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SOCIÉTÉ – Un fléau qui s’appelle Kétamine

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 13 décembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018

 

K, Kit-Kat, K-chai, ce sont les différents noms qui circulent dans la rue. Sniffée, sirotée et avalée dans les bars, les clubs et les appartements de la ville tous les jours. Hong Kong et surtout sa jeunesse, semble sous l'emprise de cette drogue. Mais quel est exactement ce médicament qui a pris tant d'ampleur à Hong Kong ?

La kétamine sous sa forme médicamenteuse.

Juste après l'héroïne, la Kétamine est la drogue la plus fréquemment consommée à Hong Kong. Une drogue bon marché et que l'on trouve facilement. Largement répandue au sein de la jeune génération hongkongaise, la consommation de kétamine est l'un des principaux fléaux sociaux de la ville. Les conséquences liées à l'abus de cette substance peuvent être dramatiques. Mais trop rares sont les consommateurs réellement avertis des dangers qu'ils encourent.

Qu'est ce que c'est au juste la « kétamine » ?
La kétamine est un puissant stimulant. Elle accélère le rythme cardiaque et provoque une sensation de réveil. Pourtant, inventée en 1962 par Calvin Stevens pour les laboratoires Parkes Davis, elle est utilisée dans le cadre d'anesthésies brèves. Les médecins s'en servent à grande échelle durant la guerre du Viêtnam sur les soldats américains. Cependant on en évite rapidement l'emploi en raison d'un de ses effets secondaires : elle provoque des sensations proches d'une expérience de mort imminente.

Comme un anesthésique et analgésique, le médicament sert encore en médecine vétérinaire mais il est quasiment exclu de toute médecine humaine. À des fins de divertissement ou de détente, la kétamine a pourtant acquis une certaine réputation, notamment au point de devenir la drogue numéro un à Hong Kong. Elle a des effets psychédéliques et cause des changements de perception associés à des phénomènes d'hallucinations comme les provoque le LSD, auxquels il faut ajouter les effets de  réduction des sensations corporelles. Elle peut également donner lieu à des rêves agités et des délires légers. La kétamine donne habituellement à l'utilisateur une sensation de flottement, elle est en effet connue comme un « anesthésique dissociatif », provoquant une dissociation de l'esprit et du corps.

En tant que drogue, elle peut se présenter de trois manières différentes. Soit sous la forme d'une poudre cristalline que l'on « sniffe » mais qui est aussi soluble dans l'eau ou dans l'alcool, soit sous forme complètement liquide, dans ce cas elle est injectée par intraveineuse. La troisième forme, celle de comprimés, est la plus dangereuse notamment la présence d'autres substances est plus difficilement détectable. Toutes ces méthodes sont très répandues à Macao, Guangzhou, Shenzhen et Hong Kong. En fait, la popularité de cette drogue le long des côtes de la Chine du sud est telle que les spécialistes chinois et étrangers admettent de concert que Hong Kong peut être considérée comme la capitale mondiale de la kétamine.

Quels risques pour la santé ?
Paradoxalement au fait qu'elle accélère le c?ur, elle diminue toutes les sensations extérieures, comme la douleur. Le principal danger qu'encourt un drogué à la kétamine est d'être impuissant, de ne pas pouvoir diriger son corps ou de ne pas réagir à ses signaux d'alarme. Les effets commencent environ trente secondes après une injection intraveineuse, deux à quatre minutes après une injection intramusculaire, de cinq à dix minutes après l'avoir « sniffée ».

Le Time Out du 28 septembre 2011 a consacré un long reportage à la drogue qui a envahit la cité.

La tolérance à la kétamine se développe très rapidement et entraîne souvent une escalade des doses prises. Deux grandes lignes de shoot dans un club se transforment en un court laps de temps en quatre grandes lignes. La drogue cause une dépendance psychologique chez certains individus malgré ses principaux effets de « descente » : l'anxiété, l'agitation nerveuse et de forts changements de perception, comme des troubles visuels. L'utilisateur risque alors de se blesser sans le savoir ou d'attenter à ses jours. Couplé avec l'alcool, la kétamine peut provoquer chutes et autres blessures. Les blessures ne sont souvent remarquées que le lendemain. Des effets qui valent aux utilisateurs dans le milieu de la nuit le surnom de « zombies ».

Les effets décrits ci-dessus sont temporaires mais l'usage réitéré de cette drogue peut également entraîner des complications graves et définitives sur les organes. Les plus fréquentes concernent le rétrécissement de la vessie, la détérioration des fonctions rénales et du foie. Selon la fréquence des prises et la durée de consommation de kétamine dans le temps, les organes les plus touchés peuvent être définitivement endommagés.

Un fléau qui touche les plus jeunes

Le nombre d'adeptes à la kétamine est élevé à Hong Kong et toujours croissant. Selon le constat établi par les hôpitaux de la ville, la kétamine attire en priorité adolescents et jeunes adultes. La majorité des consommateurs est en effet âgée entre 13 et 25 ans.

Sa popularité est due à la fin du cartel de l'héroïne contrôlé par les quatre grandes familles de la mafia hongkongaise. Après leur démantèlement, les connexions permettant de s'acheter de la drogue se sont diversifiées. Aujourd'hui il est moins dangereux d'acheter de la kétamine que d'autres drogues dures. L'achat et la vente se font à travers les réseaux sociaux, rarement par l'intermédiaire de dealers armés et mafieux. Le docteur Alfred Mak, spécialisé depuis de nombreuses années dans la réhabilitation des drogués explique au Time Out qu'il "suffit d'aller à n'importe quel coin de rue de Lan Kwai Fong, la nuit, pour trouver de la kétamine. Vous avez besoin d'une connexion, de quelqu'un qui vous introduit, puis vous vous la procurez, c'est aussi simple que ça". Une drogue facile à acheter, consommée majoritairement lors de soirées très alcoolisées.

Comme le docteur Mak, beaucoup de spécialistes hongkongais estiment que c'est la compatibilité de la nature de la kétamine avec le mode de vie local qui est la source de son succès. Les adolescents la voient comme une manière simple, rapide et efficace d'expérimenter des sensations fortes sans trop de séquelles physiques. Comme il a été expliqué plus haut, la kétamine n'a besoin que de quelques minutes pour prendre effet, et ne laisse guère de traces sur le visage de l'utilisateur ? si toutefois l'utilisation est occasionnelle. "C'est peut-être triste à dire mais c'est une drogue qui a un bon rapport qualité-prix", explique l'officier de police Tak Cheung Leung. En outre "la plupart des adolescents ne considèrent pas la kétamine comme une drogue".

Une méconnaissance qui permet de mieux comprendre le nombre croissant de jeunes qui viennent se faire soigner après être tomber dans le "K-hole" selon l'officier. Qui ajoute "je pense que la popularité de la kétamine à Hong Kong est profondément enracinée car liée au rythme trépidant de sa société".

Roman Fruitier (www.lepetitjournal.com/hongkong.html), mardi 13 décembre 2011

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Publié le 13 décembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018

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