"On a une des meilleures viandes, mais sa visibilité à l'étranger manquait". Dorénavant les efforts de promotion de la viande bovine française passent par une appellation, French Beef, a taste of terroirs, par une référence à la gastronomie et par des relais locaux composés de chefs étoilés, de distributeurs et d'institutionnels. Illustration à Hong Kong, où Interbev et Business France réunissaient les acteurs locaux de la distribution et la filière française.
Une fois encore dans l'agriculture et la gastronomie, la France est plutôt douée et a un Patrimoine ! Il y a l'embarras du choix : 22 races différentes de b?uf, des terroirs et pâturages très typés et plus de 34 pièces ou morceaux utilisés dans les cuisines françaises. De quoi faire pâlir les producteurs étrangers? Eh bien non.
En chiffres, la France est le 8ème producteur mondial de viandes de b?uf avec 1,5 millions de tonnes par an, derrière les Etats-Unis (11MT), le Brésil (9MT) ou la Chine (7MT). Une place de taille vu la superficie du pays. Mais pour l'export, les statistiques sont moins glorieuses.
Interbev, l'interprofession bétail et viande, souhaite défendre une image conquérante et de qualité à l'étranger. Elle a eu l'occasion de le rappeler à Hong Kong.
Emmanuel Bernard, le président de la commission Export d'Interbev, également producteur-éleveur avec plus de 400 bêtes, explique : "Nous faisons de la promotion dans une quarantaine de pays. En Asie, nous avons ciblé le Japon, le Vietnam et la Chine. Souvent, nous avions des discussions réglementaires et quand on parlait du produit, la référence à la « viande bovine française » manquait d'attrait. Nous avons dorénavant un logo avec une référence forte à la gastronomie, un nom, des relais et une communication mettant en avant la qualité et la sécurité".
Avant de plaire au marché, il faut pouvoir y entrer
Le manque de succès vient d'abord de contraintes réglementaires. "On a une réglementation internationale qui nous bloque, dans certains pays, on ne peut pas vendre de viande provenant de bêtes âgées de plus de trente mois. C'est le cas pour les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, le Vietnam et bien d'autres" commente Nicolas Tauveron, représentant du producteur SICABA.
Or en France, les bêtes ont en moyenne 50 à 70 mois quand elles sont abattues. Le label rouge requiert d'ailleurs 28 mois d'élevage pour délivrer son certificat.
Changer de pratique et raccourcir l'élevage à moins de 30 mois n'est pas vraiment souhaitée par la filière, plutôt contre ces méthodes de production courte. D'abord parce qu'elle se ferait au détriment de la qualité et du soin apporté au bétail. Aussi parce qu'elle mettrait les producteurs en concurrence directe avec l'Inde, les Etats-Unis, et même des pays d'Europe comme l'Allemagne et la Pologne, qui disposent tous d'un arsenal beaucoup plus adapté à la production intensive, confessent certains. Donc pas de Black Angus comme aux Etats-Unis où l'on gave le b?uf au maïs dans un temps record.
"Pour continuer, d'autres pays, comme l'Argentine et le Brésil sont des gros pays exportateurs où on peut difficilement aller" reprend-il. "Et puis, il y a les pays de confession musulmane ou juive, et pour la production Halal et Casher même si certains se démarquent en France, on a peu de moyens face à des pays très spécialisés".
La carte du monde est déjà bien rétrécie. Et, la France était en plus pénalisée par un embargo en Chine depuis 2001 suite au scandale de la vache folle.
Une offre export axée sur le premium
La situation est bien meilleure maintenant comme l'explique Emmanuel Bernard. "La Chine a été traumatisée par l'ESB [encéphalopathie spongiforme bovine, nldr] comme le reste du monde. De grands pays anglo-saxons ont largement profité de cette période. Il a fallu travailler longtemps avec les autorités chinoises, ce sont des circuits administratifs compliqués. Mais dorénavant la levée de l'embargo est faite. Le travail se concentre maintenant sur l'agrément des outils et des entreprises distributrices. C'est pour bientôt".
La Chine vient de lever l'embargo. Le Vietnam, Singapour et le Japon l'avaientt fait depuis 2015. D'autres pays atténuent leurs exigences sur ces 30 mois et il y a un intérêt grandissant pour d'autres pièces que les grillades? donc place à l'offensive.
Bruno Ménard, ancien chef triple-étoilé Michelin à Tokyo et ambassadeur de la campagne, précise: "on n'est pas là pour dire qu'on a la meilleure viande, on est là pour dire qu'on a un terroir, qu'on a un savoir-faire, et avant tout pour dire qu'on a un goût. Toutes les viandes sont des viandes de races, dans des régions différentes, Normandie, Aubrac? et sont certifiées par un certificat IGP, voire des AOP et un cahier des charges drastique".
Toute la chaîne est valorisée, de l'éleveur à la découpe des pièces. "Derrière les éleveurs, il y a une manière de travailler, de prendre soin des bêtes. Il y a aussi des normes sanitaires et une traçabilité" reprend-il. "Vous devez imaginer les bouchers professionnels qui ont une grande technique pour désosser les viandes, pour les faire maturer afin d'amplifier les goûts, la tendreté de la viande? la graisse prend un goût de noisette".
L'art d'un côté, mais aussi les exigences de santé de l'autre. A la différence des viandes à la mode comme le wagyu et l'angus, les viandes françaises sont beaucoup moins persillées. Dans le wagyu, "on cherche le muscle à travers le gras" ironisent certains dans l'assemblée.
Emmanuel Bernard y croit beaucoup: "La volonté de consommer une viande moins grasse, on la constate beaucoup en Europe. Cela devrait arriver dans d'autres pays et très vite en Asie. En France, en plus d'avoir moins de gras, on tend vers un gras beaucoup moins saturé, contenant des Omega 3 avec des recherches sur les graines de lin, les bienfaits des herbes dans les prés".
Les distributeurs présents en conviennent, "c'est grâce à cette différence que nous sommes appréciés".
Et il semblerait que cela bouge, "les bovins au salon de l'agriculture ont été visités par énormément de pays, et nos chiffres progressent bien à l'export" confie Emmanuel Bernard. A Hong Kong, la hausse des achats est de 19% entre 2015 et 2016.
Pour clôturer le séminaire, une démonstration de découpe par Eric Leboeuf, Meilleur Ouvrier de France, et une dégustation de plats préparés par les trois chefs étoilés ont ravi les participants et donné raison à Bruno Ménard: "Une fois de plus notre métier, c'est cuisiner, ce n'est pas d'être magicien. On fait de la bonne cuisine que si on a des bons produits !"
Vidéo de la campagne French Beef, a taste of terroirs
Marc Schildt (lepetitjournal.com/hong-kong) - jeudi 29 juin 2017
Séminaire organisé par Business France le 22/05/2017 au Conrad Hotel de Hong Kong