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Asia society, l’ancien dépôt d’explosifs de Hong Kong

dépôt explosifs Hong Kongdépôt explosifs Hong Kong
Asia Society Hong Kong Center
Écrit par Claudia Delgado
Publié le 17 février 2022, mis à jour le 19 février 2022

Des voies ferrées sillonnent encore le sol du bâtiment où, jadis, un convoi chargé d’explosifs cheminait sur le site militaire. Des lots de munitions dévalaient la pente raide de Justice Drive à Admiralty, afin d’approvisionner les différentes bases militaires autour de Hong Kong. Bienvenue à la Asia Society Hong Kong Center, actuel locataire de l’ancien dépôt d’explosifs de la caserne Victoria.

Admiralty ou « la cloche en or »

Aujourd’hui, Admiralty est un district composé principalement de bureaux, d'immeubles gouvernementaux, de centres commerciaux et d'hôtels, mais il abritait autrefois diverses casernes, ainsi que le quai de l’Amirauté d’où il tire son nom. Son nom chinois (金鐘) qui veut dire « cloche en or » fait référence à la cloche qui surplombait les casernes pour annoncer l’heure.  

Bettina Buck, responsable de la communication et S. Alice Mong, directrice exécutive du centre culturel Asia Society Hong Kong m’accueillent dans leurs locaux au cœur d’Admiralty, dans l’ancien dépôt d’explosifs de la caserne Victoria. Un lieu historique au sein duquel, de la poudre à canon a été traitée, entreposée, emballée et distribuée par les forces britanniques à des endroits stratégiques partout à Hong Kong. C’est le seul complexe de dépôts d’explosifs intact en Asie datant de l’époque coloniale britannique.  

 

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Caserne Wellington en 1910 — photo@gwulo.com

 

Pour comprendre l’histoire du site, il faut remonter à 1842, lorsque la colonie britannique a été établie. Ayant remarqué l’avantage tactique de l’île, les militaires ont réclamé une partie des terres — où se situe actuellement Admiralty — pour leur propre usage. Pendant plusieurs dizaines d’années, le gouvernement a essayé de récupérer cet emplacement.

Un dépôt d’explosifs en plein Hong Kong

Le front de mer s’est transformé en base navale au cours des années suivantes, la caserne Murray a été construite à l’ouest d’Admiralty et la partie supérieure des terres militaires a été divisée, d’un côté, la caserne Victoria, comprenant Flagstaff House, domicile du commandant des forces britanniques locales, d’un autre côté, des logements pour les troupes indiennes. 

 

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Caserne Victoria en 1870 — photo@Wikimedia Commons

 

La nécessité d’un endroit isolé pour préparer et entreposer des explosifs avait été déclenchée par un incident survenu en 1865, lorsque la poudre à canon d’un navire s’est enflammée, provoquant une violente explosion qui a tué 39 personnes.

Dans les années 1860, les militaires britanniques ont trouvé l’endroit parfait pour bâtir un dépôt d’explosifs à Hong Kong. En haut de la colline au bout de la caserne Victoria, avec une vue imprenable sur les toits de la ville et le port, une ravine restait cachée de toute attaque potentielle. Si l’un des explosifs s’enflammait par accident, les pentes environnantes empêcheraient l’explosion d’endommager la ville.

Un système de poulies pour transporter des explosifs

Bien que son emplacement à l’écart de la ville ait été un positionnement stratégique, le problème de l’accès subsistait. Les officiers montaient au dépôt le long de sentiers non pavés. Une nuit sombre, quatre coolies portaient un officier sur un palanquin, lorsque l’un d’eux a perdu pied, les cinq ont dégringolé dans le fossé.

Pour éviter d’autres accidents, les militaires ont fini par construire un système de poulies qui s’étendait du front de mer jusqu’au dépôt. On imagine qu’une charge d’explosifs traversant Queensway ait été tout aussi dangereuse, mais cela était préférable face à la montée à pied le long du chemin escarpé.    

 

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photo@ industrialhistoryhk.org

 

Le premier dépôt, connu sous le nom de dépôt A, a été construit en 1868. C’était une structure solide faite de granit avec des murs de 2,5 mètres d’épaisseur pour protéger les explosifs de l’air humide de Hong Kong. Le dépôt se trouvait à côté d’un laboratoire qui avait été achevé un an plus tôt. Il fait partie des plus anciens bâtiments militaires de la période coloniale à Hong Kong. Avec son toit en tuile, ses murs en brique et sa véranda en bois, le dépôt B a été ajouté à l’enceinte entre 1905 et 1907.

Des voies ferrées reliaient les trois bâtiments au téléphérique, afin que les soldats puissent transporter les barils de poudre à travers le site.

 

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Dépôt A — photo@Asia Society Hong Kong Center

Un dépôt inefficace face à la guerre aérienne

Le dépôt avait été situé sur les hauteurs pour se prémunir contre une attaque par mer, mais dans les années 1930, l’emplacement s’est avéré inefficace, à défaut de protection contre les bombes venues d’en haut.

En 1940, avec la menace de guerre contre le Japon, l’armée a vidé le dépôt d’explosifs et a érigé en bordure du site le GG Block, un bâtiment en béton. Il aurait servi de QG à la Direction des enquêtes spéciales de la Police militaire royale. Pendant l’occupation, casernes et dépôts ont été utilisés par les forces japonaises. 

 

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 bloc GG— photo@Asia Society Hong Kong Center

 

En 1959, le gouvernement de Hong Kong a entamé les démarches auprès du Ministère de la Guerre pour la libération des terres des anciennes casernes. Mais ce n’a été qu’à la fin des années 70, que les militaires ont cédé cette zone au gouvernement.

En 1979, les quatre bâtiments, construits en 2 niveaux, ont été restitués au gouvernement de Hong Kong avec les casernes. Ils ont ensuite servi de bureaux et d’entrepôts au gouvernement. Au cours des années suivantes, le bloc GG a été utilisé par le ministère de l’Immigration pour recevoir les migrants chinois sans papiers et plus tard, comme bureau de paie pour la branche financière de l’Armée britannique.

 

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anciens chariots - photo@Claudia Delgado

Du renouveau pour les casernes de Hong Kong

Au milieu des années 80, les casernes Wellington et Victoria ont été démolies pour être réaménagées en hôtels, centres commerciaux et bureaux gouvernementaux, y compris la Haute Cour. Le site des casernes Wellington a été remplacé par le jardin Harcourt. La partie nord des casernes Victoria est devenue le Hong Kong park tandis que Pacific Place a été bâti sur la partie sud.   

Mais le dépôt d’explosifs comprenant 13 000 m2 a été laissé à l’abandon, oublié pendant des années. Il est même devenu un désagrément lorsque le gouvernement a voulu le démolir afin de construire Kennedy Rd. Les militaires s’y sont opposés et l’actuelle route doit se courber autour de cette zone en dessinant un long arc pour la contourner.

 

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dépôt B - Miller Theater — photo@Asia Society Hong Kong Center

 

En 2002, le gouvernement a loué le site à Asia Society Hong Kong Center (ASHK) dirigé par Quo-wei Lee, un organisme à but non lucratif qui organisait des conférences et des événements culturels dans le territoire depuis 1990. Il est l’un des 14 centres du réseau Asia Society à travers le monde, dont l’un des plus récents a ouvert ses portes en France en 2021.

Les rénovations ont commencé quelques années plus tard, les architectes new-yorkais Tod Williams et Billie Tsien ont été choisis pour mener à bien la rénovation de cette jungle, où des banians géants poussaient à partir de bâtiments abandonnés. Leur proposition pour rénover le site a été retenue grâce à l’équilibre entre modernité et nature. Lorsqu’on se balade dans les lieux, on est saisi par cette construction que paraît fusionner avec la végétation.  

Nouveau site alliant conservation et modernité

Un nouveau bâtiment, séparé du dépôt d’explosifs a été bâti. Avec un pont à deux étages reliant les différentes zones : le pont supérieur mène à un jardin sur le toit et le pont inférieur à l’accueil.

Avec son style sobre et élégant, ses murs faits de pierres foncées, le nouveau site allie conservation du patrimoine et modernité.

  

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Asia Society après rénovation — photo@Claudia Delgado

 

Le dépôt A a été transformé en galerie, le B en théâtre (Miller Theater). L’ancien laboratoire abrite aujourd’hui des salles de réunion et des bureaux. Après sa rénovation, le centre abrite également un restaurant et des salles de conférence qui peuvent être utilisés pour des performances et des projections de films.

L'Asia Society a su adapter et conserver ce lieu historique. Depuis 2012, le centre est ouvert au public, aux écoles et aux organisations. Un endroit qui relie culture, art et éducation.

 

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Ancien dépôt B après rénovation — photo@Claudia Delgado

 

Trois de ses quatre bâtiments ont été classés monuments historiques de niveau I, témoignant ainsi du passé de Hong Kong. Les explosifs ont disparu depuis longtemps, tout comme les poulies, mais les dépôts sont toujours là, nichés au milieu du paysage verdoyant.  

Leur exposition photo actuelle Recovery, Resilience, Resurgence retrace l’histoire de Hong Kong depuis la période d'après-guerre jusqu’aux années 1970. Vous pouvez la visiter en ligne ou sur place, lorsque les conditions sanitaires le permettront. Pour connaître la date de réouverture, rendez-vous sur leur page Facebook.  

 

 

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