Christian Soulard est proviseur du Lycée Français International de Hong Kong depuis cinq ans. Avant de prendre ses nouvelles fonctions à Singapour dès la rentrée scolaire de 2017, il revient dans cette interview sur les réalisations, l'équipe, les élèves du LFI et les grands défis au cours de son mandat.
Christian Soulard, vous venez de passer cinq années au LFI, avant d'arriver à Hong Kong, quel était votre parcours ? L'avez-vous toujours consacré à l'Education ?
J'ai été enseignant en mathématiques pendant 27 ans, j'ai eu des classes de la sixième à la terminale, à l'étranger comme en France et j'ai même enseigné à l'école des sous-officiers à Casablanca. Depuis maintenant 14 ans je suis dans le personnel de direction. Donc quarante ans de carrière ! Comme proviseur, j'ai commencé dans le sud-ouest de la France, dans un lycée scientifique et technologique, à Aire-sur-l'Adour, c'était une très belle expérience. Puis, je me suis retrouvé au lycée franco-australien de Canberra, juste avant Hong Kong. C'est un lycée totalement à part, avec une origine politique entre la France et l'Australie suite au moratoire sur les essais nucléaires. Finalement, j'ai un parcours assez marqué sur le côté anglo-saxon, ce qui est très utile car le LFI comprend une filière internationale ainsi qu'une section internationale américaine au sein de la filière française. A l'issue de mon mandat en juin, je prendrai mes fonctions au Lycée Français de Singapour.
Quand on regarde ces 5 ans, on voit beaucoup la croissance du lycée. De 2.300 élèves en 2012, le LFI en attend 2.680 à la rentrée 2017, comment arrivez-vous à gérer ce flux ?
Pour vous donner un autre ordre d'idée, quand je suis arrivé, nous avions 59 élèves de terminale présentés à l'épreuve du baccalauréat. Cette année, on va en présenter 105. En effet, l'un des sujets essentiels a été l'accompagnement de la croissance. C'est toujours compliqué de la prévoir. On a eu historiquement une croissance exponentielle dans un premier temps, et elle s'est ralentie un peu après, mais toujours avec une hausse. Il y a un glissement générationnel et on le voit avec les effectifs du primaire plus importants que ceux du secondaire. Il a fallu prendre un certain nombre de mesures pour accueillir tous les élèves arrivants. Outre les classes et les enseignants, on avait aussi la contrainte de l'espace. Nous sommes à Hong Kong, et ici on construit en hauteur, nous n'avons pas d'espace à l'horizontale comme à Canberra.
Ce dont nous sommes fiers est le principe de ce lycée : on a toujours accueilli tous les enfants français, du CP jusqu'à la terminale, sans exception.
On est pas loin du casse-tête en termes d'organisation ?
C'est un défi très important car il signifie des transferts d'élèves, de professeurs, de moyens. On est passé de deux sites jusqu'en 2010, à quatre aujourd'hui. Surtout, nous avons eu un grand événement qui est l'obtention d'un terrain à Tseung Kwan O. Je suis très heureux de ce succès et tiens à souligner le travail de collaboration très étroite entre le comité des parents, le consulat général et l'équipe de direction. Les trois se sont véritablement unis pour se dire : il faut y arriver ! Le travail a été payant puisque nous avons ce nouveau terrain depuis 2015. Les travaux ont commencé l'année dernière et le site sera livré pour la rentrée 2018.
Malgré ces changements, le LFI a des résultats impressionnants ? Quelle est la formule magique?
L'année dernière, nous avions aussi 105 candidats au baccalauréat, pour 46% de mentions Très Bien, et plus globalement trois quarts des élèves avaient plus de 14 de moyenne. Nous avons des élèves brillants, il faut le dire. Mon grand slogan, c'est de leur dire : « Ayez de l'ambition, mais ne soyez pas prétentieux ». Être ambitieux est une belle chose, c'est bien de vouloir réussir, de se déterminer sur des choix qu'on a fait. Mais il n'est pas écrit qu'on va tous faire Polytechnique, ce n'est pas l'idée. On veut que nos élèves réalisent leurs propres ambitions, se réalisent.
A ce titre, nos équipes pédagogiques sont très investies, elles donnent tout pour que les élèves réussissent au maximum de leur potentiel. Ce qui est important, c'est que non seulement nous avons des élèves qui réussissent brillamment, mais en plus nous avons des élèves qu'on réussit à faire réellement progresser.
Est-ce que la réussite de vos élèves se poursuit après qu'ils aient quitté le lycée ?
Outre les examens, nous sommes très soucieux de l'orientation. J'ai la franche sensation que les orientations sont de plus en plus qualitatives.
50% des élèves partent vers la France, pour l'autre moitié à l'étranger il y en a 25% au Royaume-Uni. L'an dernier, on a eu 8 orientations vers Sciences Po, et 3 vers Cambridge. Ce sont des formations très prestigieuses. Le même mouvement est en train de s'opérer au niveau de la section internationale avec de très bons résultats à l'IB (International Baccalauréat).
Très important également, nous avons une option art au lycée, en terminale. L'an dernier nous avions 14 élèves dans l'option dont 8 se sont orientés vers des formations artistiques : Atelier de Sèvres, London College of Fashion, University of the Arts London...
Ambition, épanouissement, vous parliez de l'art, occupe-t'il une place importante au sein du LFI ?
Pour les activités artistiques, on a des événements qui rythment l'année scolaire. Avec les Art Weeks, les enseignants prennent en charge des semaines artistiques qui sont devenues de vrais rendez-vous créatifs. C'est dans le projet pédagogique et dans le projet d'école. Ici à Blue Pool, on a différentes expositions. Il y a un atelier artistique, il y a le travail des élèves du collège, le travail de la section internationale qui a une option art, celle du baccalauréat français? Oui, on peut dire que l'art occupe une place importante ici.
A coté de ça, nous avons des activités sportives, théâtrales. Une autre que j'aimerais souligner, l'activité debating, on envoie nos élèves au Model of United Nations de Singapour par exemple. Cette année, sur 19 récompenses attribuées lors du débat, 10 étaient pour des élèves du LFI.
Vous avez également de nombreuses initiatives sur l'environnement.
C'est une thématique indispensable aujourd'hui. Au lycée, nous ne souhaitons évidemment pas passer à côté. Pour moi, le point culminant était l'année dernière, où nous avions organisé une COP21 junior, sur deux jours. Il y avait des ateliers, des conférences, des interventions de VIP et des propositions à la clé qui ont ensuite été envoyées à Paris.
Tous les ans, on a des activités de camp autour de la thématique du développement durable, sur l'île de Lantau. Nous avons un groupe en 2nde qui s'appelle Ecologie et Territoires, qui travaille depuis 2 ans avec l'association Masarang, et qui est partie en Indonésie pour travailler dans la forêt auprès de la population locale (voir l'article ECOLOGIE - Une classe du LFI en immersion dans une asso indonésienne). On a une activité jardinage. Tout ce côté-là a été développé à la fois par les profs mais aussi par les parents qui nous ont aidé.
Nous avons installé des panneaux solaires, qui ont été pris comme outils de travail avec les professeurs de physique. Dans le lycée, l'éclairage est fait d'un système de LEDs. Donc on peut dire que le LFI est plutôt investi en termes d'environnement.
Depuis le début de votre mandat, vous n'avez pas une minute de répit ?
Pas vraiment ! Et je vous le dis tout de suite, je ne compte pas m'arrêter avant le 30 juin! Il n'y a pas de temps mort. Mais il y a un travail d'équipe tellement plaisant.
Quel est le meilleur souvenir que vous garderez de votre expérience à Hong Kong ?
C'est le jour où nous avons obtenu Tseung Kwan O, sans hésiter ! C'était un vrai événement, avec beaucoup de travail derrière. Il y a eu beaucoup de stress autour de l'attribution ou non du terrain et un précédent refus qui a été difficile à avaler. Ce projet nous a permis de réfléchir à ce que pouvait être un établissement d'avenir, pédagogiquement parlant. L'espace a été conçu totalement différemment. (voir l'article LFI - A Tseung Kwan O, retour vers le futur !)
L'ouverture de Hung Hom, même si le site était temporaire, est également un joli souvenir car nous avons mis en place toute une école en peu de temps.
Par rapport à vos anciennes expériences, qu'est-ce qui vous a le plus marqué à Hong Kong?
La première chose qui vous marque quand vous arrivez ici, c'est le dynamisme et l'énergie de la ville. Il y a une recherche systématique de la qualité, du toujours mieux. C'est une grande caractéristique de Hong Kong, et de cette école. C'est difficile toutefois de faire des comparaisons entre différentes écoles car elles sont toutes différentes. Ici, je dirais que l'environnement est très stimulant.
NDLR : M. Christian Soulard prendra la direction du Lycée Français International de Singapour à la rentrée 2017. Il est remplacé par David Tran, actuel Proviseur du Lycée Pasteur à São Paulo où il exerce depuis 2013.
Antoine Vergnaud ? Marc Schildt (lepetitjournal.com/hong-kong) ? lundi 12 juin 2017