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INTERVIEW - Philippe Ramette, retour à Hong Kong d’un Poète en apesanteur

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 3 mai 2011, mis à jour le 28 février 2015

Dix ans après sa célèbre traversée de la baie de Hong Kong sur un balcon de bois flottant à l'horizontale, immortalisée par le photographe Marc Domage, Philippe Ramette a inauguré le 27 avril 2011 une exposition sur l'Avenue des Stars à Tsim Sha Tsui. Nous l'avons rencontré, tour à tour sculpteur, dessinateur ou photographe, jouant sur les apparences, le trompe-l'?il et l'apesanteur

Lepetitjournal.com : Qu'est-ce qui vous a mené à la photographie?
Philippe Ramette : Le travail photo pour moi a toujours existé mais ponctuellement au départ. Je me faisais photographier utilisant des objets que j'avais créés, des objets à réflexion, comme l'objet à voir le chemin parcouru, l'objet à voir le monde en détail, la boite à isolement? Je considérais certains plus photogéniques que d'autres. La photo intervenait alors comme un complément visuel qui pouvait accompagner ces objets et être compris comme une sorte de certificat visuel, garant de la fonctionnalité de ces objets.

Philippe Ramette (deuxième en partant de la droite) entouré du Consul Général de France à Hong Kong, de son épouse et de Wendy Siu, membre du Conseil d'Administration de l'Alliance Française, autour de la photographie du Balcon réalisée à Hong Kong

Il y a une histoire derrière chaque photo. Pourriez-vous nous raconter celle de la photo Balcon 2 réalisée en 2001 à Hong Kong ?
Je suis venu à Hong Kong et j'ai fait des rencontres qui ont participé à la réalisation de ce Balcon. Il y a eu notamment une discussion, avec un expatrié français, qui me parlait d'un bateau qui avait coulé et dont ne sortait de l'eau que l'échelle. Et là, j'ai vu le dessin du Balcon à Hong Kong. C'était devenu une évidence. La préparation fut longue et ça n'a été possible que grâce à l'Alliance française et sa directrice, Claire Berger-Vachon, et aussi grâce à un architecte qui habitait Hong Kong à l'époque, Edouard Villevaux et qui m'a expliqué avec beaucoup de patience le principe de la poussée d'Archimède. Il a construit une sorte de balcon spécial, avec une armature métallique sous l'eau qui permet un lestage. Marc Domage, le photographe, a pris plus de 200 clichés ; seuls trois ou quatre convenaient. Les conditions climatiques étaient très difficiles. Il y a eu une percée dans les nuages qui a apporté une lumière assez étrange. J'ai beaucoup d'affection pour cette photographie, elle est chargée de cette part de hasard chanceux.

Il y a une grande différence d'échelle dans certaines de vos photos, dans lesquelles vous placez des personnages propres sur eux, presque crispés, dans des contextes décalés. Qu'est-ce qui vous attire dans ce décalage ?
Mes premières photos étaient assez inspirées par Le Voyageur contemplant une mer de nuages, de Caspar David Friedrich. Cela a beaucoup influé sur la construction de ces photographies. Ayant recours au dessin, je dois aussi avoir des habitudes et des réflexes qui font que, effectivement, dans mes dessins préparatoires, il y a des proportions et des angles identiques. Je pense que c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles j'ai mis le travail photo en sommeil depuis quelques années. J'ai eu l'impression de rentrer dans une logique de série. Je voudrais revenir à une logique de photo plus unique. Les Éloges de la paresse ou les Balcons sont des photographies pour lesquelles j'ai une affection particulière. Et il y a un message. Les Éloges de la paresse ne sont pas des éloges de la fainéantise, mais bien de la paresse, au sens noble du terme, une paresse constructive, le luxe qu'on peut s'accorder à la contemplation et à la méditation.

Philippe Ramette décrit l'une de ses photographies (Photo: L. M.)

D'où vient l'éloge de la contemplation et du décalage, commun à la plupart des photos ?
Je pense que le point de départ, c'est le Balcon n°1. C'est un rêve que j'ai fait et que j'ai dessiné au matin. Et puis j'ai attendu l'opportunité et le lieu qui me permettrait de reconstituer cette image. Au début, le Balcon était exposé et laissé à disposition des visiteurs, comme une sculpture. Mais la finalité était pour moi la réalisation de la photo qui correspondait à l'image que j'avais eu dans mon rêve. C'est devenu une série qui s'est construite sur plusieurs années. Mon intention, c'est de faire sept ou huit photos du balcon, qui seront une sorte de portrait à l'échelle de ma vie.

Vous êtes souvent dans des positions qui défient l'apesanteur. Est-ce un exercice physique ?
C'est sollicitant. En particulier les photos sous-marines sont assez compliquées, parce que je suis en apnée. Il y a toujours un plongeur hors-champ qui vient très vite dès que je l'appelle pour me donner de l'air. Ça passe par un petit coup de stress, d'autant que je n'y vois rien. Ces photographies ont demandé pour Marc et moi une formation d'un mois dans une piscine à Paris. J'ai eu la chance de rencontrer des plongeurs exceptionnels, qui m'ont avoué après que nous avions transgressé des règles élémentaires de plongée mais ils nous ont fait confiance.

La couverture du magazine Paroles, édité par l'Alliance française, avec une reproduction de L'éloge de la Paresse de Philippe Ramette

Comment êtes-vous arrivé à l'art en général ?
En fait je suis d'abord un sculpteur, j'espère que ce n'est pas pris comme un déni de la photographie. C'est difficile d'identifier ce qui précisément m'a mené à l'art. C'est une succession de hasards et de rencontres, et peut-être, je l'espère, quelques prédispositions. J'ai le souvenir d'avoir toujours dessiné, d'avoir passé beaucoup de temps, enfant, à me raconter des histoires. Le dessin est le noyau de mon travail. Quel que soit le projet, il y aura toujours pour origine un dessin. La photographie, elle, est un médium. Quand je dois parler de mon travail, je le visualise comme une sorte de territoire ; et à l'intérieur, il y a des départements : le département photographique, le département dessin? C'est un territoire à l'intérieur duquel je vais en fonction de ce qui me semble être important de réaliser. C'est très intuitif. Je n'ai pas réalisé de photos depuis 2006. Après une exposition à Genève, qui avait un léger parfum de rétrospective, j'ai eu besoin de m'accorder le luxe d'une année de réflexion. Mais je reviendrai à la photographie, je ne tourne jamais définitivement de page.

Et quelles sont vos inspirations, vos influences ?
J'ai toujours beaucoup de mal à répondre à cette question, parce que j'ai l'impression de ne pas avoir d'influence consciente, c'est plutôt une sensibilité. Par exemple, Truffaut et la série de films qui commence par Les 400 coups ont beaucoup d'importance pour moi. Le jeu d'acteur de Jean-Pierre Leaud aussi. Il y a une sorte de magie permanente, comme si quelques fois on ne pouvait qu'effleurer le magique avant le retour à la réalité. Dans mon travail photographique, j'utilise un processus rationnel pour arriver à un résultat irrationnel, ou, j'espère, poétique.

Restez-vous quelques temps à Hong Kong ?
Je suis très touché par cette exposition, mais le hasard de mon calendrier fait que je ne peux pas rester très longtemps. Depuis que je suis arrivé, je me dis que j'aimerais bien refaire quelque chose à Hong Kong. Il y a une ambiance tellement particulière, j'aimerais revenir plus tranquillement, par moi-même. C'est une ville qui porte un esprit assez particulier, exceptionnel, propice à des moments de poésie.

Propos recueillis par Laurence Huret et Lisa Melia (www.lepetitjournal.com/hongkong.html) mardi 3 mai 2011

The Upside Down World of Philippe Ramette
Du jeudi 28 avril au dimanche 29 mai
Avenue des Stars, Tsim Sha Tsui
Présenté par l'Alliance française de Hong Kong

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Publié le 3 mai 2011, mis à jour le 28 février 2015

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