Édition internationale

CARNET DE VOYAGE – Un jeune moine bouddhiste français au Bhoutan

Écrit par Lepetitjournal Hong Kong
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 12 juillet 2013

 

Hong Kong est une plateforme idéale pour voyager en Asie. Partie découvrir le Bhoutan, Claudine, notre rédactrice aventurière ouvre à nos lecteurs son carnet de voyage : rencontre insolite avec un jeune moine bouddhiste français, au milieu de nulle part ?

BHOUTAN JOUR 4 : GANGTEY: 2900 m d'altitude et 4.500 âmes dans la vallée.

Visite quotidienne de monastère au pays du "Dragon de Tonnerre". Notre curiosité est piquée lorsque notre guide nous signale qu'un des moines-résidents parle Français. Voici son histoire :



Une enfance française

Il a 21-22 ans et séjourne dans ce monastère depuis 8 mois. Né en France de parents bhoutanais, son père enseigne le bouddhisme en France. Dans son enfance il est venu plusieurs fois au Bhoutan pour les vacances et voir la famille, un peu à contrec?ur: il aurait préféré rester jouer avec ses copains en France. Il a passé son bac et se lance dans des études universitaires en Langues et Cultures Etrangères. Le manque d'encadrement et de discipline lui font abandonner cette voie. Il décide alors de venir au Bhoutan passer un an dans un monastère. Son père lui recommande Gangtey où l'enseignement bouddhique est réputé: c'est un monastère privé (non subventionné par l'état), du 17ième siècle. Il entre dans un cycle pour novices de trois ans pendant lesquels il va acquérir les bases : connaitre les mantras par c?ur, l'histoire du Bouddhisme, celle de chacune des divinités et de leurs différentes réincarnations, l'art de débattre, la philosophie?

Un monde bouddhique

Il nous fait visiter le temple du monastère qui comporte 3 étages et court chercher la clé; c'est samedi jour de nettoyage, autour de nous les 80 moines résidents s'activent à tout faire reluire: les objets de culte, leurs cellules, les ustensiles de cuisine, etc. Ils ont même emprunté aux villageois des environs des serpettes afin de couper l'herbe des talus aux abords du monastère. Ca y est ? la clé tourne dans le gros cadenas qui ferme la porte du temple. Voilà l'escalier ou plutôt l'échelle qui conduit au temple principal dédié à Pema Lingpa et ses 8 réincarnations peintes sur les murs, la neuvième étant l'actuel abbé du monastère. Les dons sont posés sur l'autel et écoutons les explications : les nombreuses coupes d'eau, la bougie (don de lumière), les instruments de musique (de gros coquillages sculptés emmanchés dans des tubes de bronze), les "gâteaux" (plus pour les yeux que pour l'estomac) comme des cercles de pétales, tous de couleurs pastelles différentes agencés selon un dessin associé aux divinités qu'ils célèbrent. Nous donnons notre obole et admirons les tambours de cérémonie rouges peints de bleus, les cymbales, les trônes des Lammas du temple.

Un lieu d'apprentissage

Notre hôte était venu pour un an mais explique qu'il voudrait maintenant rester plus pour continuer l'université des moines après ses premiers trois ans, soit 9 ans en tout dont 3 de méditation ? après il verra s'il prononce ses v?ux. Quand il est arrivé, il ne parlait pas le dialecte local mais il l'a appris en quelques mois d'immersion ainsi que l'écriture bhoutanaise. Il s'est découvert deux cousins dans ce monastère dont l'un est le Maitre qu'il sert : il fait son ménage, partage sa chambre, prépare ses repas. Il a dû apprendre à cuisiner même si sa mère l'avait rapidement initié. Quant à l'autre cousin, après ses 9 ans de monastère et son mariage, l'abbé a souhaité qu'il reste pour gérer le monastère, sa femme s'occupant de la comptabilité.

D'autres civils vivent au monastère : l'un aide par exemple à la cuisine.
Notre ami est content d'être au service de son cousin, il mange bien, il est souvent plus tranquille que les autres surtout quand son maitre est en déplacement (cette semaine-là à Singapour). Il peut alors se lever plus tard mais en restant discret car il est en infraction avec les règles du monastère. D'ailleurs à son arrivée, il a reçu pas mal d'amendes de 30 roupies pour ses retards. Il a du devenir ponctuel pour préserver son budget car il ne peut pas se permettre ces dépenses répétées. Il faut dire que la vie est rude au monastère : lever à 5 heures, une heure de prières, puis trois heures d'apprentissage et une heure de débats en Tibétain sur différents sujets. Au cours des débats, les novices récitent souvent, au début au moins, des arguments appris par c?ur. Notre hôte évoque un jeune moine de 15 ans, très doué, capable d'argumenter selon ses propres idées, un peu en "free style". La journée des moines s'achève par une autre heure de prières à 19 heures et il reste alors deux ou trois heures pour étudier.
Nous buvons une partie de l'eau bénite safranée qu'il nous offre en s'excusant car n'en reste plus beaucoup et nous mettons le reste sur nos cheveux comme le veut le rituel. L'occasion de parler des trois repas quotidiens préparés par les quatre moines qui se succèdent à la cuisine : constitués de riz avec une sauce chili (légume-phare du pays), ils s'accompagnent de thé au beurre le matin ou d'un plat de curry pour l'un des deux autres repas.

Des croyances

La visite continue. Une salle arrière est consacrée à Bouddha. Elle contient dans un stupa recouvert de cuivre les restes de la 9ième réincarnation de ? ça y est, il m'a perdue ! ? Visiter les temples du 1er étage ? ? Avec plaisir. Cinq petits temples y sont aménagés, chacun dédié à une divinité différente?.et le jour de ménage, c'est aussi dans les étages : les matelas et les tapis de prière sont secoués sur le petit balcon?
Une rencontre, notre hôte nous présente la 4ième réincarnation d'un Lamma vénéré dans ce temple, il a 13-14 ans et a été gravement malade enfant conformément à une prophétie sur la réincarnation de précédent Lamma. Guéri, il est arrivé pour étudier au monastère en 2008 où séjourne un total de 9 jeunes réincarnations. Souvent, les enfants novices sont envoyés par leurs parents qui voient, par ce moyen, une bouche de moins à nourrir et une chance de recevoir une bonne éducation.

Notre guide improvisé se renseigne parfois auprès des moines présents pour nous fournir des explications sur les divinités honorées dans chaque temple qui recèlent des merveilles : du bois sculpté et décoré partout. La maintenance du monastère est assurée par les artisans du village qui sculptent, peignent et nous rencontrons aussi des apprentis au travail qui vont bientôt passer leurs examens. Dans l'atelier, ils sont appliqués à recopier un décor dessiné sur une feuille de papier par piquetage sur le bois placé dessous.

Nous ne visitons pas le 5ième temple car seuls les bouddhistes peuvent y pénétrer. Outrepasser pourrait conduire les gardiens du temple - représentés par des peintures menaçantes à l'entrée - à nous jeter un mauvais sort !

Deux mondes

Notre jeune moine nous emmène jusqu'à son "chez lui" qu'il partage avec son cousin dignitaire dont il nous montre la photo. Il nous offre du thé Chai - thé au lait avec du gingembre, laurier, cardamone et cannelle comme en Inde ? et propose aussi des gâteaux. Nous le questionnons sur son isolement au Bhoutan et ce qu'il a vu du pays depuis son arrivée : il a profité des vacances pour voyager afin de rendre visite à sa nombreuse famille, oncles, tantes, grand-mère? plus de 100 personnes qu'il a découvertes. Il rentrera aussi en France pour les vacances de décembre, voir sa famille proche. Quant aux découvertes, il précise qu'après les 5 jours de cours, le samedi est consacré au nettoyage, douche hebdomadaire à l'eau froide comprise mais qu'à partir du samedi soir, le dimanche matin et après-midi : c'est quartier libre ! Les moines peuvent aller explorer les environs, de magnifiques forêts où vivent encore tigres léopards, ours?et une plaine habitée l'hiver par des "cigognes" à têtes noires qui migrent en mars vers le Tibet.

Il était heureux de nous parler de sa vie en français et nous, nous avons pu percevoir cette vie "de l'intérieur", racontée par un jeune Français au vocabulaire très moderne, transplanté dans ce décor du 17ième siècle ? Il aime sa nouvelle vie au Bhoutan, il se sent plus structuré, plus discipliné? "mais il y a encore à faire" dit-il ?

Claudine Cicut (www.lepetitjournal.com/hong-kong) Vendredi 12 juillet 2013

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lpj 20
Publié le 11 juillet 2013, mis à jour le 12 juillet 2013
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