Patrick Gallois, musicien français de renommée internationale, participera à quatre concerts lors du Festival de Musique de Chambre de Hong Kong (13 au 24 janvier). Il nous explique son jeu de flûtiste, la place de cet instrument dans la musique classique et le contact avec un public international.
Patrick Gallois est à la fois flûtiste et chef d’orchestre, il a un répertoire très large allant du baroque à la musique moderne, il a étudié avec Leonard Bernstein et joué avec de grands chefs d’orchestre comme Pierre Boulez et Seiji Ozawa.
Dans sa carrière solo, il s’est produit à travers le monde, notamment au Japon où il a vendu plus de 100,000 CD de Mozart (Concerto pour Flûte et Harpe numéro 1 et 2) et a produit des albums avec la Deutsche Grammophon et la maison Naxos (40 dont 25 comme chef d’orchestre avec ce dernier).
Pendant son séjour à Hong Kong, Patrick Gallois interviendra comme flûtiste dans ces quatre concerts: An Evening in Paris (compositeurs français), A Lifetime of Beethoven, 20th Century Masterworks (musique contemporaine) et Viennese Interlude.
Nous lui avons posé quelques questions avant ces dates.
Lepetitjournal: Vous jouez quatre concerts pour ce festival. Les musiques et les époques sont différentes. J’imagine que vos interprétations ne sont pas du tout les mêmes. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consistent les changements? Et comment fait-on pour s'adapter aussi facilement?
Patrick Gallois : Chaque musique est une approche de style, de son, de pensée différente et oblige bien sûr à une recherche spécifique. Ma flûte dans Debussy sonnera différemment dans Mozart ou chez Beethoven. C'est le résultat d'un long travail fait après le conservatoire.
Après avoir quitté l'orchestre National de France en 1984, j'ai passé 10 années à essayer de comprendre la musique de Telemann, la lire, l'entendre et obliger mon instrument à rendre les sons et les couleurs que je souhaitais mettre en avant. Cela m'a permis de comprendre la différence entre les trois éléments très importants pour un artiste musicien : la musique, l’instrument et l'égo.
Le même travail a été fait sur Penderecki, Stockhausen, Takemitsu et plus récemment, François Devienne ("le Mozart Français") dont je viens d'enregistrer 4 CD. Si les trois éléments sont bien traités tout devient clair.
C’est comme un travail d’acteur. L’acteur ne lira pas Molière de la même manière que Cocteau ou Rimbaud, la diction, l'articulation, la vitesse, les pauses, le timbre de la voix tout est différent. Avec le temps, et comme pour un acteur, il devient plus facile de passer d'un personnage ou d’un type de musique à un autre.
Pour ce festival, avez-vous déjà eu l'occasion de jouer avec certains des musiciens invités ou de travailler avec le Directeur Artistique du Festival, Cho-Liang Lin ?
Il y a plusieurs années, j'ai rencontré et travaillé avec Cho-Liang Lin en particulier en Finlande au festival de Naantali. Nous partageons le même plaisir musical
La musique de chambre, avec de plus petits ensembles, a la particularité de mettre en avant chaque instrument. Pour la flûte, est-ce les formations que vous préférez?
Je me réjouis de jouer Ravel et Debussy en particulier car c'est une formation tellement française. Il est quasiment impossible de jouer ce répertoire en dehors des festivals de musique de chambre comme celui-ci.
Quels sont les compositeurs les plus intéressants à interpréter en tant que flûtiste? Et ceux que vous nous conseillez d’écouter si on veut aller plus loin après ce festival?
La flûte est l'instrument roi à la fin du Baroque ; instrument des rois et des nantis au XVIIIème siècle. Tous les compositeurs ont écrit pour elle. Les dames jouaient de la harpe ou du clavecin. Délaissée par les compositeurs romantiques, elle reviendra sur le devant de la scène grâce à Debussy et "L'après-midi d'un faune" en 1894.
Mes compositeurs préférés pour la flûte sont Carl Philipp Emanuel Bach et Debussy. Bach pour la virtuosité et Debussy pour la couleur.
Vous êtes reconnu aussi bien pour la flûte que comme chef d'orchestre, est-il difficile de jouer comme instrumentiste après avoir dirigé tant d’orchestres ?
Je lis énormément de partitions, autant que des livres. Diriger ou jouer relève en premier lieu de la lecture. Tout est imaginaire, mais il est vrai que l'instrument demande un travail spécifique comme un sportif, un entraînement quotidien afin de réaliser ce que la pensée a dessiné.
La direction d'orchestre ne demande aucun travail spécifique, c'est la respiration qui fait partir l'orchestre et la musique se dessine avec les mains. Quand je joue de la flûte, je peux entendre un orchestre et quand je dirige, je peux dessiner le son comme un flûtiste. Je pense être plus chef que flûtiste aujourd'hui et entend tout de manière symphonique.
Dans votre carrière, vous avez fait de nombreux voyages, de grands succès au Japon et récemment Taiwan et la Corée. Les pays d'Asie ont-ils une écoute différente? Attendez-vous quelque chose de particulier avec Hong Kong?
J'aime beaucoup l'écoute dans les salles de concert de Taiwan ou de Tokyo. Le public est toujours différent d'un pays à l’autre et je suis content de rencontrer un nouveau monde musical à Hong Kong. Il faut savoir que le public a énormément d'importance pour l'interprète et influence sa façon de jouer. Les relations entre personnes sont toujours différentes - je ne suis pas le même avec mes amis, ma mère, un étranger ou mon épouse pourquoi être le même avec un public différent ?
Et dans le jeu? Vous allez diriger un Masterclass flûte à Hong Kong et vous en avez certainement fait dans d'autres pays. Y-a-t-il des particularités dans les manières de jouer?
Je fais des Masterclass dans le monde entier depuis 40 ans ce qui m'a permis d'apprécier l'évolution des écoles au fil du temps.
Il y a peu, l'école de flûte était Française, et seulement Française, et tous les grands flûtistes allaient étudier en France. Depuis quelques années, cette école est devenue tellement internationale qu'il n'est plus nécessaire de venir à Paris sauf pour voir la Tour Eiffel bien sûr !
Le niveau d'enseignement en Asie est le même qu'ici. Je pense que c'est formidable car nous sommes tous différents, nous avons besoin de retrouver cette différence dans la flûte. Nos cultures vont permettre de développer une évolution des interprétations par une appréciation autre de la lecture des textes.
Nos remerciements à Premiere Performances of Hong Kong et Mailys Finel d'avoir organisé cet échange.
Pour des détails sur le festival, nous vous recommandons l'article ci-dessous et le programme complet sur le site de Premiere Performances of Hong Kong.