savent jongler entre les codes, vivre leurs relations familiales et leurs amitiés sur deux modes distincts. Changer leur façon de parler ou d'agir en fonction de la personne à laquelle ils s'adressent.
"A Hong Kong, le mode de vie est différent de celui de Paris: les gens sont plus sérieux, concentrés sur leurs études. », explique Victor, 19 ans. « Les sorties entre amis sont moins fréquentes. Les gens sont plus respectueux les uns des autres et en particulier des personnes plus âgées. Beaucoup de familles hongkongaises rassemblent encore sous un même toit plusieurs générations. "
Double empathie
Mais quelques soient les comparaisons qu'ils peuvent établir au détriment de l'une ou de l'autre culture, ces jeunes adolescents sont tous très fiers de leur double appartenance. Ils se reconnaissent aussi bien dans la culture hongkongaise que française, faisant preuve d'une double empathie. Car la double culture, c'est aussi une gymnastique, une plasticité, la capacité d'appréhender le monde avec plusieurs points de vue. Victor s'amuse de ces différentes grilles de lecture, changeant de prisme quand il le souhaite. « On peut prétendre être français ou hongkongais selon ce qui nous arrange et même les deux! », explique le jeune homme. « Cela apporte beaucoup et ne fait perdre rien par rapport à une culture unique. » Comme Victor, Abelia, 16 ans, aime jouer de ses deux composantes mais s'avoue incapable de renier l'une ou l'autre. "Je ne pourrais jamais choisir entre mes deux nationalités, j'appartiens aux deux. C'est comme si on me demandait de choisir entre mes deux parents! "
« Différents »
Etre issu de deux cultures, c'est aussi très valorisant pour ces adolescents qui suscitent la curiosité de leur entourage. Vincent, 16 ans, se sent ainsi « différent » des ados métropolitains qui parfois cherchent à comprendre son mode de vie et de pensée. "Quand je rentre en France l'été, je rencontre des gens qui me questionnent sur ma double identité. De ce fait, je suis différent à leurs yeux."
C'est pourquoi certains se voient un peu comme des "passeurs de cultures", transmettant à leurs proches et à leurs amis des histoires, des notions qui leur sont inconnues.
Cependant, cette « différence » n'est pas toujours si facile à vivre à un âge où l'on se cherche et où l'on a besoin d'être rassuré sur son identité. Il arrive ainsi que certains se sentent exclus, incompris, qu'ils aient peur de ne pas être acceptés. Quand on est à la fois d' « ici et de là-bas », il peut être difficile de se situer, de se définir. La plupart de ces jeunes franco-hongkongais vivent entre deux terres, celle où ils habitent et celle où ils retournent pour les vacances. C'est parfois déstabilisant pour ces adolescents car le manque se fait toujours sentir. Loin de la France, Abelia souffre ainsi quelquefois du mal du pays. "Habitant à Hong Kong, certaines choses me manquent comme la gastronomie, le climat, les paysages, les visages même les supermarchés !"Ce manque comme le sentiment d'appartenance varie aussi au gré des évènements. L'actualité récente a ainsi bousculé les sentiments de Jade, 18 ans. "Pendant les attentats terroristes à Paris, je me suis sentie 100% française et pendant la Révolution des Parapluies à Hong Kong, j'avais l'impression d'être complètement hongkongaise."
Troisième culture
Mais, même fluctuante, cette double appartenance reste pour la jeune fille une chance immense, une ouverture au monde et un atout exceptionnel qui ouvre la voie à une troisième culture. "Etre né d'une double culture facilite l'immersion dans une culture tierce.", affirme la bachelière. "En effet, pour des personnes déjà habituées à deux cultures, s'ouvrir à une troisième est plus facile. Elles ont la capacité de comprendre et d'accepter des valeurs et des mondes différents. Elles font preuve d'une plus grande ouverture d'esprit. En vivant dans un lieu de culture différent de celle de leurs parents, ces adolescents deviennent des enfants de la Troisième culture."
Pauline Flaviano (www.lepetitjournal.com/hong-kong) mercredi 24 août 2016