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Quartier populaire de la péninsule de Kowloon niché entre les stations MTR Sham Shui Po, Nam Cheong et Cheung Sha Wan, Sham Shui Po, attire d'emblée le visiteur avide de gadgets électroniques dernier cri, de jeux vidéos, d'ordinateurs, de smartphones et d'accessoires en tout genre. Pourtant pour peu qu'on se donne la peine de les découvrir, ce district pauvre et populeux recèle quelques trésors d'une authenticité unique.
Histoire(s)
Si les premières populations se sédentarisent dans la région sous la dynastie Qing (17è siècle), c'est véritablement à partir de la guerre sino-japonaise de 1937 que Sham Shui Po voit déferler de nombreux immigrés de Chine continentale. Des immigrés qui, faute de moyens, s'installent sur ses collines, dans des constructions de bois assez sommaires. En 1953, un gigantesque incendie ravage toute une partie de Shek Kip Mei, à l'ouest de Sham Shui Po, laissant près de 58.000 personnes sans abri. Le gouvernement met alors en place des mesures de relocation massive. C'est cet incident qui est d'ailleurs à l'origine de la découverte extraordinaire en 1955 de la tombe de Lei Cheng Uk Han, datant de la dynastie des Han postérieurs (25-220 ap. JC). Les férus d'histoire et les curieux seront ravis de visiter le petit musée et la tombe, au 41 de la Tonkin street, qu'un jardin au charme discret protège du tumulte de la rue.
Un quartier à ciel ouvert
Sham Shui Po, pour l'étranger qui y débarque, c'est de l'effervescence à ciel ouvert, plus joyeuse et bordélique que celle qui règne à Central ou Causeway Bay. Du pittoresque à portée de rue. Le quartier engloutit d'emblée le visiteur, perdu dans une myriade d'échoppes, de sons et d'odeurs. D'un carrefour à l'autre, le flâneur bascule de la high-tech (essentiellement regroupée dans le Golden Computer Center) au marché de l'occasion ; du marché centenaire de Pei Ho (produits frais) au marché aux tissus de Hawker's market.
Sur Appliu et Kweilin streets où s'enchainent les sempiternelles boutiques de téléphone portable et les enseignes de bricolage, les vendeurs ambulants proposent d'anciennes chaînes hi-fi, des breloques en jade, en bois, ou en cuivre. Quelques mètres plus loin, c'est un stand de shamisen, instrument traditionnel chinois, qui jouxte une boutique d'appareils photos argentiques. L'offre prolixe du marché ambulant de l'occasion, tenu par des vendeurs sans âge, témoigne autant du consumérisme national que de la misère sociale et du Système D.Le district sis à Kowloon reste en effet l'un des coins les plus pauvres de Hong Kong. Il abrite toujours les "caged homes", ces appartements rudimentaires minuscules nés de la surpopulation réfugiée chinoise des années 1950. Selon le Département des statistiques de Hong Kong, près de 65.000 personnes vivraient toujours dans ces cages et ces flats minuscules.
Empreinte visible de cette pauvreté, Sham Shui Po s'est essentiellement développé dans la rue, en opposition au reste de la ville où la vie se cache aujourd'hui dans les gratte-ciels et les centres commerciaux. Les tours et les shopping malls qui ont fleuri à Hong Kong dès les années 70/80 sont d'ailleurs quasiment absents du ciel de Sham Shui Po. Construit dans les années 1990, le Dragon Centre Shopping Mall reste un spécimen unique dans le quartier. Les enseignes de "marque" s'y font d'ailleurs rares. Les trottoirs regorgent de prêt à porter "wholesale", sans label connu.
Street food et douceurs
Dans ce quartier humble et populaire d'où les enseignes chic et internationales sont exclues, la pause-déjeuner se fait aussi sans chichi, à l'aventure, dans une cantine du coin ou sur l'un des nombreux stands de street food. Les plus audacieux pourront y sélectionner leur serpent vivant avant qu'il ne soit préparé ! Les gourmands auront plaisir à goûter le traditionnel gâteau de sésame noir, ou le flan au riz caramélisé de la petite pâtisserie traditionnelle de la Fuk Wah street, tenue de père en fille depuis plus de 70 ans. Un délice !
Plus loin se dresse fièrement le marché Pei Ho, entre la Kweilin street et la Pei Ho street. Le marché fêtera ses cents ans en 2018. Témoin de l'économie florissante de Hong Kong, à l'heure où le ferry opérait encore entre le Pier de Sham Shui Po et Central, il continue de proposer chaque jour des produits frais aux locaux.Le temple des tissus
Entre Cheung Cha Wan, Lai Chi Kok Road et Nam Cheong street, Sham Shui Po change radicalement de décor, délaissant l'effervescence des marchés de bric-à-brac pour un quartier plus industriel. Ici, sont encore implantées de nombreuses entreprises textiles, résidus de la période faste du début du 20è siècle. A chaque vendeur de tissu sa spécialité : fausse fourrure, jean, liberty... Les échantillons volent au vent sur des petits cartons mis à disposition des clients à proximité des boutiques d'accessoires où s'étalent boutons, perles et fausses pierres, boucles de ceinture et rubans.
Qu'on soit adepte ou non de high tech ou de de loisirs créatifs, se perdre dans ce labyrinthe de breloques et de produits électroniques reste un plaisir sans partage car déambuler dans les rues de Sham Shui Po, c'est aussi remonter le fil du temps et de l'histoire, à la rencontre des petits métiers artisanaux , du passé industriel de la ville, de ce véritable Hong Kong qui se dérobe sans cesse et qui n'existe guère plus que dans ce dédale de Kowloon.
Estelle Tchernychev (www.lepetitjournal.com/hong-kong) vendredi 20 mars 2015
Crédits photos Wikimedia Commons, Estelle Tchernychev, Florence Morin
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