Édition internationale

NOUVEL AN - Le singe dans la tradition chinoise

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 31 janvier 2016

 

Retour en page d'accueil - Découvrez nos autres articles

Dans quelques jours, la chèvre fera place au singe dans le calendrier. Le singe le plus célèbre de la tradition chinoise est sans conteste Sun Wu Kong, le Roi des Singes, le ?Grand Saint a l'égal du Ciel?, un personnage rusé et facétieux aussi connu en Chine que peut l'être Tintin ou Astérix en France. Mais le singe se retrouve aussi dans de nombreuses mythologies asiatiques.

La légende tibétaine raconte ainsi que les premiers ancêtres naquirent d'un singe du foret et d'une démone des rochers. Bien avant que les humains n'apparaissent au Tibet, il y avait une montagne à trois pics dénommée Gongbori sur la rive sud du Yarlung Zangbo, le grand fleuve tibétain. Chaque pic contenait une grotte : dans l'une vivait un chaste singe, dans l'autre, une démone des rochers parfois décrite comme une belle ogresse. Le singe méditait seul dans sa grotte quand il entendit les grognements et les pleurs solitaires de la démone qui lui dit qu'elle le voulait pour mari. Le singe, d'abord peu enclin au mariage, finit par accepter et épousa l'ogresse qui lui donna six enfants.

Bien sûr, il faut noter qu'une tradition bouddhiste postérieure présente le singe et la démone comme des incarnations d'Avalokitésvara et de Tara (les divinités bouddhistes les plus populaires du Tibet). Mais il existe aussi en Chine du sud de nombreuses histoires de singes ayant enlevé des femmes et engendré des enfants avec elles. Diverses tribus se présentent comme issues de ces mariages mixtes.

Symbole de laideur et de protection

Pour les Chinois, le singe est symbole de laideur, de fourberie et de cupidité, jugements partages d'ailleurs par de nombreux peuples. Sans doute, l'homme voit-il dans cet animal une image par trop semblable à la sienne, chose désagréable au possible.

Là ou nous disons ?malin comme un singe? pour décrire l'espièglerie d'un enfant, les Chinois disent: ?s'il était poilu, il serait plus malin que le singe? et pour évoquer la cupidité  ?le singe ne laisse pas tomber un jujube séché de ses mains?. Si dans le langage populaire français ?un vieux singe? désigne un homme plus très jeune, guère beau et amateur de promiscuité sexuelle quelque peu douteuse, en chinois populaire, il désigne l'homme adultère. Un homme déloyal se dit aussi en chinois ?un singe coiffe?, et, dans un autre registre, la laideur se traduit par ?une bouche pointue et un menton de singe?.

Et pourtant, le singe n'en est pas moins un animal de bon augure, vénéré comme un dieu dans toute la Chine du sud. Autrefois, les caravanes d'Asie du sud avaient toutes un singe avec elles, car cet animal, très sensible, savait reconnaitre une fièvre maligne qui atteignait les chevaux et refusait d'entrer dans toute auberge ou sévissait cette plaie. On l'utilisait donc pour se protéger. C'était aussi un habile découvreur de serpents, qui en avait très peur et avertissait toute la compagnie quand l'un de ces reptiles montrait son nez.

Les Chinois pensent que le singe est capable d'assurer aux hommes santé, protection et succès, car ils lui prêtent un pouvoir sur les gobelins, les farfadets et autres esprits malins. Aussi l'appellent-ils au secours en cas de maladie et autres revers de fortune.

Le Roi des singes, ce héros

Mais revenons au plus célèbre d'entre eux, Sun Wun Kong, le Roi des singes. Il est le héros de tous les livres d'enfants, le bouffon de centaines d'opéras populaires, le personnage le plus remuant, le plus malicieux et le plus imprévu de toute la ?mythologie? populaire chinoise.

Toutes les histoires concernant ce héros ont été rassemblées dans Le Pèlerinage en Occident de Wu Cheng' en. Ce roman picaresque du XVIème siècle raconte le célèbre voyage du moine Xuan Zang qui partit en Inde en 629 à la recherche du bouddhisme originel, escorte par notre fameux singe.

Sun Wu Kong naquit d'un ?uf de pierre sur le Mont des Fleurs et des Fruits. Plus intelligent que ses congénères, ces derniers ne tardèrent pas à l'élire roi. Mais une telle situation ne pouvait satisfaire bien longtemps le singe ambitieux. Ayant entendu parler de l'existence éternelle, il se mit en quête de sages taôistes qui pourraient lui en enseigner la recette. Il apprit ainsi de nombreux tours de magie et fut bientôt capable d'exécuter 72 transformations et un saut périlleux de 108 000 lis qui pouvait le propulser à grande vitesse aux quatre coins du monde. Il en profita pour semer la zizanie partout ou il passait: il s'introduisit dans le palais sous-marin du roi-dragon, descendit dans le monde des ténèbres ou il effaça son nom du registre des morts, s'assurant ainsi l'immortalité.

Suite à de nombreuses plaintes, l'Empereur de Jade finit par envoyer ses généraux le capturer, mais devant leur échec, il le nomma Protecteur des chevaux des écuries impériales, titre que le singe prit pour une insulte. Ce dernier s'échappa donc de la cour céleste et regagna la terre ou il se proclama ?Grand Saint a l'égal du Ciel' et défia de nouveau l'empereur céleste. Celui-ci, conciliant, lui offrit une haute position à la cour, le chargeant du jardin impérial des pêchers. Mais la reine-mère de l'ouest organisa un banquet de pèches en l'honneur du maître du Tao. Le singe, vexe de ne pas être convie a la fête, mangea les pèches, désorganisa le banquet, vola l'élixir de cinabre et regagna son royaume terrestre.

Les Dieux taôistes et l'Empereur de Jade, fatigues et impuissants, remirent finalement le singe entre les mains du Bouddha qui le confina prisonnier dans une montagne. C'est finalement la déesse de la Miséricorde qui pria le Bouddha de libérer le singe et de l'assigner comme escorte au moine Xuan Zhang qui partait en Inde, sans omettre de lui fixer sur le crane un serre-tete en or qui se rétrécissait quand le singe faisait des siennes, lui causant un mal de tète insupportable. Lors de ce voyage, Sun Wu Kong, accompagne d'un serviteur et du cochon Zhu Bajie, combattit de nombreux monstres pour assurer le passage du moine qui, 17 ans après son départ, revint d'Inde avec six cents textes sacres.

Le culte du Dieu-singe à Hong Kong

C'est ce singe, qui déifié sous le nom de ?Grand Saint a l'égal du Ciel?, est vénéré dans de nombreux temples de Chine du sud. Quelques uns lui sont consacrés à Hong Kong, le plus connu étant celui qui est près de ?Sau Mau Ping Housing Estate? dans les collines, derrière le port de containers de Kum Tong.

Le Dieu-singe est vénéré ici comme porteur de paix et de bonheur. Son anniversaire a lieu le seizième jour de la huitième lune (vers la fin septembre). Ce jour-le son portrait est érigé sur un terrain à l'extérieur du temple et des milliers de personnes se rassemblent pour écouter un médium dans lequel le dieu-singe s'incarne quand il rentre en transes. Il court sur des charbons ardents et finalement brise de ses dents un bol de porcelaine avec lequel il se coupe la langue, dont il laisse gouter le sang sur des papiers qui portent des symboles capables de repousser les mauvais esprits, papiers qui sont distribués aux fidèles qui, en retour, font une donation au temple. La cérémonie est suivie de jours de festivités qui comprennent de nombreuses représentations d'opéra cantonais.

Le temple du singe est petit et contient sa statue de bois dore, vêtue d'orange et entourée de symboles de bon augure. Ce Dieu-singe ou ce Roi des singes semble d'ailleurs avoir un futur prédestiné, car le caractère qui désigne le singe en chinois est compose de deux parties: la première représente un homme tirant une flèche sur une cible, ce qui donne le sens de ?droiture de c?ur? et par extension celui de ?noble? ou de ?prince?, et la deuxième est le radical du mot ?animal? d'ou l'idée de ?prince des animaux?.

On offrait souvent en Chine des estampes représentant un singe à cheval (ma-shang feu hou), c'était pour les mandarins une façon de souhaiter une promotion, car du fait de l'homophonie, ma-shang feu hou signifie aussi : ?Puisses-tu immédiatement (ma-shang) être investi de la dignité de comte (feng hou)?.

Le singe est encore plus fréquemment représenté avec une pêche (qu'il a dérobée dans le verger de la reine-mère d'Occident) dans les mains. Il apporte alors la pêche de la Longue Vie, un cadeau qui réjouira tout aspirant à l'immortalité.

Gérard Henry (www.lepetitjournal.com/hongkong) lundi 1er février 2016

Pour en savoir plus sur le Roi des singes:

Le Pèlerinage en Occident est traduit dans la Pléiade et existe également dans la Petite Bibliothèque Payot

Pour les enfants, une série d'albums illustrés existe également dans la collection ?Le Roi des Singes? publiée par les Editions Etrangères de Pékin

lpj 20
Publié le 31 janvier 2016, mis à jour le 31 janvier 2016
Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos