TIANDUCHENG - Une reproduction de Paris… à 200 kilomètres de Shanghai

Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 26 septembre 2013

En Chine, à 200 kilomètres de Shanghai, on peut désormais contempler la Tour Eiffel et l'Arc de triomphe. Aussi absurde que cela puisse paraître, la ville de Hangzhou compte en effet désormais en son sein une reproduction en concentré de la capitale française, une enclave flambant neuve du nom de Tianducheng, qui, 3 mois après son ouverture, a déjà rejoint la cohorte des villes-fantômes chinoises.

Un échec pharaonique

En Chine, les promoteurs immobiliers se piquent désormais de copie urbaine. Après Londres et Hallstatt, un village autrichien classé par l'UNESCO, c'est au tour de Paris d'être reproduite. A 200 kilomètres de Shanghai, un précipité de la capitale française a ainsi surgi de terre dans la ville de Hangzhou. Ce quartier chic et toc nommé Tianducheng est en réalité un projet pharaonique qui comprend entre autres une Tour Eiffel de 108 mètres de haut, un Arc de triomphe, de vagues répliques du jardin du Luxembourg et de Versailles ainsi que plusieurs dizaines de faux immeubles haussmanniens qui bordent une non-moins fausse avenue des Champs-Elysées.

Seulement voilà, 6 ans après le début des travaux, ce plan immobilier "haut de gamme" n'est pas la réussite escomptée. Les promoteurs qui espéraient attirer au moins 100.000 habitants dans ce "Paris miniature" s'en mordent les doigts. Trois mois après son ouverture, Tianducheng ne compte qu'à peine 2000 âmes. Seuls s'y pressent en masse les jeunes mariés séduits par ce glamour à peu de frais qui viennent poser devant la Tour Eiffel.

La société Zhejiang Guangsha Co. Ltd., le développeur de ce parc immobilier, n'en démord pourtant pas. A l'en croire, tous les logements devraient être loués ou achetés d'ici 2015. Mais il y a fort à parier qu'il n'en soit rien. Dans cette enclave "française" entourée de terrains agraires, le prix des appartements est bien trop onéreux, - il faut en effet débourser 500 euros en moyenne pour un 300m2 avec vue sur les vignes de Montmartre ou sur les bassins de Versailles ? un prix bien au-dessus des moyens de la population locale.

Villes fantômes et urbanisation à outrance

En Chine, Tianducheng n'est malheureusement pas un cas isolé. Tout comme Ordos, en Mongolie-Intérieure, censée accueillir un million d'habitants ou la ville nouvelle de Tieling, dans le Liaoning, lancée en 2005 pour loger 340.000 personnes, ce quartier de Hangzhou n'est qu'une autre ville fantôme parmi des dizaines qui ont fleuri ces dernières années à travers le pays, victimes du boom immobilier et des ambitions démesurées des autorités locales ou de promoteurs insatiables. Un nouveau fiasco qui devrait servir d'avertissement au pouvoir en place.

Cependant, malgré les nombreux échecs du type Tianducheng, l'équipe de Xin Jiping semble vouloir une fois de plus recourir à la vieille recette keynésienne des grands travaux pour enrayer le ralentissement actuel de la croissance économique passée sous la barre des 8%. Avant l'été, le premier ministre, Li Keqiang, a ainsi fait savoir qu'une nouvelle stratégie ambitieuse d'urbanisation qui inclurait la construction de neuf villes nouvelles et le transfert progressif de 250 millions de paysans vers les cités était à l'étude.

Mais des voix se sont élevées dès l'annonce pour dénoncer ce projet. Il s'agit là d'une bien mauvaise idée selon certains experts qui mettent en garde contre une politique de fuite en avant qui risque d'aggraver les déséquilibres sociaux déclenchés par le brutal exode rural des dernières décennies. "Il faut cesser de construire des villes et au contraire relever le niveau de vie des campagnes pour stopper le départ des ruraux", juge Zhou Xiaozheng, professeur à l'Université du peuple. "L'urbanisation nourrit les troubles sociaux", ajoute-t-il en guise d'avertissement aux dirigeants, pour lesquels la stabilité reste la priorité absolue. Prudemment, Li a donc repoussé à l'automne la présentation détaillée de sa stratégie.